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Débattre de l’Europe

C’est en France que le débat sur l’Europe s’est cristallisé. Sans doute parce, comme souvent, la confrontation politique hexagonale tourne au psychodrame, les enjeux de politiques intérieures et les ambitions personnelles se mêlant d’une manière inextricable. Mais il n’empêche, même s’il traverse d’abord la gauche, un vrai débat s’est instauré en France sur la constitution européenne à propos de laquelle tous les états membres doivent se prononcer. Disposons-nous des informations minimales pour nous faire une réelle opinion sur un document long de 800 pages et dont les médias ont surtout transmis jusqu’ici l’écume des affrontements suscités tout au long de sa difficile gestation? Aujourd’hui il est bien difficile de départager les partisans et les adversaires de ce texte qui s’affrontent essentiellement à coup de slogans. Pour les uns rejeter la constitution, quelles que soient ses faiblesses, reviendrait à installer le chaos institutionnel sur le continent et à faire reculer l’union de quelques années. Pour les autres, l’approuver serait l’entérinement définitif d’une Europe ultralibérale, la fin programmée des services publics et l’abandon de toute politique sociale commune. Rien n’est totalement faux de tout cela, mais l’affrontement mérite une argumentation plus précise. L’élargissement récent de l’Union oblige à des règles de fonctionnement renouvelées (et sans doute plus audacieuses). L’Europe est par ailleurs une vielle construction libérale et, plus qu’une constitution, ce sont d’abord les rapports de forces qui déterminent la conduite des politiques économiques et sociales. De ce point de vue la composition radicalement libérale de la nouvelle Commission est certainement aussi importante que les textes constitutionnels. Le plus inquiétant aujourd’hui, c’est d’abord l’absence absolue de débat dans un pays comme le nôtre, l’indifférence généralisée des citoyens européens qui ont été 57% à s’abstenir lors du dernier scrutin parlementaire et l’inexistence de nouvelles dispositions politiques qui auraient précisément pu entraîner un contrôle plus démocratique des institutions en place. On tentera d’y revenir au fil de ces chroniques.