Retour aux articles →

Laïcité et extrême droite

Dès le lendemain des municipales, la présidente du Front national, Marine Le Pen, a indiqué que les nouveaux maires issus de son parti « n’accepteront aucune exigence religieuse dans les menus des écoles ». Il n’y a aucune raison, a-t-elle ajouté « pour que le religieux entre dans la sphère publique, c’est la loi ». Ce positionnement ne doit pas surprendre, il est logique et crédible, et il s’inscrit dans un processus qui démarre à partir des années 2000 et qui substitue progressivement au Front national un discours contre l’islam à un discours contre l’immigration. Deux glissements de fond permettent ce qui précède. D’abord, le Front national de Marine Le Pen va défendre la séparation de l’Église et de l’État pour démontrer le lien indissociable entre politique et religion dans le Coran, et partant, la dimension « arriérée », « barbare », de la religion musulmane vis-à-vis des autres religions. Ici l’objectif est triple : se positionner comme un parti laïque et à ce titre se détacher de l’étiquette disqualifiante d’« extrême droite » ; évoquer en filigrane et de façon indirecte l’infériorité de la religion musulmane vis-à-vis d’autres religions ; et enfin flatter les chrétiens et les juifs qui sont désormais plus matures, notamment lorsqu’il est question d’accepter la séparation des affaires religieuses des affaires politiques. Ensuite, deuxième glissement, il faut noter depuis quelques années la défense inattendue par le Front national de l’égalité entre les hommes et les femmes. Cette défense rompt avec l’idéologie traditionnelle de l’extrême droite qui considère historiquement la femme dans le cadre strictement familial, d’une part (avec notamment comme missions les tâches ménagères, l’éducation des enfants et l’organisation du foyer), et dans sa mission de reproduction, d’autre part. Cette rupture – au niveau du discours – présente l’avantage de pouvoir ensuite caractériser le machisme et le sexisme des musulmans (qui imposent le port du voile à leurs femmes) et de généraliser cette caractéristique à toute personne héritière de près ou de loin du monde arabo-musulman. Ce qui est au demeurant précisément le propre du racisme : relier des caractéristiques sociales (machisme, sexisme…) à des caractéristiques physiques (port du foulard ou de la barbe, origine maghrébine, couleur de peau[1.T. Todorov, Nous et les autres. La réflexion française sur la diversité humaine, Paris, Seuil, 1989, p.139.]. Lors d’un discours à Nantes le 25 mars 2012, Marine Le Pen indiquait : « Que des jeunes filles ou des femmes essaient de sortir de leur immeuble sans porter le voile, que ceux réputés musulmans ne respectent pas le ramadan, que de la viande de porc soit proposée à la cantine, que la nourriture ne soit pas halal, que des collégiennes ou des lycéennes veuillent faire de l’éducation physique, que des hommes et des femmes pataugent ensemble à la piscine municipale, que des hommes médecins prétendent soigner les patientes, que des jeunes femmes refusent d’épouser celui qu’on leur a trouvé, voilà ce qui est difficile aujourd’hui et même parfois impossible dans certains quartiers ! ». Lors d’un discours le 1er mai 2011 à Paris, Marine Le Pen glorifie la laïcité sur fond de critique du « communautarisme », un mot codé synonyme d’islam : « Le communautarisme c’est la négation de la laïcité, de la République, de l’individu libre et la négation du citoyen membre d’une nation politique et charnelle. Notre vision de l’homme est celle d’un individu éclairé, libre de ses choix, affranchi des pesanteurs d’une communauté qu’il n’a souvent pas choisie et qui trop souvent le contraint. Ainsi la seule communauté qui vaille est la communauté nationale parce qu’elle seule permet l’épanouissement et la liberté. Qu’on soit homme ou femme, hétérosexuel ou homosexuel, chrétien, juif, musulman ou non croyant, on est d’abord Français ! ». Amen !