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Du culte du chef à la peur du peuple (introduction)

Il y avait au moins deux bonnes raisons de nous préoccuper de ces « nouveaux habits du populisme ». Des échéances électorales importantes s’annoncent en Europe alors que l’on voit renaître ou se développer des formations dites « populistes ». Et, dans le cadre de la crise actuelle, toute mise en cause des diverses « élites » et du système qui l’a provoquée est accusée de « populisme». Le populisme est donc bien au centre des débats politiques et idéologiques du moment. Ce « populisme » est une notion « floue », « complexe », « ambigüe ». Tous les auteurs de ce dossier le soulignent en préambule de leurs textes. D’emblée, Jérôme Jamin l’affirme : « Le populiste, c’est quelqu’un dont on dit qu’il est populiste ». « Le populisme, précise Jamin, n’est ni de droite ni de gauche, il est une simplification et une redistribution des enjeux selon une grille de lecture particulière, il n’est pas une idéologie, il se greffe sur des idéologies ». Et plus précisément chez nous ? La Flandre et la Wallonie sont aux antipodes en matière de populisme. Marc Jacquemain en fait la démonstration à travers « l’articulation des deux conceptions (demos et ethnos) du “peuple”, différentes en Flandre et en Wallonie ». Mais attention, si contrairement à la Flandre, « la percée d’un parti populiste en Wallonie apparaît hautement improbable, .…. cela ne doit pas forcément rassurer : l’idéologie populiste est, elle, bien présente dans la société wallonne, et à défaut de trouver une expression autonome, elle se faufile (à des degrés variables) dans tous les partis et dans tous les médias ». Jean Faniel va préciser l’analyse en ce qui concerne les partis. D’abord ceux qui, comme le FN, le PP et leurs succédanés, se situent dans la mouvance populiste à des titres divers, mais aussi le PTB qui, du côté de la gauche radicale, a essuyé des critiques en la matière. Faniel indique, par ailleurs, que « les cinq principaux partis actifs dans l’espace belge francophone ne peuvent être considérés comme populistes. Le comportement ou le discours de certains de leurs représentants est pourtant parfois considéré comme tel » mais, ajoute-t‑il, « le populisme ne doit pas être confondu avec la démagogie et le communautarisme. » Dirk Jacobs, revenant sur le populisme en Flandre, constate que pour certains intellectuels de gauche flamands, la rhétorique populiste peut être retournée contre lui, ce qui a débouché sur l’expérience du G1000. Daniel Zamora prend la question par un autre bout quand il affirme : « La première et la plus importante fonction du “populisme” est sans aucun doute la reproduction de la représentation méprisante des classes populaires et leur déligitimation dans la politique ». « La notion fait écran, écrit Zamora, et .…., loin d’expliquer quoi que ce soit, la catégorie empêche donc de comprendre sérieusement d’une part la montée du racisme et de l’intolérance et d’autre part le rapport des classes populaires à la politique. » En passant, Richard Lorent confirme au sujet de l’utilisation de la notion de populisme que « dans la rhétorique politique et médiatique actuelle, il y a de lourdes ficelles qui ne sont pas très solides intellectuellement mais d’une efficacité redoutable pour intimider les opposants. » Dans le même sens, David Pestieau, du PTB, ajoute : « Nous ne sommes pas dupes du cliché qu’on nous colle. Certains membres de l’élite politique et économique actuelle estiment que le monde est trop complexe pour être compris par le commun des mortels. Mélenchon ou Chavez sont “populistes” parce qu’ils veulent rendre cette pseudo-complexité intelligible afin d’armer les résistances sociales », un propos qui ne vaut sans doute pas que pour son parti. Enfin, Jérémy Mandin attire notre attention sur un aspect important de la « droite populiste antipolitique ». Mais laissons le dernier mot – la dernière interrogation – à Rafaël Correa Delgado, président de la République d’Équateur, qui dans un texte de 2009 nous interpellait : « Est-ce qu’une politique destinée à remettre en cause les structures économiques et sociales d’un pays ne court pas le risque de se voir toujours accusée de populisme, sans que l’on puisse en débattre ? ».