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Le travail gratuit des femmes

— «A partir de 15h05, les femmes travaillent gratuitement» : c’est ainsi que la FGTB annonçait sa journée d’action pour l’égalité salariale Syndicats, 13 mars 2009 , pour dénoncer l’écart persistant entre femmes et hommes, de l’ordre de 24%. Intention louable, message ambigu… — Ah bon, pourquoi ? — Parce que les femmes ne commencent pas à travailler gratuitement à 15h, mais à 6, 7h du matin, quand elles se lèvent, qu’elles réveillent les enfants, préparent le petit déjeuner, organisent leur double journée quand elles travaillent… Puis le soir, ce travail gratuit ne s’arrête pas à 17h, comme le suggère la campagne de la FGTB ; il continue avec les courses, le ménage, le repas, les soins aux enfants et éventuellement aux parents… Et ce qu’elles n’ont pas le temps de faire en semaine, nettoyage, lessive, repassage, est reporté au week-end : autant de temps libre en moins pour elles. — Tu exagères un peu, les hommes d’aujourd’hui aident bien plus que leurs pères… — Ils «aident», tu l’as dit ! Ils n’ont pas à «aider» mais à faire leur part du boulot. Ils mangent, ils salissent, ils contribuent à faire les enfants : aucune raison qu’ils ne mettent pas la main à la pâte ! Or les études disent qu’en 2008 encore, les femmes consacrent chaque semaine une bonne dizaine d’heures de plus que les hommes aux tâches de la maison, même si on prend en compte les activités «dites masculines» comme le jardinage ou le bricolage Voir par exemple : http://www.lalibre.be/index.php?view=article&art_id=462154..! Pire encore : plus le nombre d’enfants augmente, moins les hommes participent. Et tant que cette injuste répartition des tâches persistera, parler d’égalité restera un voeu pieux. — Le PIB ignore d’ailleurs superbement ce travail des femmes, et ce n’est pas seulement parce qu’il ne donne pas lieu à un échange monétaire. Il faut lire ce qu’en dit l’économiste Jean Gadrey http://alternatives-economiques.fr/blogs/gadrey/2009/02/19/le-sexe-du-pib/#more-62.. : «La plupart des gens l’ignorent : la production domestique de biens ,ou ‘autoproduction’, est intégrée au PIB via une équivalence monétaire, mais pas la production domestique de services. Comment diable expliquer que, lorsque Monsieur fait son jardin potager ou construit un garage, et que Madame fait le ménage, la cuisine, et s’occupe des enfants, seul le premier contribue à la richesse nationale officielle ?» — La féministe Christine Delphy donne un autre exemple parlant Christine Delphy, L’ennemi principal, Syllepse, 1998 : l’autoproduction agricole est, elle aussi, comptabilisée… jusqu’au moment où les femmes prennent le relais. Élever un cochon pour sa propre consommation, le tuer, le découper en côtelettes, tout cela est comptabilisé dans la richesse nationale ; mais la comptabilité s’arrête dès qu’il s’agit de le préparer, le cuire, le servir… tous actes pourtant indispensables pour rendre sa consommation possible. Cherchez l’erreur ! — Jean Gadrey a son explication : «J’affirme qu’en matière de travail domestique, si le PIB intègre une partie des travaux principalement masculins et pas du tout les travaux massivement féminins, c’est une pure discrimination maquillée. La seule explication se trouve dans des représentations sexuées de l’économie et de ce qui compte vraiment (pour les hommes qui la dirigent). Le PIB (et donc la croissance) est un truc de mecs.» Et c’est un mec qui vous le dit.