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Les CPAS, emplâtres du contrat social (présentation)

En octobre 2012, nous élirons le président du CPAS de notre commune. Pas directement, sans doute, mais cette fonction élective est bien l’un des enjeux importants des élections communales, certes discret, souvent trop. Quel étonnant paradoxe qu’une telle institution, dotée de tant de compétences, venant parfois en aide à plus de 10% des résidents d’une commune, qui bénéficie, parfois, jusqu’à la deuxième plus grande dotation budgétaire après la police, ne soit pas davantage présente dans les débats électoraux. Les bilans de législature évoquent fort peu le bilan du CPAS communal. Les présidents de CPAS sont rarement à l’avant-scène des divers dépliants électoraux. Et les oppositions démocratiques n’utilisent que rarement les difficultés toujours présentes dès qu’il est question de CPAS, pour tenter de modifier des majorités en place. Les pauvres ne sont-ils pas producteurs de votes ?

« Peu de débats sur le coût relativement faible de l’aide sociale pour le pouvoir fédéral, ou encore sur la croissance importante du nombre d’usagers… »

Pourtant, il faut remonter loin dans le temps pour comprendre les origines de ces CPAS. Et ces origines sont toujours communales. L’histoire de l’aide sociale ne traverse pas les époques sans éponger ses grandes tendances. Et la récente actualité conforte ce constat. En 2001, les CPAS se voyaient plus clairement renforcés dans une dynamique de remise à l’emploi et d’activation. Plus de 10 ans plus tard, c’est l’austérité qui pointe le bout de son nez. Non sans conséquences sur ces politiques d’activation, sur les usagers, sur le personnel des CPAS. Comme souvent en matière de pauvreté, les femmes en payent le prix fort. Outre le statut cohabitant qui leur est souvent affecté, le niveau des allocations reste indécent et ne permet pas de vivre une vie conforme à la dignité humaine. Sur ce point, tous ou presque, tiennent, à gauche, un discours relativement homogène. Ce n’est qu’en grattant un peu que les différences apparaissent. L’une de ces différences porte sur l’ouverture au public des débats qui se tiennent dans les conseils de CPAS. La passe d’armes livrée entre Arnaud Lismond, du collectif « Solidarité contre l’exclusion », et Claude Emonts président du CPAS de Liège, ainsi que les propos recueillis auprès de Jean Spinette, président du CPAS de Saint-Gilles, reflètent assez bien cet étonnant paradoxe : les CPAS, dans leur gestion quotidienne, semblent devoir échapper aux conflits politiques. Ceux qui y travaillent semblent faire le maximum pour les éviter. Comme s’il s’agissait pour eux d’œuvrer discrètement, à la manière de bons gestionnaires, loin des projecteurs, loin des grands débats idéologiques. Qu’il est loin le temps des assemblées nées de la Révolution française qui débattaient de la bonne manière de lutter contre la pauvreté, quand s’affrontaient à coup d’arguments philosophiques à peine masqués les Condorcet, Robespierre et Talleyrand, tandis qu’en Angleterre, le débat faisait rage autour de personnalités de l’envergure de Thomas Paine Intellectuel et pamphlétaire britannique (1737-1809), il développe l’idée d’une société sans pauvreté, tenant compte de l’évolution des richesses et de la productivité. Et pourtant, le temps est à l’orage. L’activation des chômeurs et la précarisation du marché de l’emploi accentuent les difficultés des CPAS. Dépourvus de moyens adéquats, ils doivent gérer des situations quotidiennes de grande détresse, sans oublier les situations urgentes, qui font alors la une des journaux, le temps d’un hiver… Peu de débats sur le coût relativement faible de l’aide sociale pour le pouvoir fédéral, ou encore sur la croissance importante du nombre d’usagers, particulièrement en Région bruxelloise. Peu de débats sur la justice sociale et fiscale qui permettrait de lutter véritablement contre la pauvreté. Ce manque de débat à la veille des élections communales n’est pas sain. Surtout pour qui se pique de préoccupations sociales. Ce dossier n’a qu’une ambition : rappeler le cadre dans lequel les CPAS fonctionnent, comme le montre Luca Ciccia, et leur évolution historique. Quelques éléments ont retenu notre attention : l’histoire de l’aide sociale en Belgique sur le temps long, avec Daniel Zamora, .le retour au système d’assistance sociale au détriment de celui d’assurance sociale->http://revuepolitique.be/spip.php?article2521., avec Ricardo Cherenti, la situation des femmes, avec Irène Kaufer, les politiques d’activation et le soutien en faveur des jeunes, avec Renaud Maes. Si sa lecture doit pouvoir inciter les acteurs de l’aide sociale à ne pas contribuer, trop occupés qu’ils sont par le quotidien, à une certaine dépolitisation des débats, ce dossier n’aura pas été vain. La lutte contre la pauvreté a toujours été l’une des questions fondamentales qui ont guidé tous les grands projets de société progressistes. Saluons au passage tous ceux qui, dans l’ombre, font ce travail dans des conditions, matérielles et psychologiques, souvent difficiles. Ce Thème a été coordonné par Luca Ciccia.