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Le Grand Prix et les dérives

Il en va des « affaires » comme de tous les événements de la vie publique : certaines ont une charge symbolique et une portée politique plus forte que d’autres quel que soit leur degré de médiatisation. Depuis plusieurs semaines nous avons été abreuvés de détails sur les épisodes carolorégiens, et par extension sur les manifestations d’un système clientéliste qui empoisonne la Wallonie. Salutaires mises en garde, justes dénonciations, sous réserve, bien sûr, de vérifications. Les petits arrangements entre amis, les mesquines grivèleries, l’octroi d’avantages personnels sur fonds publics : tout cela est peu reluisant et risque d’avoir des conséquences fâcheuses pour la démocratie. Sans vouloir établir une hiérarchie du scandale, l’affaire de Francorchamps semble encore plus sidérante et plus significative quant aux dérives d’un système. Il ne s’agit plus ici d’avantages personnels misérablement acquis mais de l’arrogance ou de l’incompétence de responsables gouvernementaux, de l’ignorance ou de la légèreté d’administrateurs et de l’inconscience ou de l’inattention d’élus politiques. La région wallonne a été littéralement flouée – le mot est faible- dans le contrat pour l’organisation du grand prix de Francorchamps. On tente encore de démêler les rétroactes et les circuits de décision mais on connaît les chiffres : plus de cent millions d’euro à charge de la région wallonne si le Grand Prix n’a pas lieu, un risque de déficit considérable s’il est organisé. Un négociateur qui accepte les conditions les plus incroyables imposées par Bernie Eccelstone qui a l’habitude du chantage avec les autorités comme avec les télévisions, un contrat signé les yeux fermés et par des administrateurs sans doute incapables de déchiffrer le texte qui leur était soumis, des ministres qui n’ont rien su, rien vu ou rien dit, des élus qui ne se sont pas inquiétés. Au delà des fautes et des responsabilités des uns et des autres, on continuera à se demander pourquoi un gouvernement régional a voulu se transformer en organisateur de Grand Prix de Formule 1, pourquoi des organismes publics ou parapublics ont contribué à financer des sociétés qui se pliaient aux ukases d’une entreprise dont on connaît la rapacité. Une confusion des rôles qui aggrave encore l’irresponsabilité politique.