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La Fête des pères

« Oyez oyez, heureux papas, présents et à venir ! Le Parlement est en train de vous concocter un petit cadeau rien que pour vous, une protection spéciale si vous décidez de vous occuper à plein-temps de votre bébé : six mois d’indemnité en cas de licenciement, comme les mères ! Un petit pas pour l’homme, un grand pas pour l’égalité ! — Il y a tout de même une petite condition pour en bénéficier : que la mère soit décédée ou hospitalisée pour 7 jours minimum. Et là, moi je dis que c’est de l’égalité Canada Dry : ça a le goût de l’égalité, ça a le prétexte de l’égalité, mais c’est tout sauf une mesure d’égalité ! — Ah bon ? Donner aux hommes les mêmes droits qu’aux femmes, ce n’est pas de l’égalité ? — En apparence, si ! Mais voyons les deux messages envoyés par ce projet. Message explicite : les pères doivent être protégés aussi bien que les mères quand ils s’occupent d’un enfant en bas âge. Jusque-là, d’accord. Mais derrière, il y a un message implicite : il est normal que le père s’occupe de son enfant… si et seulement si la mère est défaillante. Autrement dit : un bébé, c’est le boulot de maman, il faut vraiment qu’elle soit à l’agonie pour que papa prenne ses responsabilités ! — C’est comme si on revendiquait un salaire égal pour les femmes… à condition que le mari soit mort ou invalide ! — Pourtant, les choses changent, non ? Il y a de plus en plus d’hommes qui prennent un congé de paternité Actuellement 10 jours , qui s’occupent de leurs enfants… Il suffit de regarder autour de soi ! — Mais les chiffres sont là, impitoyables Voir notamment Le Soir du 29 mars 2011 : « Les parents belges voient peu leurs enfants ». Il existe également une étude de l’OCDE qui montre que ces différences sont mondiales (et plus fortes encore dans certains pays) : en Belgique, une femme qui travaille s’occupe de ses enfants 58 minutes par jour, le père 28 minutes, soit la moitié. Plus fort encore : si elle ne travaille pas à l’extérieur, la mère consacre 99 minutes à ses enfants, le père… 31 minutes : 3 minutes de plus que s’il travaillait. Ce n’est donc pas une question de temps, mais de stéréotypes, de mentalités, et ça, ce nouveau projet ne peut que les renforcer. — En plus, quand les pères s’occupent de leurs enfants, c’est en général pour prendre en charge les moments les plus agréables : jeu, loisirs, éducation… Tandis que les soins quotidiens, laver, nourrir… reviennent encore en écrasante majorité aux mères. — Alors, que faire ? — Comme les féministes s’égosillent à le répéter, si on veut plus d’égalité, il n’y a qu’une seule solution : l’obligation ! L’obligation pour le père de prendre un congé de paternité, comme le congé de maternité est obligatoire, lui aussi. — Une sénatrice Ecolo a interpellé la ministre Milquet à ce sujet : ne serait-il pas temps d’imposer une égalité qui ne vient pas « naturellement » ? Joëlle Milquet a répondu qu’elle comprenait bien le problème et qu’elle était tout à fait favorable à un congé de paternité allongé et obligatoire Séance de questions au Sénat, 24 mars 2011. Mais voilà, le gouvernement étant en affaires courantes, il ne peut pas prendre ce type de décisions… — Ah bon ? Il peut établir un budget, avaliser un désaccord interprofessionnel, participer à une guerre… mais prendre une mesure pour plus d’égalité, non ? — Ben non. Puisqu’il s’agit d’affaires courantes, c’est normal : pour ce qui est de l’égalité, les affaires ne courent pas très vite…