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Foot, violence et impunité

Les années se suivent et se ressemblent sinistrement dans le milieu du ballon rond. Le 16 novembre dernier, les incidents qui ont suivi le match de barrage pour l’accession à la prochaine coupe du monde entre la Turquie et la Suisse, occuperont assurément une excellente place dans la longue histoire de la violence dans le football. Pour ceux qui n’auraient pas vu les images d’Istanbul, rappelons que cette partie s’est achevée par des lancés de projectiles sur les joueurs suisses (qui venaient de se qualifier) et une série d’échanges de coups violents, sur le bord du terrain et dans le tunnel conduisant aux vestiaires, qui ont fait plusieurs blessés, dont un grave, dans l’équipe suisse Une enquête ouverte par la Fédération internationale de football est en cours pour déterminer les responsabilités dans cette affaire.

Le sport roi du vieux continent n’avait pourtant vraiment pas besoin de ce nouvel épisode qui ternit un peu plus son image déjà fort écornée, autant sur qu’en dehors des terrains. Trois exemples récents. Septembre 2004, Rome. Lors d’un match de coupe d’Europe, l’arbitre suédois Andreas Frisk doit descendre du terrain la tête ensanglantée par le tir d’un projectile venu du public. Cinq mois plus tard, le gardien de l’équipe de France et de Marseille, Fabien Barthez, insulte et crache sur un arbitre En France, on compte quelque 300 agressions (!) d’arbitres par an. (chiffre donné par Bernard Saules, le président de l’Union national des arbitres de football, en mai 2005 – L’Equipe via l’AFP).. lors d’un match amical au Maroc avec son club.

Juillet 2005, Belgique. Lors de la soirée de présentation de l’équipe 2005-2006 du Standard de Liège, Marc Delire, journaliste sportif de la RTBF, reçoit une violente gifle dans le cou de Sergio Conceiçao, la coqueluche lusitanienne des «Rouches». Motif: le journaliste ne l’avait pas repris dans son équipe-type pour la saison écoulée…à cause de ses excès d’humeur. Outre ces cas, comment ne pas évoquer les affrontements réguliers entre hordes de supporters (de clubs différents, notamment en Italie,…ou d’un même club!, comme récemment ceux du Paris-saint-Germain), les insultes (notamment racistes) quasi systématiques des supporters à l’égard des joueurs de l’équipe adverses et celles que se lancent les joueurs en matches, ou encore, toujours entre joueurs, les agressions physiques (tacles «appuyés») commises par certaines «grandes faucheuses».

D’où cette question: le milieu du football serait-il violent par nature? Impossible d’y répondre sérieusement en quelques lignes. En attendant, il est urgent de s’interroger sur des comportements et des pratiques intolérables à l’heure où le football est l’objet d’une surmédiatisation affolante à l’échelle mondiale Belgique comprise. Depuis cette année, pour la première fois dans le pays, tous les matches de championnat de division 1 sont retransmis en télévision moyennant paiement (Belgacom Tv) ou bien à la RTBF, qui retransmet un match de chaque journée «en clair». Hélas, devant les enjeux (financiers surtout) et la starification exacerbée des acteurs du jeu, il est peu dire que le milieu de foot manifeste une certaine tolérance, si pas une tolérance certaine, envers des gestes pourtant inadmissibles. Ainsi, cet exemple hallucinant: dans l’affaire Barthez toujours, la fédération française de football, sous la pression de l’opinion et du ministre des Sports, a dû aller en appel… de son propre jugement (six mois de suspension avec sursis) et a finalement condamné le gardien de but à six mois fermes (ce que stipule clairement le règlement dans pareil cas) sous certaines conditions. Neuf mois après les faits, le club Marseille n’a lui toujours pas sanctionné sa vedette…

À la lumière de ces quelques faits, l’idée de supprimer les hymnes nationaux en débuts de rencontres internationales, proposée par le président suisse de la Fifa, Sepp Blatter, à la suite des incidents stambouliotes, ne serait évidemment qu’un pansement apposé sur une jambe de bois. Par contre, pourquoi ne pas envisager d’accorder des récompenses, sous la forme de points au classement de compétition, aux équipes (supporters compris) les plus fair-play? Pour ne pas que la violence dans et hors des stades ait encore de belles années devant elle…