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Justice sociale et préservation de la planète

2000-2010. Première décennie marquée par de multiples crises de légitimité du modèle de développement qui a prétendu marquer la fin des idéologies politiques. Le constat éprouvant des failles et limites du capitalisme néolibéral est à la mesure des impasses environnementales, économiques et sociales dans lesquelles il nous conduit…

S’ensuivent logiquement des interrogations sur l’efficience des pouvoirs publics dans leur forme actuelle, sur la capacité d’intervention réelle de nos systèmes de décision et sur la légitimité des principes et valeurs qui guident leurs actions. Une brèche s’est ouverte et se confirme. L’utopie politique et sociale reste à inventer. L’économie doit être repensée et réorganisée dans son rapport à l’environnement et dans les rapports qu’elle crée entre les hommes par des puissances publiques démocratiques, fortes et efficaces. Un concept s’est propagé : le développement durable. Déjà galvaudée, critiquée, décriée, exploitée, la notion n’a cependant cessé de se répandre et de s’ancrer progressivement dans les esprits. Les trois piliers du développement durable forment un équilibre non exclusif, avec l’environnemental comme base, l’économique comme moyen et le progrès social comme but. Et le progrès social est sans doute à redéfinir lui aussi.

2010-2020 ?

La prise de conscience environnementale sera-t-elle nécessairement vectrice de justice sociale ? Loin s’en faut. Ne sera-t-elle que la nouvelle bulle spéculative du capitalisme financier ? Pas nécessairement. La crise existentielle et systémique posée par la prise de conscience écologique peut faire place à la fondation d’une écologie sociale qui concilie la valeur de justice avec la préservation de la biosphère.

Recréer du bien commun, au travers de la question sociale, cœur du projet progressiste, demeure un impératif absolu.

L’écologie politique traduit des choix qui relèvent de l’éthique et de la politique. Elle peut se traduire de manière cosmétique par un verdissement du capitalisme sans subvertir les mécanismes de la domination et de l’exploitation. C’est l’écologie de marché. Elle peut aussi revêtir d’inquiétantes teintes sombres qui à leur paroxysme considéraient l’homme comme une erreur dans l’harmonieuse évolution du cosmos. C’est la deep ecology. Elle peut enfin s’inscrire, et c’est notre analyse, dans l’esprit des analyses d’André Gorz pour fonder un socialisme écologique, rassemblant dans une pensée et une pratique renouvelées, l’héritage intellectuel du mouvement ouvrier – du marxisme au socialisme utopique – et l’émergence scientifique et politique de la conscience écologique. Elle alimentera ainsi une approche transversale du développement durable et du lien qu’il tisse entre le social et l’écologie pour tenter de construire ce que Félix Guattari a appelé une écosophie, formule conciliant les trois écologies : l’environnementale, la sociale et la mentale. Face à la marchandisation sans cesse plus omnipotente et qui produit exclusion sociale, souffrances, misères et destruction environnementale, les valeurs de justice et de solidarité, portées par les combats populaires et par les conquêtes politiques du socialisme, restent d’une éclatante actualité. Recréer du bien commun, au travers de la question sociale, cœur du projet progressiste, demeure un impératif absolu.

10 pistes

Pour l’an 2010, nous formulons modestement 10 pistes complémentaires de réflexions et d’actions :  Une transition socialement juste vers une société bas carbone et durable. Les travailleurs et les plus vulnérables doivent pouvoir accéder aux moyens et outils (éducation, formation et accompagnement, investissements publics forts, protection sociale garantie…), afin qu’ils soient les acteurs et non les victimes de cette transition indispensable.  La réhabilitation de la puissance publique par une resocialisation des secteurs économiques déterminants pour préserver l’équilibre des cycles de la nature et garantir à chaque être humain les moyens de vivre dans la dignité, soit l’énergie, l’éducation, le logement, la santé, l’eau, l’alimentation et la sécurité sociale.  Une utilisation accrue d’indicateurs de développement durable comme outils alternatifs de gestion politique à court, moyen et long termes.  L’estompement graduel de la colonisation des imaginaires par les valeurs marchandes ; en ce sens, les débats sur le statut de l’image, sur la consommation et sur la publicité sont décisifs.  L’émancipation citoyenne dont le ressort central relève de l’éducation et de l’école, en incluant un nouveau rapport à l’autre et à la nature par un enseignement focalisé sur le développement durable, le dialogue, l’échange et la démocratie participative.  Une politique de relations entre les peuples et les états, basée sur la responsabilité et la solidarité internationales, sur une coopération effective en phase avec un désir de vaincre les nouveaux impérialismes économiques, culturels ou politiques et via la constitution de modes de financement d’un développement durable universel.  Une réorientation de la politique fiscale fondée sur la redistribution des richesses vers les plus démunis et sur le degré de perturbation de l’environnement (fiscalité accrue sur les revenus du capital et les transactions spéculatives, sur les transports, les activités et socialement évolutive sur les comportements polluants).  Un redéploiement de la politique de l’énergie et de la gestion des déchets par la mise en œuvre progressive d’une économie juste et éco-efficace.  Une réorientation des politiques commerciales, locales et internationales (Gatt et OMC), afin qu’elles ne soient pas un obstacle au développement humain, ni cause de l’aggravation de l’empreinte écologique de nos modes de consommation et de production. Des critères de durabilité imposant des normes sociales et environnementales doivent être établis.  Une politique volontariste en matière de recherche scientifique, de politique universitaire et d’échanges d’expériences (parcs écologiques, villes durables…).