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Scum, le retour

«Le mâle est un accident biologique ; le gène Y (mâle) n’est qu’un gène X (femelle) incomplet. En d’autres termes, l’homme est une femme manquée, une fausse couche ambulante, un avorton congénital. ÊEtre homme c’est avoir quelque chose en moins, c’est avoir une sensibilité limitée. La virilité est une déficience organique, et les hommes sont des êtres affectivement infirmes»…

C’est ainsi que commence le «SCUM Manifesto» de Valerie Solanas, cri de révolte explosant en 1968 (1971 pour la version française), comme un crachat à la face d’un monde réduit par la domination masculine à «un gigantesque tas de merde». Solanas ne faisait pas dans la nuance et provoquait déjà, y compris dans la deuxième vague naissante du féminisme, soit un gros malaise, soit un bon rire vengeur.

Certes, on pouvait ne pas partager ni les analyses, ni encore moins le «programme politique» de Scum, sigle de «Society for cutting up men», qui signifie «association pour tailler les hommes en pièces» (même si beaucoup d’hommes — et de femmes… — ont plutôt compris «cut up» dans le sens «châtrer»). Néanmoins, ce livre est important dans sa radicalité même. Pamphlet brûlant opposant sa violence à celle subie par les femmes, ce texte passait à la moulinette l’ensemble des relations sociales: la guerre, la religion, la compétition, l’art, le sexe… rien n’échappait à la plume acérée de l’auteure. Par exemple ce passage, encore plus subversif aujourd’hui dans un monde où chacun est invité à travailler davantage: «L’homme, incapable d’entrer en relation avec les autres et contraint de se donner l’illusion de servir à quelque chose, s’active, pour justifier son existence, à creuser des trous et à les remplir. L’homme est horrifié à l’idée d’avoir du temps libre, pendant lequel il ne trouverait rien d’autre à faire que de contempler sa grotesque personne. Puisqu’il ne peut aimer ni établir de contacts, l’homme travaille».

Contre cet univers, Valerie Solanas prônait le «déchaînement des femmes indépendantes». Le livre a fait l’objet d’un film où Delphine Seyrig lit le texte devant un poste de télévision crachant les horreurs du monde. Bien que régulièrement réédité, le livre était devenu introuvable.

Et voilà que les éditions des Mille et une nuits décident de le ressortir, ce qui serait une bonne nouvelle… si elles n’avaient pas trouvé pertinent d’en confier la postface à Michel Houellebecq. Houellebecq, cet écrivain très «mode» revenu de tout (sauf de lui-même), qui fait mine de mépriser la terre entière mais particulièrement les femmes, réduites dans ses livres à la catégorie d’objets plus ou moins «baisables». En début de cette postface, il n’hésite d’ailleurs pas à déclarer qu’il a toujours considéré les féministes comme des «connes». Le ton est donné. En fait, c’est un peu comme si on demandait à Sarkozy de postfacer une édition du Manifeste du Parti communiste… Heureusement, on peut trouver le texte sans postface et gratuitement sur Internet http://ch.indymedia.org/fr/2004/03/19785.shtml