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Plongée au coeur de la protection sociale

Entretien avec Claude Emonts, PS, président du CPAS de Liège et Dominique Decoux, Ecolo, présidente du CPAS de Schaerbeek

En 30 ans d’existence, les missions des CPAS se sont fortement élargies et diversifiées. En plus de l’allocation du revenu d’intégration (ex-minimex), qui reste leur rôle principal, les centres publics d’action sociale travaillent à l’insertion professionnelle de leur public et offrent une série d’aides financières complémentaires en matière d’énergie, de logement ou encore de culture. Quelles sont les raisons de cette évolution ? Et celle-ci vous semble-t-elle appropriée aux réalités sociales que vous rencontrez sur le terrain ?

Claude Emonts : Depuis leur naissance, les CPAS sont passés de la notion d’«assistance» à celle d’«aide», donc de droit, et enfin à celle d’«action» sociale. Dans les faits, ce changement de nom est une adaptation à la pratique. Dès les années quatre-vingts, on s’est rendu compte que donner un revenu d’intégration – à l’époque on parlait de minimex – ne suffisait pas et que dans un certain nombre de cas importants, il fallait offrir aux gens la possibilité de faire autre chose. Dès cette époque, des structures d’insertion professionnelle ont été mises en place ici et là, qui étaient et restent distinctes du Forem car le public et la gravité des problèmes sociaux rencontrés ne sont pas les mêmes. Paradoxalement, vu de l’extérieur, on pourrait croire qu’entre le bénéficiaire du revenu d’intégration et le chômeur, la différence n’est pas énorme, alors qu’en réalité le chômeur est très souvent prêt à l’emploi quand le bénéficiaire du revenu d’intégration ne l’est qu’assez rarement. En fait, ces services ne visent pas à remettre les gens au travail mais bien, dans beaucoup de cas, à leur offrir un suivi social et administratif qui va leur permettre après un long parcours d’être, peut-être, prêt au travail. Il faut insister sur cette notion d’insertion sociale parce qu’une grande partie des personnes dont les CPAS s’occupent ne sera jamais prête à l’emploi, que ce soit pour des raisons physiques, psychologiques, mentales ou encore d’âge. On ne peut pas abandonner ces personnes-là, il faut leur offrir quelque chose d’autre qui n’est pas un emploi car même si l’insertion professionnelle reste l’objectif voire le rêve de la majorité des gens y compris du public des CPAS, elle n’est pas le seul objectif à promouvoir dans la vie. Développer des actions d’intégration sociale dans les quartiers, cela permet de remailler le tissu social et de reconstruire les personnes. Raison pour laquelle je dis depuis plusieurs années que la politique d’insertion sociale et de remise à l’emploi est la meilleure politique sécuritaire. La meilleure manière de lutter contre l’insécurité dans la rue, c’est en effet d’être inséré dans un milieu social. Je ne dis pas que la politique de répression est inutile mais avant de l’appliquer, il y a tout un travail de base à faire qui permet de replacer les personnes dans une activité sécurisante, à la fois pour elles-mêmes dans leur projet de vie personnel, mais aussi par rapport aux autres. Quand on connaît son voisin, on n’en a plus peur.

Dominique Decoux : Je partage assez bien le point de vue de Claude Emonts en ajoutant que passer de la notion d’«assistance» à celle d’«aide» a été un gain fondamental en termes de non-stigmatisation des personnes, de respect et du droit qui leur était donné d’être aidé. L’idée d’action sociale elle-même peut être appréhendée de deux manières. Une positive et une négative. Positivement, elle incite les CPAS à parier davantage sur le potentiel des personnes qui s’adressent au Centre et à mettre l’accent sur le travail d’accompagnement nécessaire dans l’élaboration d’un projet qui fasse sens pour elles. Négativement, cette idée jette la suspicion sur l’aide traditionnelle des centres. On a dit beaucoup de mal des CPAS prétendument mister-cash ! Comme si assurer revenu et aides aux personnes sans ressources n’avait pas de sens en soi ! Néanmoins, malgré les progrès, il reste bien un problème de stigmatisation des personnes s’adressant à nos centres. Quand on pense aux CPAS, on y colle facilement l’image de la cour des miracles, le lieu de rassemblement de tous les paumés et les largués. C’est la raison pour laquelle il reste trop souvent un lieu où l’on est honteux de se rendre. De ce point de vue, diversifier les missions des CPAS est une nécessité. Je vais même jusqu’à dire que le CPAS doit devenir le centre des politiques sociales des communes. Je pense ainsi qu’on pourrait supprimer le poste d’échevin des Affaires sociales pour recentrer toute l’action sociale au sein du CPAS, qui s’adresse à toutes les composantes de la population. C’est, selon moi, la condition essentielle pour échapper à ce phénomène de stigmatisation. L’évolution des missions des CPAS (chèques énergie, chèques culture…) va dans ce sens-là. Par exemple, notre service de médiation de dette s’adresse, pour la majorité, à des personnes qui ne sont pas concernées par le revenu d’intégration.

Ce constat pose la question de l’évolution du public des CPAS. Depuis quand celle-ci est-elle manifeste et comment l’expliquez-vous ?

Claude Emonts : Le public qui s’adresse aux CPAS a fondamentalement changé depuis 30 ans. Au départ, il n’y a que quelques centaines de personnes par grande commune qui sont concernées. Ensuite, arriveront les grands phénomènes que sont les assuétudes et les migrations. Le CPAS de Liège accueille 2.500 jeunes de 18 à 25 ans. Parmi eux, un tiers sont des toxicomanes «lourds». C’est extrêmement préoccupant. Bien évidemment, nous sommes à Liège, proche des Pays-Bas, dans une ville qui est très touchée par la toxicomanie. Autrement dit, on n’est plus face au vagabond ou au pauvre d’avant. Aujourd’hui, les cas individuels sont beaucoup plus graves, plus difficiles à appréhender et beaucoup plus multiformes. Sur le fond, l’explication de cette évolution est de nature exogène puisque ce sont les pouvoirs subsidiants qui imposent aux CPAS des tâches nouvelles, soit parce qu’ils veulent se débarrasser de celles-ci, soit parce qu’à d’autres niveaux de pouvoirs, ils prétendent ne pas avoir les moyens financiers ou les compétences humaines pour traiter ce type de problèmes, choses dont les CPAS peuvent s’occuper de par leur expertise et leur expérience. Le piège étant qu’on finance seulement une partie des missions qu’on nous confie. Or, à mission nouvelle, doit absolument répondre un financement nouveau.

Dominique Decoux : Effectivement, c’est le grand piège. Pour moi, on peut augmenter tant qu’on veut les missions des CPAS pour autant qu’on leur donne les moyens d’agir correctement. Un exemple simple : la distribution d’un chèque mazout auprès des personnes qui en font la demande. Le CPAS reçoit une mini indemnité qui rembourse les frais de personnels et administratifs uniquement pour les dossiers acceptés. Or la moitié des dossiers sont refusés tout en demandant autant de travail que les autres ! C’est une politique de financement complètement aberrante. À Schaerbeek, contrairement à ce qu’a dit Claude Emonts pour Liège, il n’existe pas de grande différence entre être chômeur ou bénéficiaire du revenu d’intégration. Certaines personnes bénéficient du revenu d’intégration suite à des accidents de la vie : un indépendant qui fait faillite et qui n’a pas droit au chômage ; une femme au foyer qui, n’ayant pas travaillé, se retrouve sur la paille après un divorce… Le profil de ces personnes, en termes de structuration sociale, n’est pas fort différent de personnes au chômage.

Claude Emonts : Le public des CPAS est certes multiforme mais une partie de celui-ci est tout de même gravement déstructurée : les toxicomanes, les gens de la rue, certains étrangers… (Ce qui n’empêche pas beaucoup d’entre eux d’être volontaires dans la recherche d’emplois.) Ces personnes n’ont plus leur place dans aucune autre structure que les CPAS. Raison pour laquelle la situation des personnes qui sont au revenu d’intégration – je ne parle pas ici des «nouveaux» publics – est, en moyenne, bien plus grave sur le plan psychosocial que celle des chômeurs. Notons par ailleurs, en termes de nouveau public, la présence de quelque 700 étudiants à Liège, puisque le revenu d’intégration permet désormais de financer les études. Ces jeunes, du moins ceux qui sont dans l’enseignement supérieur, ne sont pas déstructurés, mais ils ne représentent «que» la moitié de notre public étudiant. L’autre moitié, constituée d’étudiants de l’enseignement secondaire technique ou professionnel, a un grand retard d’éducation scolaire. On peut donc penser que l’aide du CPAS sera essentielle à ces personnes pour, peut-être, un jour, leur permettre d’obtenir un diplôme.

Dominique Decoux : De ce point de vue-là, il y a vraiment une grande différence entre la Wallonie et Bruxelles. D’une manière générale, dans toutes les régions du pays, la catégorie des jeunes de 18-25 ans est la plus importante des différentes catégories de publics des CPAS. Pour la plupart, ces jeunes-là sont aux études. Parmi eux, beaucoup font partie de familles nombreuses, dont l’un des parents possède un revenu d’intégration, et qui, une fois arrivés à 18 ans, demandent le revenu d’intégration. Autrement dit, ces jeunes ne bénéficient pas du revenu d’intégration pour une question de déstructuration sociale mais bien pour une question de pauvreté. Et c’est sans doute là un problème essentiel : l’augmentation considérable de la pauvreté due, notamment, aux prix élevés des loyers. Une pauvreté que l’on ressent très bien au CPAS de Schaerbeek avec l’explosion de notre service de traitement du surendettement qui commence à devoir refuser des personnes parce qu’il est au maximum de ce qu’il peut assumer en nombre de dossiers.

Justement, le dernier Rapport général sur la pauvreté en Belgique montre que celle-ci n’a pas vraiment diminué depuis 10 ans. Peut-on en conclure que la lutte contre la pauvreté n’est pas une réelle priorité politique ? En tant qu’acteurs de terrain qui êtes témoins de cette pauvreté au quotidien, n’avez-vous pas l’impression de prêcher dans le désert, de manquer de soutien dans votre travail ?

Dominique Decoux : Je pense qu’il n’y a pas de mauvaise volonté du monde politique en général mais il manque une vraie analyse structurelle, une globalisation des éléments qui mènent à la pauvreté. Tous les présidents de CPAS disent la même chose : on ne sait pas vivre avec le revenu d’intégration, il est insuffisant. Un isolé ne sait pas vivre avec 625 euros par mois ni une famille avec 834 euros. C’est impossible. Le monde politique a pris conscience de ce problème et a initié une série de mesures d’aides complémentaires. Celles-ci sont intéressantes mais elles peuvent aussi créer des effets pervers.

Claude Emonts : Dans les CPAS, nous réfléchissons à cela depuis des années. Ces effets pervers, ce sont les pièges à l’emploi. Les personnes qui touchent un revenu d’intégration ont trop peu souvent intérêt à aller travailler, simplement parce que le salaire minimum garanti est trop bas. On observe ce phénomène surtout dans le cas des femmes seules avec enfants, une catégorie de personnes qui augmente sans arrêt dans nos statistiques. Lorsque l’on additionne des avantages extra-CPAS (chèque culture, mazout, allocations familiales majorées…) d’une personne isolée avec enfants, cette dernière gagne à peu près 200 euros net en moins par mois que son homologue qui travaille pour le salaire minimum. Il n’y a donc pas d’incitation à l’emploi ! Le salaire minimum garanti est trop bas. De son côté, le revenu d’intégration ne suffit pas non plus. En fait, il faudrait inventer un processus de lissage des différents avantages qu’on obtient quand on a un statut, en l’occurrence celui de bénéficiaire du revenu d’intégration. Dès le moment où l’on passe dans un autre statut – ici, celui de travailleur – on ne doit pas perdre directement ces avantages du jour au lendemain mais bien de manière progressive par tranche de revenus qu’on atteint.

Dominique Decoux : Il faut effectivement donner les aides complémentaires en fonction d’un niveau de revenus et pas en fonction d’un statut : chômeur, revenu d’intégration, Smig… Autre effet pervers : chaque fois que les personnes viennent demander une aide complémentaire, ils doivent «se mettre à nu», tout expliquer de leur vie, avec l’image négative de soi qui en découle. Ce qu’il faut, c’est un vrai revenu qui tienne vraiment compte des besoins minimaux des gens. Nos seuils de revenus sont inférieurs à ce que les études sur la pauvreté font comme calcul ! Si, au moins, on pouvait remonter les salaires et atteindre un niveau de revenu décent, avec l’application d’aides complémentaires à tous les revenus, on pourrait se passer de toute une série d’aides de soutien, qui sont indispensables pour le moment mais pas souhaitables à long terme.

Caude Emonts :Si les politiques prennent en compte les problèmes de pauvreté, ils ne le font pas toujours de manière cohérente. Ce qui est dramatique, c’est d’abord le manque de financement à 100% des missions données aux CPAS. Dans l’état actuel des choses, cela débouche sur une lutte entre la commune et son CPAS au sujet de la dotation communale que la commune alloue à ce dernier. La commune est en effet obligée de combler déficit de son CPAS, un déficit inévitable par définition. On assiste alors à une lutte pour l’obtention de budgets où s’opposent par exemple les rénovations d’écoles, les réparations de trottoirs et l’action sociale.

Avec l’arrivée du concept d’État social actif, la responsabilisation des personnes dans leur parcours socio-professionnel s’est installée dans la législation belge (voir les mesures de contrôle des chômeurs). On parle beaucoup de méritocratie. En sentez-vous les effets dans votre travail ?

Dominique Decoux : Certainement ! La question de l’activation de certains publics des CPAS est tout à fait posée dans beaucoup de CPAS. C’est le sens même de la loi qui a transformé le minimex en revenu d’intégration. Le problème c’est qu’il est évident que certaines personnes sont et resteront au CPAS toute leur vie, parce qu’elles ont passé la cinquantaine ou parce qu’elles sont peu qualifiées et ont donc peu de chance de retrouver un emploi. On ne peut pas décemment demander à ces personnes-là d’apporter des attestations de recherche d’emploi toutes les semaines… Je tiens à souligner par ailleurs que la remise à l’emploi n’est pas et ne doit pas être la première mission des CPAS. Il y a des organismes prévus pour cela ! Or, dans nos sociétés et dans nos CPAS, je remarque aujourd’hui une tendance lourde qui tend à considérer qu’il faut mériter son allocation. Et qui dès lors tend à rendre les gens responsables de leur situation de pauvreté. Sous cet angle-là, la loi Vande Lanotte de 2002 sur l’intégration sociale est un recul par rapport à la législation précédente.

Claude Emonts : C’est sans doute une question de circonstances, de région ou de mentalité mais en dix ans de présidence du CPAS de Liège, je n’ai jamais rencontré au niveau de mon conseil de problème visant une contrainte à la responsabilisation de notre public ! Ou alors, dans un sens inverse : ce sont parfois des membres de notre public qui se plaignent qu’on ne prend pas assez en considération leur dossier d’insertion professionnelle alors qu’ils sont disposés à travailler. Sur les 6.500 personnes bénéficiant du revenu d’intégration à Liège – je ne parle pas de l’aide sociale qui concerne surtout les étrangers –, 2.500 sont dans le parcours d’intégration, qui va de la prise en charge de soi (ponctualité, soins corporels) à la recherche active d’emploi (rédaction de CV…) et éventuellement de stages. Mais tout ça se fait sur base volontaire. Autant le travail ne doit pas être l’objectif principal du CPAS, autant chez les gens, peut-être par pression sociale, leur première demande, avec l’obtention d’un logement, c’est d’avoir du travail. Et si nous ne rencontrons pas cette demande-là, les gens sont furieux. Je pense donc que la loi Vande Lanotte de 2002, qui fait passer la mission des CPAS de l’aide à l’action sociale et qui fixe la mission aux CPAS de faire de l’insertion professionnelle (chose que les CPAS faisaient avant sur base volontaire et non financée), est un énorme progrès. D’abord parce que nous avons obtenu de faire de l’insertion sociale, c’est-à-dire de ne pas mettre au travail ceux que nous estimons non aptes ou non prêts à rentrer sur le marché de l’emploi. Ensuite parce que, pour la première fois, il est enfin prévu un financement du personnel et des moyens d’action pour l’insertion professionnelle. Ce n’est pas un financement à 100% mais il nous permet au moins de construire des services d’insertion sociale.

Dominique Decoux : Si l’activation prévue par la loi reste dans sa forme problématique, je reconnais bien volontiers que la loi présente aussi des avancées importantes sous forme de financement des CPAS, c’est vrai, mais aussi en termes de droits des personnes… Nous nous sommes beaucoup battus pour que cette dernière dimension soit développée… Selon moi, finalement, l’action des CPAS doit s’articuler autour de trois branches. D’abord permettre aux gens d’accéder aux droits – principalement à un revenu – prévus par le système de protection sociale. Ensuite, leur permettre d’acquérir une autonomie qui passe par la reconquête d’une vraie fierté d’eux-mêmes. Je crois en effet que les gens peuvent retrouver de l’autonomie s’ils ont une image positive d’eux-mêmes, raison pour laquelle je chéris la loi qui concerne la participation culturelle, sportive et sociale des usagers. Enfin, et en dernier lieu, le principe de responsabilité, qui doit venir à la fin du processus, quand les gens savent d’abord qu’ils vont pouvoir manger et se loger. Je fais cette distinction parce que souvent, on met la responsabilité en premier lieu. Avec les moins de 25 ans, les CPAS doivent monter un projet d’intégration sociale dans les trois mois à partir de l’arrivée du jeune. C’est une horreur pour les travailleurs sociaux ! En fait, on leur impose une mission quasi impossible dans ce laps de temps. Ce qui aboutit souvent pour eux à devoir exercer une terrible pression sur les jeunes qui se retrouvent placés au pied du mur avant même qu’on ait pu établir avec eux un vrai état de leur situation.

Claude Emonts : Le problème c’est que les travailleurs sociaux sont surtout enfermés dans une double contradiction : celle de l’aide et du contrôle. Ils sont là pour aider les gens mais aussi pour les contrôler et éventuellement pour les sanctionner. Ils sont donc perpétuellement au milieu de ces deux contraintes et, bien souvent, ils ne savent pas s’en sortir.

Dominique Decoux : Ce n’est pas une contrainte facile. J’en ai discuté avec eux. Je leur dis que le contrôle doit s’intégrer dans une démarche qui a du sens : que contrôle-t-on ? Bien entendu on contrôle les conditions d’accès au revenu d’intégration. Ça c’est assez simple et cela n’amène pas d’états d’âme. Ce qui peut poser problème, c’est la disposition au travail. Est-ce que les personnes font assez d’efforts nécessaires pour s’en sortir ? C’est là que la part subjective de l’assistant social intervient et qui peut fortement le mettre en difficulté.

Claude Emonts : N’oublions pas qu’il faut aussi vérifier si la personne ne fraude pas. C’est un sujet délicat mais pourtant important. Il y a des petites et des grosses fraudes. Il y a des fraudes de survie et celles-là on peut moralement difficilement les sanctionner. Par exemple, une femme de ménage et mère de trois enfants qui fait quelques heures d’ouvrage en noir. Par contre, celui qui bénéficie du revenu d’intégration et qui travaille par ailleurs à temps plein, celui-là on le poursuivra jusqu’à la cour d’appel s’il le faut. Il ne peut pas y avoir de pitié pour ce genre de cas. Il y a une phrase à laquelle je tiens beaucoup : l’aide sociale est un droit et l’abus menace le droit. Sur ce point il faut être très clair.

Dominique Decoux : On peut dire ça !

Propos recueillis par Jérémie Detober