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Désunion d’opinions irrémédiable ?

Alignement de la loi sur les évolutions sociales ou réforme bâclée risquant d’aggraver la précarité de beaucoup de femmes ? Votée en fin de dernière législature, la nouvelle procédure du divorce a provoqué la levée de boucliers de la majorité des organisations de femmes, tandis que d’autres voix, plus rares mais se réclamant aussi du féminisme, se réjouissaient de l’«avancée» que constitue la suppression de la notion de faute Quels sont les arguments, de part et d’autre ? L’ambition de la loi était à la fois de simplifier les procédures et de dédramatiser une situation qui se banalise : il y a aujourd’hui en Belgique trois divorces pour quatre mariages, dont les trois quarts par consentement mutuel. C’est pour le quart restant que les choses seront désormais différentes : plus question de «faute», il suffira de faire constater la «désunion irrémédiable». Et il sera beaucoup plus facile pour un partenaire d’obtenir le divorce unilatéralement, ce qui a fait dire à certaines organisations (comme Vie féminine) qu’on allait vers une «répudiation à la belge». Autre mesure dénoncée par beaucoup de femmes, la limitation des versements de la pension alimentaire à une durée équivalente à celle du mariage, mesure qui aura aussi un effet rétroactif pour des divorces déjà prononcés Il s’agit de la pension versée à l’autre époux pour garantir un relatif maintien du niveau de vie ; en ce qui concerne la pension versée pour les enfants, rien ne change… et notamment pas le fait que beaucoup de femmes n’obtiennent pas le paiement de cette pension, pourtant décidée par le juge !… Faut-il donc craindre, en conséqence, une aggravation de la précarité des femmes ? D’un côté, Hedwige Peemans-Poullet démontre, chiffres à l’appui, comment le mariage «enrichit l’homme et appauvrit la femme». Elle reproche à la nouvelle procédure de présupposer que l’égalité entre hommes et femmes était acquise, en oubliant les différences salariales, les violences conjugales, la fragilisation de femmes qui renoncent à leurs propres ambitions pour s’occuper des enfants et favoriser la vie professionnelle du mari… En ignorant ces réalités, la loi ne ferait que creuser les inégalités au détriment des femmes. De l’autre, Catherine François s’insurge contre ce qu’elle appelle un «féminisme lamentaire», auquel elle oppose une vision de femmes modernes, libres et autonomes… Rappelant qu’aujourd’hui, ce sont en majorité les femmes qui demandent le divorce, elle se réjouit de la disparition de la faute, cette «guérilla de recherche de preuves sordides». Tout en reconnaissant les inégalités toujours existantes, elle estime que «le mariage n’a pas pour ambition de protéger les femmes de la pauvreté ou de l’injustice sociale». Désunion d’opinions irrémédiable ? Pour rappel, les protagonistes de cette rubrique disposent chacun de 13 500 signes à répartir en trois «salves», chacune tirées 10 jours après récption du «coup» adverse. Celui qui commence a l’avantage de choisir le terrain du débat, celui qui conclut a l’opportunité de ne plus être contredit.