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Gravensteengroep : « Déverouiller la démocratie »

En Flandre, il n’y a pas que la droite nationaliste qui s’exprime dans le débat institutionnel. D’ailleurs, le nationalisme n’y est pas le monopole de la droite. En témoigne la composition du Gravensteengroep (le Gravensteen est le château des Comtes, à Gand), constitué en 2008 autour du professeur Etienne Vermeersch, une des consciences de la gauche flamande, avec des personnalités allant de syndicalistes FGTB et d’anciens communistes à des proches de la N-VA. Lancé immédiatement après en réaction, le Vooruitgroep (le Vooruit est le bâtiment historique du mouvement ouvrier gantois) s’affirme pour sa part clairement de gauche et s’est retrouvé en phase avec les récentes initiatives anti-nationalistes sous le mot d’ordre « Niet in onze naam » (« Pas en notre nom »). Lire leur article : http://revuepolitique.be/spip.php?article1484.

Ce texte a paru dans De Morgen, le 11 mars 2011 Les négociations gouvernementales ne peuvent déboucher sur un résultat que si tous les partis sont d’accord sur trois principes de négociation. Les Flamands, et plus particulièrement les partis flamands, se voient refiler aujourd’hui la responsabilité du blocage de la préformation. On peut toutefois se demander si un compromis honorable est possible lorsqu’une communauté impose chaque fois sa propre protection au prix de la légalité, de la démocratie, ou de l’intégrité territoriale et culturelle de l’autre communauté. La démocratie parlementaire est mise à mal en Belgique depuis les élections de 2007. Des mécanismes, conçus pour offrir une protection constitutionnelle à la communauté francophone, en sont venus à bloquer en permanence la volonté de la majorité démocratique dans ce pays. La durée des négociations gouvernementales en est à elle seule un signe évident. De manière ironique, ce blocage institutionnel permanent est justifié par l’argument de la préservation de la solidarité et du consensus, alors que son seul effet est d’empêcher toute évolution. Le modèle belge du consensus cache aujourd’hui un conservatisme profond. C’est de cette manière que l’on fragilise clairement l’assise politique de la société belge. C’est comme cela aussi que l’on mine la base de la solidarité fédérale. Nous proposons trois principes de négociation. Ces principes sont à la base des résolutions du Parlement flamand, ainsi que du programme et de la récente note Octopus du gouvernement flamand. Le groupe estime qu’ils constituent également des conditions nécessaires pour un avenir démocratique pour la Belgique. Nous appelons tous les partis démocratiques belges, donc aussi les francophones, à souscrire à ces principes. Le premier principe est celui de la territorialité, qui doit être reconnu une bonne fois pour toutes comme le seul fondement de cet État, comme il l’est aussi dans la fédération suisse. Il en découle immédiatement le principe de non-ingérence. Les négociateurs flamands ne posent aucune exigence au bénéfice des Flamands qui s’établissent ou se sont établis en Wallonie. Les négociateurs francophones ne posent aucune exigence au bénéfice des francophones qui s’établissent ou se sont établis en Flandre. Ces deux expressions constituent un ensemble parfaitement égalitaire et juste. Personne ne fait ici une « concession ». Pour mieux illustrer la sensibilité flamande nous renvoyons nos compatriotes francophones à la « loi 101 » du Québec. Remplacez dans ce texte de loi les mots « québecquois » et « langue française » par « flamand » et « néerlandais », et lisez-le comme une traduction : « Le Parlement flamand reconnaît le désir des Flamands de protéger la qualité et le rayonnement du néerlandais. Pour cette raison, il est déterminé à assurer la position du néerlandais comme langue officielle et comme langue judiciaire en Flandre. De plus, le néerlandais doit être la langue usuelle sur le lieu de travail, dans l’enseignement, dans la communication, dans le commerce, et dans le monde de l’entreprise ». C’est-à-dire sur le lieu de travail à Halle et Dilbeek, dans le logement social à Vilvoorde, dans le commerce à Liedekerke ou Overijse, ou encore dans l’industrie à Diegem et Zaventem. De manière plus générale cela signifie que nous condamnons l’expansionnisme nationaliste des francophones.

Déverrouiller

Le troisième principe, le principe d’égalité, doit être appliqué sans atermoiements dans la situation bruxelloise. Quelle que soit la position que se verra attribuer Bruxelles dans une future « confédération » ou « union » belge, elle doit en tout cas reposer sur une application active et sans ambiguïté du principe d’égalité. Cela signifie que Bruxelles, comme capitale de l’Europe, comme ville-région en Belgique, et comme point d’ancrage des économies flamande et wallonne, doit conserver clairement, et d’une manière identifiable dans la pratique, un statut bilingue. Cela signifie qu’aussi bien la culture néerlandaise que la culture française doivent continuer à y être soutenues activement. Cela signifie enfin que la culture, l’enseignement, les soins de santé et les autres aspects personnalisables de la vie sociale ne peuvent pas être des compétences exclusivement bruxelloises. Si Bruxelles veut être la capitale de l’État belge, elle doit se conformer aux principes démocratiques et solidaires d’une confédération ou union belge. Sinon on pourra parler d’un séparatisme bruxellois. Nous demandons à tous les partis en Belgique, de part et d’autre de la frontière linguistique, de faire savoir s’ils soutiennent ces trois principes de concertation démocratique. De plus le groupe adresse un appel particulier au Parlement flamand. Nous voyons en effet un lien nécessaire entre ces principes de négociation et les mécanismes de blocage institutionnel qui sont établis dans la Constitution belge. Il n’y a jusqu’à présent aucune indication sérieuse confirmant la crainte (francophone) de voir la majorité flamande utiliser sa force à des fins autres que démocratiques. D’un autre côté la minorité francophone n’a encore donné aucun signe porteur d’espoir montrant qu’elle est prête à utiliser sa capacité constitutionnelle de blocage à d’autres fins que des objectifs inappropriés. S’il devait apparaître que les partis francophones ne peuvent ou ne veulent pas souscrire aux trois principes démocratiques de négociation, il faudrait selon nous que les membres du Parlement flamand mettent fin unilatéralement aux mécanismes de blocage institutionnel prévus dans la Constitution belge, envoyant ainsi le signal qu’ils prennent au sérieux le rétablissement de la démocratie parlementaire en Belgique.