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Gauche, an 01

Dans un an (1999), les élections. Brouhaha dans les états-majors : la campagne est bien lancée. les carottes sont-elles déjà cuites? peut-être… Dans ce cas, elles ne sont pas du goût de ceux qui sont à la recherche d’une véritable alternative.

Étrange pays que le nôtre. C’était quand la marche blanche? Il y a moins de deux ans! Tout le pays semblait en fusion, de marches blanches en commissions parlementaires, de projets de réforme en pacte de démocratie. Tout semblait devoir être remis à l’ordre du jour et rien ne serait plus comme avant. Quelques citoyens particulièremet courageux, parents d’enfants assassinés ou disparus, affrontaient crânement les plus hauts responsables de la justice, de la police et du gouvernement. Même les conflits sociaux, des Forges de Clabecq à Renault, les manifestations du non-marchand ou les marches européennes contre le chômage et l’exclusion étaient à l’unisson de cette déferlante citoyenne. La revendication droit de vote des populations d’origine étrangères, les dénonciations des comportements racistes avaient, eux aussi, repris vigueur. La société toute entière avait bougé dans ses profondeurs, laissant libre cours aux commentaires les plus contradictoires et parfois extravagants. Très tôt, les spéculations sur les effets proprement politiques de cette « crise blanche » furent nombreuses. Les sondages prédisaient un véritablement tremblement de terre électoral en francophonie : déclin du PS, effondrement du PSC, progression du PRL et explosion d’Écolo.

Le retournement

Mais voilà, tout cela, c’est déjà du passé. Mai 1998 aurait-il été le point de retournement? L’évasion manquée de l’ennemi public n°1 a fonctionné comme le puissant catalyseur d’une dynamique vertueuse. En trois semaines, une refonte de la justice et de la police a été accouchée avec la participation active de l’opposition libérale. Un président enfin présentable a été trouvé au PSC, dont le bulletin de santé s’améliore d’heure en heure. Le PS, ragaillardi par la synthèse de son dernier congrès qui est parvenue à contenter simultanément les oppositions les plus pointues et les tenants de l’axe socialo-libéral, se sent définitivement planté au centre de la vie politique: incontournable! Si on y ajoute l’entrée de la Belgique dans le cercle de l’Euro et les bonnes nouvelles budgétaires, y a t-il encore un enjeu à la prochaine campagne électorale? Certes, voilà un tableau par trop idyllique et il reste encore bien du chemin d’ici juin 1999, quand les électeurs se prononceront. Cependant, profitant de ce climat favorable, les scénarios post-électoraux d’occupation du pouvoir se mettent en place. On peut au moins en distinguer deux principaux. Le premier est celui de asymétrie. Au nord, le tandem Dehaene-Tobback endique la montée du VLD tandis qu’au sud, l’alliance PRL-PS marginalise le PSC. Le second, plus conforme à l’évolution actuelle, serait la constitution, in fine, d’une tripartite permettant au pays de « panser ses plaies ». Il va sans dire que ce type de solutions ne sont pas celles qui ont nos faveurs. Elles font l’impasse sur les mobilisations sociales et sur les attentes citoyennes des dernières années. Politique a toujours appelé de ces voeux un autre projet à gauche. Un rassemblement à vocation majoritaire dont l’alliance entre socialistes et écologistes constitue le soubassement incontournable. Un tel scénario n’est pas qu’une construction intellectuelle. Il se manifeste déjà dans la réalité politique de plusieurs pays européens. Existerait-il une exception belge? Si oui, ses raisons sont à chercher dans un manque de volonté politique de certains stratèges, plutôt que du côté des mouvements d’idées, des mobilisations sociales ou citoyennes. la question cruciale étant maintenant de situer les deux principaux protagonistes face à un tel projet.

L’Alibi du PS

Si en épinglant le positionnement «ni gauche ni droite» d’Écolo, le PS a pu éviter de poser clairement la question d’une alternative de rassemblement, aujourd’hui, l’alibi ne tient plus. Les vrais raisons qui poussent le PS a privilégier une alliance avec les libéraux ne sont pas seulement la permanence d’une certaine culture du pouvoir à tout prix. La ficelle qui consiste à présenter l’alliance PRL-PS comme le dernier rempart contre les menaces flamandes sur la sécurioté sociale est un peu grosse. Il y a surtout our le PS une élution qui le met en rupture par rapport aux mouvements sociaux qui l’ont toujours porté. Sa récente proposition de la semaine des quatre jours formulée contre l’avis de la FGTB peut-être vue comme l’un de ces symptômes. Sans doute faut-il, aujourd’hui, interroger les différents courants qui se sont manifestés lors de la préparation du congrès du 16 mai et qui ont tneté de formuler une série de critiques et de propositions à l’égard du programme socialiste mais qui n’ont pas pu, ou pas voulu, mettre en cause l’orientation stratégique du parti dans son ensemble. Est-il possible de ne pas voir que le positionnement actuel du PS bloque non seulement toute stratégie de rassemblement mais, aussi, toute possibilité de sa propre rénovation? Quant au versant Écolo, comme le montre le «thème» de ce numéro, les choses ont bien changé. Au lendemain des élections de 1995, Écolo n’était pas en grande forme. Résultats décevants, une nouvelle direction qui devait encore faire ses preuves, débat acharné à l’intérieur entre les orientations «sociale-citoyenne» et « environnementaliste »…Depuis lors, Écolo s’en est plutôt bien sorti. Le parti est ressoudé autour d’une équipe de direction, avec des ténors dans les différentes assemblées et niveaux de pouvoir. La réussite du processus des états généraux de l’écologie politique a mis Écolo en prise avec des ressources intellectuelles et militantes non négligeables. Une sorte de «synchronisation» avec le mouvement blanc lui a permis d’en traduire les apsirations citoyennes. Le soutien — distant mais néanmoins réel — des parents Russo concrétisant cela. L’évolution de son programme en matière de réduction du temps de travail, de fiscalité, de dette publique, de construction européenne reflètent bien, et mieux que celui du PS, les aspirations des mouvements sociaux et syndicaux. De quoi faire penser à un véritable parcours sans faute. Presque! L’appel au PS de Jacky Morael, formulé à la veille du congrès venait un peu tard pour peser réellement. la gestion du « hors-jeu » dans lequel Écolo se retrouve par rapport à la réforme des polices et de la justice ne sera pas une chose aisée.

L’enjeu

Tout n’a donc pas été dit, ni fait. Mais le plus important reste la confirmation de ce projet d’une majorité de gauche plurielle, inscrite dans la durée et traduisant sur le plan politique les liens avec le mouvement social et citoyen. Un tel projet n’est en rien contraire à la poursuite du développement d’Écolo comme une force politique « alternative », capable d’aborder de manière originale les questions actuelles. dans ce sens, le positionnement politique d’Écolo a gauche a cessé d’être un sujet de débat académique plus ou moins oiseux pour devenir un véritable enjeu politique.