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Des cerveaux disponibles pour la Formule 1

Le spectacle vrombissant est terminé. Du moins à Spa-Francorchamps. L’heure des bilans est proche. Les projecteurs ont été largement braqués sur les risques de dérapages financiers liés à cette opération prétendument « de prestige ». On peut le comprendre puisque la Région Wallonne s’était engagée — en notre nom! — à combler les pertes éventuelles. Jusqu’à 18 millions d’euros (presque 1 milliard de FB.) cette année? Et qui est en mesure de faire le compte des sommes encore plus colossales investies ne fut-ce que ces dix dernières années par les pouvoirs publics pour que les bolides gourmands en fuel continuent à tourner à Spa? À l’heure du plan Marshall et de la flambée des coûts de l’énergie (sans oublier le drame Sonaca), ça donne à penser sur les priorités réelles des Kubla, Van Cau, Daerden, Happart and co. Mais il est un autre volet dont personne ne parle: la couverture médiatique de l’événement. Pour me limiter à ce qui est le plus stupéfiant, j’évoquerai brièvement la débauche d’interviews, de reportages et de spots consacrés par le service public à ce grand show privé et on ne peut plus commercial! On s’était beaucoup gaussé à la RTBF des propos cyniques de Patrick Le Lay, le patron de TF 1, qui avouait travailler à «rendre les cerveaux humains disponibles à Coca-Cola». Nous, le service public, nous avons des missions nobles et culturelles! On l’a bien vu la semaine qui a précédé le «grand prix». Que d’émissions transformées en promo à peine déguisée pour le «grand» jour! Quelle place démesurée accordée dans l’info à l’arrivée sur nos terres des rois du bitume! Quelle fierté de mettre toutes les compétences et tous les moyens techniques de la maison au service des courses de chars modernes! Du pain, des jeux… et toujours plus de fuel gaspillé, c’est cela que nos concitoyens demandent? Evidemment, quand on a investi des millions d’euros pour s’assurer la couverture des «grands prix» pendant cinq ans, quand on ne recule devant rien pour rester en grâce auprès d’Ecclestone, on doit en arriver là. Un véritable lavage-gavage des cerveaux! C’est le choix de la direction de l’entreprise «culturelle et autonome» (c’est le texte de la loi…): préférer les exigences du petit brigand au respect des missions de service public. Des contrats léonins, des caprices de stars, des «journalistes» réduits au rôle de porte-voix des intérêts les plus mercantiles, des spectateurs, auditeurs et téléspectateurs dopés à l’ EPO-F1. Et après on dénoncera le goût de la vitesse chez les jeunes et moins jeunes, l’achat de voitures aux performances démesurées pour nos routes et à la consommation très gourmande. On participera aux campagnes de sécurité routière et on aidera les handicapés victimes des fous du volant… Y a-t-il un(e) pilote au volant du gouvernement de la Communauté Française pour veiller à mettre un peu d’ordre et de cohérence dans tout cela?