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À Francorchamps, le vent tourne

Il n’était, il y a peu de temps encore, tout simplement pas possible de débattre de la Formule 1. Il y eut notamment cette campagne de presse qu’avait diligentée le plus lu des quotidiens francophones (la DH) contre le seul parti à ne pas avoir cédé à l’hystérie – Ecolo, dont la cuisante défaite électorale de 2003 avait été partiellement imputée à l’affaire par bon nombre d’observateurs. Il n’était pourtant alors question que d’une loi sur la publicité pour le tabac. Les choses ont manifestement changé. Et il est désormais possible de poser tout net la question de l’opportunité pour la Wallonie d’investir, par dizaines de millions d’euros, de l’argent public dans le circuit de Francorchamps, et de subventionner au passage le juteux business de la Formule 1. Il y a d’abord là un enjeu moral. Quand le seul salaire annuel des champions de F1 (on ne parle pas des bénéfices de M. Ecclestone) équivaut à celui d’un travailleur moyen pendant 500 ou 1000 ans, il devient en effet difficile de demander au contribuable de verser son écot ; qui plus est, peut-on supposer, quand on persiste comme le font la plupart des promoteurs de «Francorchamps» à se réclamer du socialisme. Il y a ensuite un enjeu économique. Contrairement à ce que certains responsables politiques s’époumonent toujours à faire valoir, Francorchamps n’est pas ce moteur économique d’une région qui a été décrit en maintes occasions. Le ministre de l’économie wallon, Jean-Claude Marcourt, l’a d’ailleurs reconnu implicitement en organisant dernièrement un séminaire visant, selon les comptes-rendus faits dans la presse, à «faire en sorte que les 25 millions d’euros investis par la Région On ne parle ici que de l’investissement dans l’infrastructure du circuit, investissement qui est loin de représenter l’intégralité des sommes déboursées par les pouvoirs publics wallons aient un impact sur le redressement économique de la Wallonie», objectif que le journaliste Philippe Bodeux résumait, dans Le Soir, d’une formule laconique: «réaliser un exploit». Dans le même registre, on se souviendra que le sénateur libéral Philippe Monfils avait, pour toute réponse, déchiré sous l’oeil des caméras de RTL-TVI, une étude sur le sujet qui, en montrant l’impact économique congru du Grand Prix, contrariait ses thèses. Il y a enfin un enjeu environnemental. À l’heure où l’urgence climatique n’attend plus, à l’heure aussi où les ressources énergétiques se raréfient, le spectacle d’automobiles tournant en rond en gaspillant consciencieusement presqu’un litre d’essence au kilomètre est tout simplement devenu indécent. Cette caution au consumérisme le plus stupide n’a pas à être soutenue de quelque manière que ce soit par les pouvoirs publics. MM. Daerden et Happart, lors de la dernière campagne électorale, s’affichaient fièrement devant ce slogan : «Francorchamps, la réussite». Peut-être est-il temps de leur demander quelques explications au sujet de cette «réussite».