28 DÉCEMBRE 2018 :
DANS SES VŒUX, CHARLES MICHEL SE RÉJOUIT : «ON A TENU NOS PROMESSES»

[Chronique sociale publiée dans le numéro 107 de Politique, mars 2019]

Jobs, jobs, jobs est devenu le mantra de notre Premier ministre. Charles Michel se prévaut de l’augmentation de l’emploi pendant son gouvernement. Il est pourtant bien établi que, si cette augmentation est bien réelle (5,2%), elle est moindre que celle enregistrée lors du gouvernement Di Rupo (8,6%). Alors que précédemment l’augmentation de l’emploi chez nous était nettement plus élevée que chez nos voisins (Allemagne, France, Pays-Bas), elle ne l’est plus sous le gouvernement Michel. La question de la qualité des emplois créés, emplois à temps partiel, à durée déterminée, précaires et peu rémunérés assombrit le bilan enchanté de Charles Michel.

Si nous avons perdu des emplois industriels alors que nos voisins en ont créé pendant cette dernière législature, nous avons par contre mieux fait que nos voisins dans le secteur de la construction. Fin 2017, ce secteur comptait 320.000 emplois, soit 30.000 de plus que cinq ans auparavant. Pendant cette même période cependant, le nombre d’ouvriers détachés, provenant d’autres pays de l’Union européenne, a plus que doublé, atteignant 76.000 personnes. De plus, les (faux) indépendants, au nombre de 47.000, prolifèrent dans le secteur. Le quotidien De Standaard (7 janvier 2019) a sonné l’alarme : «Moins de la moitié des personnes actives sur des chantiers en Belgique ont le statut d’ouvrier du bâtiment salarié».

Le «détachement» permet d’envoyer temporairement un travailleur dans un autre pays membre de l’UE. Celui-ci sera payé au salaire en vigueur dans le pays d’accueil mais ses cotisations sociales seront calculées au taux du pays d’origine. De plus, les procédures de contrôle complexes et portant sur deux pays s’avèrent quasi impraticables et permettent toutes sortes d’abus. La presse signale régulièrement des fraudes au détachement et mentionne « le blues des services de contrôle » face à l’impunité des patrons-voyous (Le Monde, 4 mars 2019).

La fédération flamande des PME du bâtiment Bouwunie dénonçait en conséquence, selon De Standaard, la concurrence déloyale dans le secteur du bâtiment. «Nous sommes envahis, disait son président, par les étrangers bon marché». Il désignait ainsi les travailleurs détachés et ceux exerçant une activité complémentaire défiscalisée via les 500 euros autorisée par une mesure du gouvernement.

Bart De Wever pourrait en tirer une leçon. Rappelons-nous, en janvier 2018, lors du parc Maximilien, il n’avait pu cacher son agacement face à l’élan de solidarité qui avait contrarié son projet de créer précisément un «problème des réfugiés». Ils doivent choisir enjoignait De Wever aux citoyens-hébergeurs, «accueillir tout le monde et ouvrir les frontières, ou préserver notre système social à son niveau actuel». Pourtant, les réfugiés et migrants régularisés sont soumis aux conventions salariales et aux lois sociales en vigueur. Ils ne créent pas de dumping social et confortent par leurs cotisations notre système de sécurité sociale. Au contraire, ce sont les dispositions de détachement au niveau de l’UE et les jobs dérégulés instaurés par le gouvernement actuel qui constituent une menace pour les salaires et la protection sociale. Vous avez dit «jobs, jobs, jobs» ?