Totalement inattendue et semblant surgie de nulle part, la campagne de Bernie Sanders a réveillé une gauche américaine qu’on croyait inexistante. Feu de paille ou promesse ?

En 2015, Branco Milanovic, ancien économiste en chef de la Banque mondiale, publiait ce qui est peut-être le graphique le plus important des 30 dernières années (voir ce graphique au bas de la page). En compilant de nombreuses données, il a reconstruit l’évolution des inégalités de revenu au niveau mondial entre 1988 et 2008, ce qui permet un regard inédit sur les effets de la mondialisation et de l’expansion des politiques néolibérales dans le monde. Apparaissent alors les grandes tendances de la nouvelle polarisation sociale entre les gagnants et les perdants de la mondialisation. Le contraste est saisissant. D’un côté émerge une gigantesque classe moyenne qui, essentiellement en Chine mais également en Inde, a fortement bénéficié de la libéralisation des échanges en voyant ses revenus augmenter de 70 à 80%. Celle-ci est rejointe par une élite de super- riches composée principalement d’Américains et d’Européens dont les revenus ont littéralement explosés. À eux seuls, ils détiennent désormais 29% des revenus mondiaux et plus de 45% de la richesse mondiale. Au sommet de ce groupe se trouve un petit club très restreint de milliardaires. Ils sont aujourd’hui un peu moins de 1500 mais leur richesse combinée pèse plus de 6% du PIB mondial alors qu’elle était de moins de 3% en 1987. Ensuite, à côté de ces « gagnants » de la mondialisation, on trouve deux grands « perdants ». D’abord les très pauvres, qui vivent notamment en Afrique subsaharienne et dont les revenus n’ont pas augmenté sur cette période. Mais l’évolution la plus remarquable se situe dans les pays développés (Europe, Amérique du nord, Japon), où on observe la stagnation, voire le déclin, des classes moyennes. Celles-ci font désormais partie de la moitié inférieure dans la distribution des revenus de leur pays et ont vu généralement leur situation se détériorer par rapport aux années 1970. Ainsi, la fameuse classe moyenne américaine a vu passer sa part dans le revenu national de 62% à 43% entre 1970 et 2014. Alors qu’elle était présentée comme le moteur de la croissance au sein de la première économie mondiale, elle n’a absolument pas profité des bénéfices colossaux réalisés depuis l’expansion des politiques néolibérales.

La révolte des perdants

Cette évolution, bien que peu commentée, est pourtant essentielle pour comprendre les dynamiques qui traversent la campagne électorale américaine. D’un côté les pauvres et les classes moyennes en déclin et de l’autre les cadres supérieurs, professions libérales et le top 10%. Les uns, nets perdants des évolutions des 30 dernières années, se retournent contre les traités de libre-échange, l’ouverture des frontières et, dans une certaine mesure, contre un certain discours sur la tolérance multiculturelle et la diversité tenu par une partie des élites[1.À ce titre, la situation américaine est radicalement différente de la situation française qui connaît une véritable hystérie antimusulmane, tandis qu’aux États-Unis, la diversité ethnique et religieuse a été complètement intégrée au discours mainstream.]. Les autres, inversement, associent ouverture économique et tolérance multiculturelle, aiment goûter à la diversité et peuvent jouir, grâce à leur statut social, de l’ouverture des frontières[2.En Europe également, ce clivage s’est fortement transcrit dans le vote sur le Brexit qui a profondément divisé le champ politique britannique et qui a vu la plupart des classes populaires « blanches » rejeter des institutions qu’elles considèrent responsables de leur déclin.]. En ce sens, tant le phénomène Sanders que l’irruption de Trump témoignent de ce double clivage qui se dessine dans les sociétés occidentales. D’un côté une déconnexion croissante entre le « peuple » et des élites qui semblent particulièrement étonnées de leur incapacité croissante à gagner l’opinion publique. Ensuite, la recrudescence de forts discours identitaires opposant les vrais « nationaux » aux « immigrés » et autres « étrangers ». Nos sociétés semblent de plus en plus travaillées sur deux plans, l’un strictement économique et l’autre identitaire. Si les deux entretiennent bien entendu des relations intimes (l’efficacité du discours identitaire est profondément lié au déclassement social du salariat « blanc »), ces deux dynamiques mobilisent néanmoins le corps social dans des directions opposées : l’une tente d’offrir une réponse identitaire aux effets du néolibéralisme tandis que l’autre tente d’articuler une critique du marché comme institution centrale de nos sociétés. Étant donné le large discrédit du discours des élites, comment surmonter les effets des politiques néolibérales mises en oeuvre depuis 30 ans tant par les Démocrates (sous Clinton) que par les Républicains (avec Reagan puis Bush), les uns et les autres ne s’affrontant plus véritablement que sur des enjeux « sociétaux » (avortement, droits des minorités…) ? Cette double révolte contre l’establishment appelle un projet politique susceptible de mobiliser les classes populaires en se mettant à l’écoute du profond désarroi qui les gagne.

Identité nationale

En ce sens, l’émergence de Trump comme celle de Sanders sont des symptomes de la faillite des politiques néolibérales. Cependant, si Trump et Sanders partagent la critique des interventions militaires à l’étranger et des politiques de libreéchange, l’analogie s’arrête là. À l’insécurité sociale qui frappe de larges pans de la classe ouvrière « blanche », Trump offre une réponse en termes identitaires : là où Sanders met en avant l’augmentation du salaire minimal fédéral, le renforcement des syndicats, une imposition accrue des plus aisés, il propose comme mesure- phare la construction d’un « mur » pour bloquer l’immigration mexicaine. Ainsi, loin de rompre avec l’establishment en remettant en question les frontières sociales qui séparent ceux qui profitent de l’exploitation et ceux qui la subissent, Trump promeut une lecture ethnique des maux qui frappent les États-Unis en divisant les salariés sur une ligne raciale. Sur ce plan, bien qu’il se dise attentif à la détresse sociale et qu’il a déclaré vouloir faire du parti républicain un parti « ouvrier », Trump partage les présupposés de ses principaux adversaires. Sa critique du néolibéralisme est essentiellement articulée autour du libre-échange sur le plan international et de l’immigration. Si Clinton ne se prive pas de blâmer ceux qui profitent du racisme (dont les ouvriers « blancs » qui, selon ses propres termes, jouiraient de « privilèges »), Trump s’en prend à ceux qui profitent des politiques migratoires et commerciales « laxistes » et « politiquement correctes » sur le dos des honnêtes travailleurs américains. Ainsi, comme le soulignait Walter Benn Michaels, « si le racisme a servi la conception du capitalisme de Ronald Reagan et de Donald Trump, l’antiracisme sert tout aussi bien la conception du capitalisme de Bill et d’Hillary Clinton[3.Le Monde, 27 juillet 2016. En ligne : http://goo.gl/xZl8Gl ».]. Bref, les uns et les autres se retrouvent autour de l’idée que l’enjeu de l’élection réside essentiellement sur la manière de définir l’identité américaine – l’une se présentant comme « ouverte » et « tolérante » là où l’autre serait « fermée » et « raciste ». Or c’est précisément sur ce plan que la campagne de Sanders a offert une nouvelle perspective. Pour lui, il était nécessaire d’unifier les différentes fractions du salariat autour d’un programme ambitieux visant à lutter contre les dégâts du marché pour l’ensemble de la population, sans se focaliser prioritairement sur la distribution de ses effets entre les groupes ethniques au risque de les opposer les uns aux autres. En effet, pour Sanders, les « minorités » seraient les principales bénéficiaires de mesures « universelles » sans qu’il soit besoin de les cibler sur une base ethnique, simplement du fait de leur surreprésentation dans les couches inférieures du salariat.

Un succès inattendu

Le succès de Sanders fut aussi enthousiasmant qu’inattendu. Ses moyens de départ limités ainsi que l’opposition résolue de la direction du parti démocrate à sa campagne ne pouvaient laisser présager une telle réussite. Quelques mois plus tard, il aura pourtant levé plus de 200 millions de dollars en petites contributions, totalisé plus de 13 millions de votes (43% du total) et gagné 23 États. Que s’est-il donc passé dans un pays où « socialiste » est considéré comme une insulte ? Sans doute cette réussite tient-elle dans la reformulation d’une conception de la justice sociale basée sur des droits sociaux universels. À rebours de mots d’ordre « réalistes » se limitant aux « pauvres », il a articulé un programme ambitieux qui conteste la logique même du marché dans des secteurs aussi divers que la santé, l’enseignement, le logement…

Économisme ?

Cette perspective est radicale à deux égards. D’abord – et c’était sans doute attendu –, elle rompt avec les politiques néolibérales, que celles-ci soient limitées à l’espace national comme chez Trump ou étendues à l’ensemble du monde par le biais d’accords de libre-échange comme le promeuvent Clinton et l’establishment démocrate. Mais elle rompt aussi avec une certaine gauche qui ne s’est pas privé de dénoncer son « économisme ». Ainsi, plusieurs importantes figures de la gauche intellectuelle américaine ont mis en cause Sanders pour un discours qui s’adresserait principalement aux « hommes blancs », ce qui expliquerait le peu de soutien dont il aurait bénéficié auprès des « minorités ». Dans une interview donnée le 28 mars à Democracy Now, Angela Davis, à l’instar de l’écrivain Ta-Nehisi Coates avant elle à la même émission, déclarait que Bernie Sanders serait « réticent à l’idée de combattre le racisme » et promouvrait « un réductionnisme économique qui l’empêche de nous éclairer sur la persistance du racisme, de la violence raciale, de la violence d’État »[4.Citation complète : “But yeah, I think we find ourselves in a very difficult situation, with Bernie Sanders being the alternative and, of course, Bernie Sanders as–declaring himself a socialist and raising a whole number of absolutely important issues and putting pressure on her .Hillary Clinton.. And that’s good. But I think, on the one hand, you have a candidate who is so reluctant to address racism, at one point she said, in response to the slogan ‘black lives matter’, ‘all lives matter’. But, of course, if all lives did matter, then we would not have to say that black lives matter. And on the other hand, you have Bernie Sanders, who engages in a kind of economic reductionism that prevents him from speakin–from developing a vocabulary that allows him to speak in ways that enlighten us about the persistence of racism, racist violence, state violence. ” La retranscription complète de cette interview est disponible sur le site de l’émission, à cette adresse : http://urlz.fr/3YfV.]. À leurs yeux, les « programmes universels » que Sanders défend ne permettent pas de s’attaquer aux « blessures spécifiques » produites par l’histoire de l’esclavage et par la dynamique du suprémacisme blanc qui seraient indépendantes des questions de classe ainsi qu’économiques. Pour reprendre Coates, l’approche de Sanders qui prétend lutter contre le racisme via « des politiques basées essentiellement sur la classe » (doubler le salaire minimal, offrir un système de santé publique, instaurer la gratuité à l’université ) va inévitablement finir par favoriser les blancs – et, par conséquent, le suprémacisme blanc. Dans le même sens, dans sa colonne du New York Times, Paul Krugman critiquait le peu d’importance que Sanders accorderait à l’« inégalité horizontale » qui serait « l’inégalité mesurée, non entre individus, mais entre groupes raciaux ou culturels ». À ses yeux, la campagne de Sanders « est basée sur la prémisse selon laquelle, si la gauche a pointé efficacement les méfaits de l’inégalité entre les individus, elle pourra gagner l’ensemble de la classe ouvrière, indépendamment de sa couleur »[5.Paul Krugman, “Hillary and the Horizontals”, New York Times, June 10. Consultable sur le site du New York Times.]. Pour Krugman, cette démarche colorblind serait responsable de la nette avance conquise par Clinton auprès des minorités, précipitant la défaite de son concurrent. Cette lecture est cependant erronée à plusieurs égards. Tout d’abord, loin d’être muet sur les questions raciales, Sanders a évoqué à de nombreuses reprises les violences policières ciblées, le considérable taux de chômage des jeunes afro-américains et leur taux mirobolant d’incarcération[6.Voir notamment : http://urlz.fr/3Yg3.]. Peut en témoigner l’émouvant soutien qu’il recevra d’une des principales figures de Black Lives Matter[7.« Des vies noires comptent ». Mouvement antiraciste né dans la communauté afro-américaine en 2013, très actif sur la question des violences policières. http://blacklivesmatter.com.], Erica Garner, fille d’Eric Garner[8.Eric Garner fut la victime d’une violence policière lors de son arrestation en juillet 2014. Le policier responsable de sa mort ne fut pas poursuivi. La scène de l’arrestation de Garner a été filmée par un témoin dans la rue et la vidéo massivement diffusée sur Internet.], en qui, dans ce qui sera peut être la vidéo la plus forte de cette campagne[9.Sur YouTube.], verra dans Sanders, « de tous les candidats à la présidence .…., notre meilleur allié »[10.Erica Garner, “Black lives like my father’s should matter. That’s why I’m endorsing Bernie Sanders”, The Washington Post, 29 janvier 2016; https://goo.gl/m8rgHt.]. Ce ralliement éclaire par ailleurs une dynamique contradictoire au sein des « minorités ». S’il est vrai que, pris globalement, il capte moins bien cet électorat que sa rivale, ce constat camoufle une nouvelle dynamique générationnelle. En effet, chez les jeunes, Sanders a fait un tabac. À lui seul il a totalisé lors des primaires plus de votes dans la tranche 18-30 que Clinton et Trump réunis. Plus d’un million et demi de jeunes l’ont choisi contre 600 000 pour la nominée du parti démocrate. Cette dynamique se retrouve au sein de toutes les catégories, donc y compris chez les jeunes femmes, les jeunes Noirs et les jeunes Hispaniques. Chez beaucoup, le critère « générationnel » semble primer sur le critère « ethnique ». Ceci est révélateur des profondes transformations économiques qui ont bouleversé la société américaine depuis les années 1980. Aujourd’hui, on ne peut plus parler d’une simple prolongation sous d’autres formes de l’esclavage et du système ségrégationniste de Jim Crow[11.Désigne l’ensemble des lois qui, entre 1876 et 1965, ont donné une base légale à la ségrégation raciale dans les États du sud des États-Unis], car le néolibéralisme a profondément reconfiguré la question raciale.

Violences policières

Ainsi, si le racisme est bien entendu un facteur de la violence policière, il n’en constitue certainement plus l’unique moteur. Les Afro-Américains sont clairement surreprésentés parmi les personnes tuées par la police, mais les « Blancs » en constituent toujours la majorité en termes absolus (581 morts contre 306 en 2015)[12.Aux États-Unis, un « Blanc » risque 26 fois plus d’être tué par la police qu’en Allemagne.]. Des États presque exclusivement blancs comme le Montana, le Wyoming ou la Virginie- Occidentale présentent des taux de morts du fait de violences policières parmi les plus élevés du pays, ce que le racisme ne peut expliquer[13.Toutes les données ont été soigneusement compilées par le Guardian : http://goo. gl/nuhiht.]. Il en va de même pour les questions d’incarcération. Si les Afro-Américains sont bien entendu astronomiquement surreprésentés dans la population carcérale (23 pour 1000 habitants), les « Blancs » restent également largement « surincarcérés » par rapport à n’importe quel autre pays dans le monde[14.Voir notamment : www.jacobinmag. com/?p=20412.]. Il est d’ailleurs intéressant de noter que les États les plus répressifs (ceux dont le taux d’incarcération est le plus élevé – les États du Sud) sont également ceux où les disparités raciales sont les moins grandes. En d’autres termes, l’expansion des filets de l’État pénal s’accompagne non pas de plus de racisme, mais d’une plus grande indifférence face à la couleur[15.Voir à ce titre la réflexion de Seth Ackerman, “Truly Too hot for Jacobin”, 5 février 2015, http://goo.gl/BgPyAr.]. Aborder l’expansion de l’archipel carcéral nord-américain en termes purement raciaux, en ignorant la dimension sociale, c’est dès lors s’interdire d’en comprendre toute la complexité. Le discours de Bernie plait à la jeunesse précisément car il saisit ces questions dans le cadre plus général d’une critique du néolibéralisme et pas uniquement dans les termes très restrictifs de la discrimination. Ainsi, si l’énorme succès d’Hillary Clinton auprès des Afro-Américains plus âgés peut s’appuyer sur la faveur unanime des élites afro-américaines à son égard, le succès de Bernie chez les jeunes montre qu’il n’y a pas de « vote noir », ni de « minorités » homogènes. Lorsque John Lewis, figure centrale du mouvement pour les droits civiques, déclare que l’idée d’une éducation gratuite est irresponsable car elle enverrait un mauvais message aux gens en leur faisant croire que certaines choses pourraient être gratuites, il ne représente manifestement pas les intérêts de la majorité de sa « communauté ». En ce sens, la campagne de Sanders a pu mettre en évidence les intérêts divergents au sein des minorités ainsi que la forte collusion des élites afroaméricaines avec l’establishment démocrate et, partant, avec le néolibéralisme.

Universalisme blanc ?

Ensuite, la dénonciation des propositions de Sanders comme colorblind est contredite par quelques données élémentaires. En effet, parmi les 40% des salariés américains gagnant moins de 15 dollars par heure qui bénéficieraient de l’établissement d’un salaire minimal comme le propose Sanders, les Afro-Américains et les Hispaniques sont fortement surreprésentés[16.Les Afro-Américains constituent 11,7% de l’ensemble de la force de travail, mais ils représentent plus de 15% de ceux qui gagnent moins de 15 dollars. Parmi eux, ils sont 54% à gagner moins que ce montant. Pour les Hispaniques la disproportion est encore plus forte : ils forment 16,5% des salariés, mais occupent des emplois à bas salaire à raison de près de 23%.]. Une politique de salaire minimal transformerait en réalité profondément les conditions de vie des minorités et affecterait les rapports raciaux en réduisant « l’inégalité horizontale » tant décriée par Clinton et Krugman. Il en va de même pour toutes les mesures avancées par Sanders, notamment celles relatives à la santé publique. Il n’y a dès lors strictement aucune indication empirique indiquant que le développement de ce type de mesures à portée universelle renforcerait la « suprématie blanche ». Ces déclarations, généralement très abstraites et moralisatrices sur les effets de l’« universalisme blanc » ignorent que si ces mesures étaient implémentées correctement, elles bénéficieraient bien plus aux minorités que n’importe quel programme de discrimination positive ou d’hypothétiques réparations. Enfin, plus fondamentalement, ce genre de mesures à portée universelle sont importantes parce qu’elles sont conçues, non pour rendre les marchés plus efficients, mais précisément pour en combattre la logique. L’objectif d’un salaire minimal à 15 dollars ne vise non pas à faire en sorte que les travailleurs dans les fast foods gagnant 7,25 dollars soient plus « diversifiés » en termes ethniques et de genre, mais à améliorer drastiquement les conditions de ces emplois pour l’ensemble des travailleurs. Il ne s’agit pas d’avoir des working poor dans des proportions plus équilibrées de femmes, d’Afro-Américains ou d’Hispaniques mais d’abolir l’existence même d’emplois sous-payés. Les effets de ces politiques pourraient dès lors améliorer les conditions de vie de l’ensemble du corps social et faciliter la construction de larges coalitions politiques autour de ces mesures. En ce sens, le néolibéralisme et les politiques centrées sur l’identité partagent au moins une chose : l’aversion à l’égard des politiques de « démarchandisation » et de droits sociaux universels. Qu’elles viennent de la gauche démocrate ou de la droite républicaine, les critiques de Sanders professent une conception de la justice sociale principalement articulée autour de l’égalité des chances. À l’inverse, Sanders nous aide à reconstruire une gauche qui comprendrait, selon le professeur afro-américain Cedric Johnson (Université de l’Illinois), que « la base fondamentale d’une alliance politique, après tout, n’est pas une identité commune, ni même une perspective commune sur des injustices passées, mais plutôt des intérêts partagés » www.jacobinmag.com/?p=29313…


Graf_Zamora.jpg Légende : « Évolution du revenu réel de la population mondiale entre 1998 et 2008 selon les « centiles ». L’axe vertical indique le changement du revenu réel en pourcentage (mesurée en dollars constants) entre 1998 et 2008. L’axe horizontal indique la position en centile au sein de la distribution globale des revenus. Du 5e au 95e décile, les points retenus sont des multiples de 5, tandis que les 5% les plus riches sont séparés en deux catégories : le 1% le plus riche et ceux situés dans les centiles de 95 à 99. Le creux spectaculaire autour du 80e centile correspond à l’effondrement des classes moyennes du monde occidental. Quant aux très pauvres des 5 premiers centiles, leur situation ne s’améliore pas.