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Introduction

Les élections communales constituent un moment fort de la vie politique belge. Elles ne peuvent être réduites, comme les commentateurs ne manqueront pas de le faire, à un sondage des sensibilités politiques et des intentions de vote de la population, permettant de dresser une cartographie indicative d’autres niveaux de pouvoir. À ce niveau fondamental de la vie démocratique au moins, les citoyens peuvent se mettre en relation avec les élus politiques, sans média interposé, dans une relation de personne à personne. La politique y acquiert un visage et une parole qui ne se cachent pas derrière des slogans. On y parle des réalités qui font la vie de tous les jours, des grands et des petits problèmes, des faits politiques concrets. Le vote traduit un geste d’adhésion simple et lisible qui se résume pour le plus grand nombre par «je soutiens ou je ne soutiens pas la gestion communale actuelle, le mayeur, tels ou tels élus locaux». L’élection communale est également un exercice délicat de recomposition des débats politiques actuels, tout particulièrement dans les communes moins nanties. Les questions de société qui ont une incidence directe sur la vie des gens sont remises dans une perspective d’action concrète. Dans un pays comme la Belgique, où ces questions sont saucissonnées entre différents niveaux de pouvoir, les formations politiques locales ont la tâche ardue d’inscrire ces enjeux de société dans une vision cohérente et territorialisée. Elles doivent, à tout le moins, dresser un état de la situation à l’échelle locale, établir des priorités, expliquer comment on peut agir, lancer parfois de nouvelles pistes d’action… dans des limites qui rendent cet exercice d’autant plus difficile : celles d’un territoire étroit. Sur une scène politique belge balkanisée, la commune apparaît ainsi pour beaucoup d’hommes et de femmes politiques comme un passage obligé. Celui de la réalité… du terrain. La revitalisation de la vie démocratique locale a été un des enjeux de la mandature qui s’achève. Les idées nouvelles en matière de démocratie participative ont été mises à l’épreuve. Les différentes affaires qui ont émaillé l’actualité locale ont également remis en lumière les réseaux d’influence et le clientélisme partisan qui peuvent vicier la vie politique locale. L’exercice du pouvoir communal doit rencontrer aujourd’hui un autre défi : comment poser pour tous, en termes contradictoires et lisibles, des choix politiques face à la disparition quasi-totale d’une presse locale indépendante assurant la publicité des débats ? Comment arbitrer les conflits d’intérêt collectif lorsque la vie sociale se délite, que triomphent les logiques individualistes ? La vie des sections locales s’est appauvrie. Seul subsiste un agrégat d’individus et de points de vue personnels. Il devient très difficile, sur cette base, de constituer une ligne politique représentative des différents courants d’idées et de sensibilités parcourant la base électorale des partis. Dans ce contexte, marqué par ailleurs par la montée d’un extrémisme antipolitique, le rôle des permanences sociales, doit sans doute être réévalué, non sans un certain contrôle collectif, comme le lieu singulier d’un contact direct avec une partie de la population. Reste enfin une dimension de l’action politique locale qui transcende le niveau des élections municipales : l’action intercommunale avec, d’une part, la réforme des zones de polices et, d’autre part, le poids important des intercommunales dans le champ du développement économique local. Ici, l’intervention des pouvoirs publics communaux est de plus en plus mise en question soit en raison d’un manque de transparence dans la gestion soit au nom de la concurrence et des logiques du marché… * * * Il y a tout juste six ans, notre Thème montrait les liens existant entre vie politique locale et enjeux nationaux par la photographie de situations dans quelques villes-phares du royaume. Cette fois, notre approche s’est axée sur la notion de proximité traitée au travers de trois grandes thématiques : le politique, l’économique et le social. C’est Lambros Couloubaritsis qui ouvre le bal en tirant les enseignements politiques, en termes d’égalité, de l’articulation entre proximité spatio-temporelle et proximité relationnelle. Jean Beaufays nous dresse ensuite les spécificités politiques du scrutin d’octobre, en analysant, entre autres, programmes, candidats, et stratégies de partis. Dans un deuxième temps, il explique les ressorts de la municipalisation du monde parlementaire wallon. De son côté, Pierre Verjans relève quelques effets du nouveau code de la démocratie locale dont les conséquences néfastes possibles, notamment sur les négociations post-électorales, de l’élection semi-directe des bourgmestres. Paroles aux femmes pour clôturer ce volet politique et rencontre avec, et entre, trois élues locales : Olga Zrihen, Danielle Caron et Anne Herscovici qui, en prenant garde aux généralisations, différencient le sens et l’action des femmes politiques de ceux de leurs homologues masculins. Avant elles, Gratia Pungu dresse le bilan, assez mitigé, de la politique locale de l’égalité des chances initiée il y a plus de 15 ans. C’est d’économie que nous parle ensuite Marc Debois qui rappelle l’histoire et le rôle des intercommunales (de développement économique) en Wallonie non sans apporter un regard engagé sur les enjeux européens du secteur des acteurs économiques publics mis à mal par une tendance générale à la libéralisation. Troisième temps : la politique sociale des communes. Nouvelle rencontre, avec Dominique Decoux et Claude Emonts, présidents de CPAS à Bruxelles et à Liège, qui nous conduira dans les couloirs de la protection sociale, et nous exposera ses combats, son public et ses attentes. Crochet par la police pour conclure, sujette à tant de débats avant et après sa réforme. France Blanmailland et Jean-François Nandrin se sont lancé dans l’exercice d’un bilan au niveau local qui peut faire froid dans le dos à certains égards. Ce Thème a été coordonnée par Eric Buyssens, Jérémie Detober et Daniel Richard.