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Pour une écologie politique d’Écolo (uniquement en ligne)

Appliquons à notre fonctionnement interne ce que nous revendiquons pour la société : production locale en circuit court, rejet du consumérisme et du « bling-bling », enrichissement de notre bio-diversité.

La défaite d’Écolo le 25 juin 2014 aura des conséquences funestes : régression des grands chantiers écologiques du XXIe siècle, faiblesse de l’opposition aux grandes injustices (telles les lois liberticides ou les inégalités sociales, de l’échelon local à l’échelon international), tentatives consternantes de remettre en route un vieux modèle productiviste qui, au-delà de ces vices intrinsèques, ne redémarrera jamais. L’occasion est belle non pas de « revenir à des fondamentaux » sentant l’acrimonie, la revanche et la poussière mais bien de déployer largement la force politique de gauche non-productiviste De manière plus positive, les « conditions historiques » n’étaient de toute manière pas réunies. Tant en raison du rapport de force politique général que de sa posture, qu’Écolo recueille 20% plutôt que 10% ne changeait pas fondamentalement la donne politique ni du pays ni même de sa partie francophone. Partant de ce constat, l’occasion est belle non pas de « revenir à des fondamentaux » sentant l’acrimonie, la revanche et la poussière mais bien de déployer largement la force politique de gauche non-productiviste .Terme qui me semble plus précis pour décrire un modèle de société qui ne se base pas sur le productivisme que celui d’antiprooductiviste, qui évoque une (absurde) opposition à la production évoquée par .Joanne Clotuche, Mathias El Beroumi et Edgar Szoc. Ce déploiement à grande échelle nécessite Entre autres, mais c’est le point de vue abordé dans la présente contribution de s’appliquer à soi-même, en tant que parti, les critères promus par Écolo comme modèle de société. La place contraint de se limiter à certains exemples. Ainsi, la production locale en circuit court se fixe des objectifs extrêmement précis en termes d’appropriation consciente du processus de production, de suivi de la qualité, d’absence d’engrais néfastes, d’utilisation durable d’un terrain très bien connu, de mobilisation large autour de ces revendications et de partage de ces principes et de ces pratiques. Appliquée au champ militant, elle se fixe des objectifs tout aussi rigoureux et, comme la production locale, est une alternative opiniâtre, pas un aménagement à la marge d’un système vicié, basé sur la domination. Il est certes plus reposant et prestigieux de mener une campagne électorale depuis la cour des grands des gouvernants Nonobstant la qualité du travail accompli , mais il est intolérable pour l’écologie politique d’en être dépendant. Cela n’a pas fonctionné, mais surtout, cette dépendance est par nature incompatible tant avec les urgences écologiques, économiques et sociales qu’avec la souffrance que ces urgences engendrent auprès d’une population dont une partie croissante oscille entre le rejet intégral de l’objet politique et le vote refuge. Aucun n’est bon pour la démocratie et en particulier pour les nécessaires efforts de compréhension requis par la construction de l’alternative politique indispensable. Le rejet du consumérisme figure également à la base de l’écologie politique. On le trouve aussi bien dans les rétrocessions exigées des élus que dans la manière dont les événements écologistes sont organisés. Or la base du consumérisme est le marketing, consistant à susciter le désir de consommer. Il est politiquement logique de saisir en campagne électorale les preuves du bien-fondé de l’écologie politique (crise de la dioxine, mauvaise gouvernance…) et donc de « faire » du marketing à cet instant. Il devient dommageable, toujours, d’oublier que ce succès a lieu parce que les propositions sont pertinentes, bien construites et relayées par des militants présents même lorsque le succès n’est pas au rendez-vous. Alors, lorsque tout va bien, il est reposant de miser sur la consommation d’un marketing personnifié. Mais la survenance de ce « tout va bien » (qui est objectivement un « tout va mal »…) nous échappe, et le retour de manivelle est forcément meurtrier. Faute d’une base militante prête à aller au contact de la population, à s’instruire de son expérience et donner des déclinaisons concrètes de notre modèle de société, l’écologie redevient un luxe… Ce plaidoyer pour une capacitation massive de l’appareil militant d’Écolo tombe à pic. L’enthousiasme interne est intact et la défaite électorale exacerbe l’envie de poursuivre le travail. Hors Écolo, le délitement large de la société trouve pour écho de larges mobilisations militantes ou citoyennes : contre le brevetage du vivant, le pacte budgétaire européen, le projet de Grand marché transatlantique, les sans-papiers, les sans-abri,… Écolo doit reconquérir son rôle pour partie perdu de dernier rempart de ces grandes causes, amener ces citoyens à franchir le pas de l’adhésion politique et les faire se sentir chez eux parmi nous. Il ne s’agit pas de se déforcer des actuels militants (beaucoup sont très présents dans ces combats) mais bien de se renforcer numériquement, de s’enrichir qualitativement de ces expériences de luttes sociales et de relever le moral des troupes actuelles. Cela requiert de politiser chacun de ces combats (c’est-à-dire de montrer le rôle qu’ils ont à l’échelle de sa société tout entière, exercice de toute manière salutaire, même avec les militants actuels) et de réhabiliter Écolo comme un parti de militants et non un parti où un nombre réduit de personnes jouent aux chaises musicales et se cooptent. Par où commencer ? Sans doute par un travail sur notre bio-diversité : qui nous attirons, qui nous quitte et qui manquons nous ? Nous avons perdu en écoute et en attention à l’égard de certains compagnons de route naturels (les enseignants et leurs organisations d’éducation permanente par exemple) ou non. Par exemple les spécialistes de l’économie de la contribution numérique ou encore des économistes atterrés .Voir leur site : .http://atterres.org/.. belges devraient être des nôtres, à nos côtés… ou nous aux leurs ! Notre Manifeste, offensif et ouvert, est une base de fonctionnement et d’objectifs solides. Il a le potentiel pour relancer les États généraux de l’écologie politique de la fin du précédent millénaire. L’évolution du monde en 15 ans commande un travail encore plus en profondeur, l’écologie devant plus que jamais être prise dans un sens radical Non pas dans un sens moral absurde, de « plus pur », mais dans celui du traitement des problèmes à leurs racines. Parce que les urgences écologiques n’ont pas attendu pour s’aggraver d’abord. Parce qu’elles paraissent obérées ou subordonnées aux urgences socio-économiques surtout. Il est urgent de s’atteler à un exercice d’élaboration contributive d’un modèle nouveau de société, un modèle où l’écologie est centrale, jusque dans les questions de dominations et de rapports de force qui attaquent le corps social au plus profond. Un tel exercice peut faire peur. Ce n’est pas un mal en soi, car où que se pose le regard, les chantiers politiques, les efforts de construction et de pédagogie sont colossaux. Rien ne sera facile ni ne viendra seul. Mais il ne s’agit que d’oser s’enthousiasmer de la nature salutaire des dynamiques à déployer et de ce qu’en soi elles contribueront déjà à ré-enchanter notre Monde et donc, de manière performative, à le construire. Il ne s’agit enfin que d’appliquer à notre fonctionnement interne ce que nous revendiquons pour la société : production locale en circuit court, rejet du consumérisme et du « bling-bling », enrichissement de notre bio-diversité. Toutes les énergies seront nécessaires, en ce compris celles des personnes qui ont porté Écolo ces quinze dernières années. Mais un changement de cap suffisant ne naîtra que de l’utilisation des richesses militantes d’Écolo, pas d’un arrangement tactique entre individus qui se positionnent. Penser qu’un tel scénario n’a aucune chance, c’est avoir une vision désabusée donc stérile tant du militantisme que de la démocratie.