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Covid-19 : agir plutôt que réagir

Vagues décès covid Belgique
Vagues décès covid Belgique

La gestion de crise de la pandémie de Covid-19 continue d’interpeler : le manque de préparation et les choix politiques sont questionnés. Le pouvoir politique belge a-t-il opté pour une communication incohérente d’experts plutôt qu’en faveur d’une information transparente et responsable de la population face aux enjeux sanitaires ?

Les auteurs, issus des mondes associatif et médical, appellent urgemment à une mobilisation de tous les acteurs de terrain pour lutter efficacement contre le virus et à des réformes structurelles dans le domaine de la santé publique.


Les esclandres délétères et réguliers du MR visant la levée de certaines mesures du (re)confinement « partiel » instauré par le gouvernement De Croo en novembre dernier, ne devraient pas faire oublier la situation globale où se trouve la Belgique en ce qui concerne l’impact de la pandémie de Covid-19 sur son territoire. Avec plus de 18
 000 morts à ce jour, le pays se trouve au sommet du classement macabre des morts du coronavirus par habitant en Europe.

Comment un pays dont le système de santé se trouvait souvent mentionné parmi les plus performants, et disposant d’une industrie biotechnologique de pointe, a-t-il pu se retrouver dans un tel désastre ? Alors que dans d’autres pays beaucoup moins bien ressourcés comme l’Uruguay[1.L. Taylor dans le British Medical Journal du 18 septembre 2020 (vol. 370)], le Vietnam[2.Br. Pedroletti dans Le Monde du 6 novembre 2020.] ou l’État du Kerala en Inde[3.V. Chandrashekhar dans Science du 13 novembre 2020.], les autorités ont réussi à contrôler beaucoup mieux la transmission du virus parmi leurs populations, principalement par une précocité des interventions.

Les faits sont là : près de 200 morts par jour en Belgique au pire moment de la deuxième vague débutant fin septembre, le tsunami tant redouté saturant les lits de soins intensifs, les hôpitaux belges ont dû passer des semaines extrêmement difficiles, probablement les pires depuis le début de la Deuxième Guerre mondiale.

Notre contribution souhaite avancer ici quelques éléments, distinctement visibles et cependant liés entre eux, dans une critique à la fois politique et épidémiologique, et pointant vers des causes profondes. Face à la gestion catastrophique de l’épidémie, il est primordial de développer les idées concernant les changements nécessaires à mener en santé publique, afin que cela puisse être mieux maîtrisé à l’avenir. Sachant qu’un (re)confinement partiel aurait pu être évité si la situation avait été mieux gérée par les autorités, il est désormais essentiel d’éviter une troisième vague en 2021 et de bien discerner les espoirs quant à l’arrivée d’un vaccin, tout en augmentant les moyens de prévention de la santé publique. Cette réalité pesante due à l’incompétence de gestion de crise du Covid-19 n’est pas une fatalité, il est possible de se débarrasser d’un virus par des politiques appropriées.

Une réaction trop tardive et peu préparée

Le premier élément est l’incompréhensible état d’impréparation face à une pandémie pourtant annoncée avec un degré élevé de probabilité. Rappelons-nous que deux mois après la notification de la nouvelle pneumonie épidémique par la Chine à l’OMS[4.Chronologie de l’action de l’OMS face au Covid-19.], et cinq semaines après la publication de nombreuses preuves de sa rapide et mortelle diffusion, notamment celle de son potentiel de transmission asymptomatique, la ministre fédérale de la Santé Maggie De Block ne trouve rien d’autre que la caractéristique de « petite grippe »[5.Déclaration en séance plénière à la Chambre du 5 mars 2020 (cf. La Dernière Heure du 25 mars 2020.)]pour désigner ce qui allait quelques jours après, le 13 mars, déclencher une décision de confinement généralisé par le gouvernement Wilmès.
On découvre alors la disparition des matériels stratégiques de protection pour les soignants et la population générale, suivie de l’autant désastreuse réalisation que les tests d’indentification du virus chez les malades ne peuvent être effectués que de façon centralisée[6.
« Fiasco du testing » résumé par Leïla Belkhir, infectiologue aux Cliniques universitaires St-Luc.], alors que les technologies de base nécessaires sont partout accessibles.

Cette impréparation est alors perpétuée par diverses pantalonnades. D’abord avec la délégation du testing à un secteur privé novice dans ce genre d’opérations (notamment les firmes pharmaceutiques), au lieu de renforcer les capacités des grands hôpitaux et des laboratoires universitaires[7.Carte blanche du professeur Frédéric Cotton (ULB), chef du laboratoire hospitalier universitaire dans Le Soir du 27 avril 2020.], ensuite par l’achat massif de tests et des masques de fortune, et surtout l’incapacité durable d’organiser un dépistage suivi de la mise en quarantaine à l’échelle nécessaire pour personnes testées positives.
Nous nous permettons la liberté de penser que c’est la brusque réalisation de ce degré terrifiant d’impréparation, commune dans toute l’Union européenne, qui a précipité le gouvernement en panique dans la décision d’instaurer le confinement généralisé. Une décision prise en urgence et la conviction qu’on ne saurait éviter autrement une situation semblable à celle de la Lombardie, visualisée de façon insistante dans les médias.

Comme l’analyse également le docteur David Nabarro[8.Interview sur la BBC2 dans l’émission « Hard Talk » du 18 novembre 2020.], l’envoyé spécial de l’OMS pour le Covid-19, le seul et unique objectif politique de maîtrise de l’épidémie en Europe aura été depuis le début l’aplatissement de la courbe de cas, afin d’éviter la saturation des soins intensifs dans les hôpitaux et ceci au moyen de lockdowns successifs.
Aucune autre mesure d’envergure n’a été prise ciblant l’élimination du virus du territoire, sachant que presqu’aucun pays européen n’a réussi à mettre un système durable de testing et de traçage en place. En Belgique, après 9 mois, la situation est loin d’être optimale.

Le déferlement des « experts »

Bien que les mises en garde précoces d’un spécialiste avéré des coronavirus, le virologue et professeur de l’UCL Marc Wathelet, aient été ignorées par les responsables politiques – et particulièrement de la part de la ministre Maggie De Block[9.Lettre ouverte à la Première ministre sur l’impréparation de la Belgique à une pandémie et interpellation de la ministre de la Santé.] – les dissonances au sein de la communauté scientifique sont nombreuses et regrettables.

Faisant fi de ce qui est une pratique scientifique établie depuis un bon moment, c’est-à-dire le devoir de s’astreindre à une communication ordonnée et consensuelle, une nuée de virologues, cliniciens, épidémiologistes et réanimateurs défilent sur les plateaux de télévision et dans les colonnes des journaux pour commenter hardiment, sans peur de se contredire entre eux, les décisions du gouvernement pour lutter contre l’épidémie, pourtant prises sur la base des conseils de certains de ces mêmes spécialistes.

Il est alors frappant de constater que ces « experts » invités dans les médias ne citent pratiquement jamais, ni de façon contradictoire, les données exactes des études sur la pandémie, ni ne se réfèrent systématiquement aux expériences de contention de la maladie réalisées avec succès dans d’autres régions du monde. Cette absence de ressources scientifiques pertinentes est structurelle, car le pays est dénué d’épidémiologistes ayant une expérience de terrain récente en santé publique et par ailleurs aussi des programmes de lutte d’envergure contre les grandes infections comme celles qui ont pu avoir lieu ces dernières années en Afrique et en Asie[10.Voir plusieurs publications concernant l’expérience des pays africains et asiatiques face aux épidémies, et leur meilleure capacité à contenir le Covid-19.].

Les méthodes de travail sont également insuffisamment interdisciplinaires. Ainsi, on a fait parler trop peu les sciences sociales capables de mesurer et comprendre les défauts d’adhésion aux pratiques de gestes barrières ou d’auto-quarantaine. On ne peut reprocher aux virologues et épidémiologistes individuels leur incapacité à tout savoir dans des domaines éloignés de leur métier, mais il faut bien constater que les décisions politiques doivent être basées également sur des données objectives de sociologie et de psychologie collective.

Ce désordre s’explique à la fois par le fait que le gouvernement ne publie pas entièrement les avis de son groupe d’experts[11.Comme l’a récemment dénoncé Erika Vlieghe dans Le Soir du 4 décembre 2020.], ensuite par la concurrence entre médias, qui dans leur impréparation similaire à une pandémie, sont en compétition pour faire parler l’« expert », qui le plus iconoclaste, qui le plus « rassuriste ». Dans un léger contraste, en France, la communication des scientifiques est essentiellement basée sur les avis substantiels mis en ligne du Comité scientifique conseillant le gouvernement, ce qui permet de favoriser le consensus scientifique, et isoler les « charlatans rassuristes » les plus vociférants, alimentés là aussi par le concours des médias. Cette recherche du consensus est également active en Allemagne, notamment par le biais de l’Académie Nationale des Sciences Leopoldina.

En Belgique, l’exemple le plus consternant de ce phénomène négatif est celui de Jean-Luc Gala, mis au service de la théorie fallacieuse du contrôle du virus par l’immunité dite collective. Ce dernier se mettra à préconiser la diffusion du pathogène, dont on appréhende encore mal la virulence, parmi les étudiants[12.Intervention récurrente dans les médias à ce propos aux mois de septembre et d’octobre avant d’être désavoué par les Cliniques universitaires St-Luc.], bien que d’autres spécialistes comme Marius Gilbert ont rappelé que cette théorie, qui n’a jamais été mise en œuvre, relevait de l’eugénisme[13.Clarification sur l’immunité collective par Marius Gilbert sur le plateau « C’est pas tous les jours dimanche » de RTL-TVi du 18 octobre 2020.]. Comme l’a expliqué l’actuel ministre fédéral de la Santé Frank Vandenbroucke, la parole de J.-L. Gala est tout simplement irresponsable[15.Intervention du ministre dans l’émission « Ter Zake » sur la VRT.].

Comme en toute situation de crise, nombreux sont ceux très enclins à prendre leurs désirs pour des réalités. Ainsi, cette théorie de l’immunité collective est devenue extrêmement populaire et motive beaucoup de personnes à ne pas respecter les gestes barrières, bien que M. Wathelet ait rappelé que cette théorie n’a pas de base réelle en épidémiologie humaine, et n’a jamais été observée pour les virus de type corona[16.Explications dans le Journal du Médecin du 17 mars 2020.]. Pourtant, son exemple catastrophique du seul pays qui semble l’avoir appliqué sciemment, la Suède[17.Gretchen Vogel dans Science du 9 octobre 2020.], est ressassé régulièrement sur les plateaux de télévision et dans les colonnes des journaux.

Un gouvernement qui communique mais ne décide pas

Après un déconfinement précipité au printemps qui n’a pas tenu compte du niveau de circulation du virus et avec l’invitation au relâchement des gestes barrières, la notion d’élimination de la transmission, que d’autres pays poursuivent, reste invisible.

La Belgique ne gardera qu’un seul objectif, celui d’éviter le débordement des services hospitaliers. Il ne faut cependant pas être un grand expert pour voir que cet objectif est insuffisant et que la notion même n’a pas de définition précise. En effet, si les services de soins intensifs ne sont pas surchargés pendant un moment, l’infection progresse et continue inexorablement à faire, en proportion constante, des morts.

Cet attentisme général devant ce qui est rendu visible par la brusque augmentation des infections début août à Anvers, suivie de près par une bouffée similaire à Bruxelles, toutes restées sans effet d’alarme sur les gouvernements, tout comme cette indifférence à la progression constante des chiffres des victimes, ne s’expliquent pas facilement, sauf par la peur de devoir recourir de nouveau au très coûteux confinement… Avouant ainsi explicitement la faillite de la gestion de cette crise depuis son début, mais retombant à nouveau dans un déni irresponsable.

Et pourtant, même le nouveau gouvernement De Croo hésitera encore deux semaines, quand s’accumulent les victimes, pour décider de l’inévitable, toujours avec le même argument que celui de mars-avril : échapper à l’effondrement du système de santé. Ne sont pas pris en compte les souffrances se cumulant des soignants, des victimes et des familles. Ni par ailleurs le fait que le système sanitaire ne dispose toujours pas de traitements véritables de l’infection et que la mortalité des malades sous assistance respiratoire reste très élevée.

Une gestion de crise qui interroge

L’incapacité du pouvoir politique à anticiper la vague du printemps ou sa recrudescence de l’automne, est désormais tout à fait flagrante. Au lieu de tirer des leçons du passé et de s’orienter vers de nouvelles perspectives de santé publique, au contraire, on a préféré poursuivre le transfert des compétences de lutte contre l’épidémie au secteur privé.

Ces choix politiques suivent cependant des motifs de pure idéologie néolibérale[17.S. Keshavjee, How neoliberalism infiltrated global health, University of California Press, 2014.], favorisant la gestion du secteur privé au détriment du contrôle public, avec comme conséquence aujourd’hui l’échec du tracing et du testing à large échelle, les entreprises privées se montrant incapables de faire fonctionner les systèmes de données nécessaires à la gestion des tests. Des privilèges inouïs sont accordés au privé, avec pourtant des résultats assez médiocres (commande de masques, production et gestion des tests etc.) et des échecs cuisants, dont le blocage incompréhensible de la commande de robots de laboratoire, servant au dépistage de haute capacité pour la plateforme fédérale qui tarde à voir le jour. Quant aux institutions de santé publique, voilà plus de dix ans que l’on transfère leurs ressources à des boîtes de consultants comme Deloitte et McKinsey[18.Hypothèse également avancée dans Le Soir du 14 avril 2020 et dans Le Vif.], qui « conseillent » les ministres de la Santé en même temps que les industries anti-santé du charbon et du tabac.

Malgré tout cela, le pouvoir politique belge semble vouloir s’assurer que la gestion de la crise reste dans les même mains « expertes ». Ainsi, avec la constitution du gouvernement fédéral au début du mois d’octobre, Pedro Falcon est nommé commissaire coronavirus, alors qu’il était pourtant l’ancien chef de cabinet de la ministre De Block et ancien directeur général des soins de santé, responsable de la réforme hospitalière malthusienne[19.Le terme technique de malthusianisme désigne généralement la réduction de l’offre des ressources humaines dans la santé.].

Les politiques se disant libéraux, dominant au sein du gouvernement Wilmès durant la première vague, et responsables de toute l’impréparation, par leur incompétence, dans la gestion de la crise épidémique, sont les mêmes qui aujourd’hui, du côté francophone (donc au MR), souhaitent déconfiner de nouveau en catastrophe. Accompagnant chaque mesure décidée conjointement au sein du nouveau gouvernement De Croo, par leur petite musique de mise en cause, malgré les risques avérés d’une troisième vague.

Le prix à payer de l’austérité

Entre 2014 et 2019, plus de 2,1 milliards d’économies[20.Estimation faite par Solidaris.] ont été réalisées dans le secteur des soins de santé. Autant de médecins, d’infirmières moins bien payées, de postes supprimées, de réserves affamées. Auparavant, la réforme Copernic du gouvernement Verhofstadt[21.Depuis les gouvernements Verhofstadt (1999-2008) et les dernières réformes de l’État, la fonction publique fédérale a été démantelée, particulièrement le secteur de la santé publique, qui a été fortement impacté. Cette politique a d’ailleurs été renforcée par les gouvernements Michel (2014-2018) et l’ancienne ministre de la Santé Maggie De Block (cf. A. Piraux, « Que reste-t-il de “Copernic” ? », Les analyses du CRISP en ligne, 2 février 2017, www.crisp.be).] avait déjà mis à mal l’ensemble de l’administration de la santé publique et sa principale institution scientifique, l’Institut scientifique de santé publique (devenu Sciensano)[22.Sciensano est né en 2018 de la fusion de deux institutions : l’Institut scientifique de santé publique (ISP) et le Centre d’étude et de recherches vétérinaires et agrochimiques (Cerva). L’ISP avait déjà réuni en 1904 les anciens Institut Pasteur du Brabant et Institut d’hygiène et d’épidémiologie.], qui a dû intégrer les fonctions des laboratoires de contrôle de la chaîne alimentaire, mais ne dispose pas des moyens nécessaires pour fonder une politique de prévention à partir de mesures engageant la population dans son ensemble.

Sciensano s’est donc retrouvé inapte à prendre les devants, et lancer des initiatives permettant de fonder anticipativement des mesures préventives efficaces. En même temps, les tâches d’animation et d’évaluation de la santé publique ont été dispersées dans de nouvelles agences régionales, comme l’Aviq en Wallonie, pourtant trop faibles pour assurer ces missions bien spécifiques.

Cette politique n’a évidemment pas permis de disposer au moment opportun d’expériences et de mécanismes robustes pour lancer les actions contre l’épidémie. Par exemple, il aurait été utile de disposer d’analyses approfondies sur l’efficacité de telle ou telle mesure ou sur la géographie des clusters de transmission.

L’austérité, touchant également l’université et la recherche, est aussi responsable de la faiblesse de la compétence fédérale en santé publique, qui constitue pourtant un prérequis pour populariser les notions de base d’hygiène de vie et de solidarité sanitaire. L’avarice de la dispensation des numéros Inami, le maintien des restrictions d’accès aux facultés de médecine et aux formations des professions de santé ont asséché les ressources humaines nécessaires pour résister à une catastrophe sanitaire d’envergure comme le Covid-19.
Personne ne semble réagir même quand l’épidémie met à nu la faiblesse des structures restantes : il n’y a eu aucune réaction afin de revaloriser les professions, changer les conditions de travail et de carrière, augmenter les numéros Inami, abolir l’examen d’entrée en médecine, etc. Ou du moins, on se limite à des effets d’annonce, alors que le personnel de soins médicaux et infirmiers souffre du manque de moyens humains toujours plus criant, et auquel on n’apporte aucune réponse, si ce n’est de constater un absentéisme croissant suite à l’épuisement des mois de travail sans relâche.

Pour une mobilisation collective des acteurs

Au contraire des décisions prises par le haut et dirigées vers le bas, c’est une large mobilisation de la société civile, des acteurs sociaux, de la médecine de proximité, des éducateurs, des organisations syndicales, et du monde associatif qui doit permettre de porter le message de prévention. Tout le monde doit être l’acteur principal de la lutte contre le virus par contraste envers des décisions mal expliquées et mal comprises.
En effet, l’élément important qui manque dans cette lutte contre la pandémie est la mobilisation des acteurs et des métiers les plus touchés par les mesures anti-pandémie comme ceux de la culture. On sait depuis un bon moment que le combat contre une épidémie ne se gagne pas contre la population mais obligatoirement avec elle.

Cette adhésion de la population, l’enjeu majeur de santé publique en période épidémique, doit se faire sans infantilisation et être véhiculé par les organisations civiles et syndicales à leur base, dans les communautés et les communes, disposant eux-mêmes des données locales pour agir là où c’est nécessaire.

Laissons toutes les personnes de bonne volonté devenir des acteurs de la lutte contre l’épidémie, pour qu’on puisse agir ensemble vers l’éradication du virus, plutôt que de laisser croire qu’il n’y a pas d’issue et qu’il faut apprendre docilement à vivre avec. C’est ainsi que le virus a pu être éliminé dans certains pays d’Asie du Sud-Est, comme au Vietnam, où dans chaque quartier et dans chaque rue, c’est l’organisation sociale et solidaire qui permit aussi de limiter drastiquement la progression du virus, jusqu’à sa disparition effective.

Évidemment en Europe, et particulièrement en Belgique, ceci suppose aussi que les erreurs soient assumées par les principaux responsables de la gestion de l’épidémie et qu’il y ait une volonté claire de changer dans l’immédiat les failles structurelles. Mais il ne nous semble pas que l’on s’oriente vers ces remises en cause fondamentales des stratégies de lutte contre le virus, car les erreurs semblent se répéter au fil des semaines.

Ainsi, l’espoir réside essentiellement en la diffusion rapide d’un vaccin, avec une immunité suffisamment longue et auprès d’une partie non négligeable de la population.

Des réformes à engager en profondeur et sans tarder

La gestion de la pandémie aura constitué une expérience terrifiante pour l’ensemble des sociétés européennes et ne devra en aucun cas se répéter. Il faut des actions de terrain immédiates pour continuer l’usage de la mise en quarantaine et la promotion de la vaccination de masse, et en même temps des réformes profondes des structures auxquelles il faut s’attaquer sans délai. Tout en tirant les leçons des décennies de la gestion néolibérale du système de santé, et ceci même en temps de crise.

Pour y arriver, il faut permettre et envisager :

  • La création d’un centre de compétence d’épidémiologie unique en Belgique sur le modèle des instituts fédératifs de recherche allemands, ce qui passe par une réforme et un renforcement de Sciensano. Ce centre unique doit être relié à un réseau épidémiologique national au maillage serré qui s’anime autour d’un corps professionnel d’acteurs de terrain, infirmières de communauté, médecins de santé publique, tout en tenant compte du fait que ces nouvelles ressources ne seront pas tout de suite pleinement opérationnelles tout de suite.
  • Développer la production nationale de tests et de réactifs, ainsi que de matériels de protection, tout à fait possible dans un pays leader en biotechnologie et en ingénierie biomédicale comme la Belgique.
  • Stopper le malthusianisme sanitaire : ouvrir la porte des facultés pour former le personnel de santé de demain qui devra réparer les dommages causés par des années de restrictions.
  • Lancer des campagnes d’éducation sanitaires en profitant de l’expérience des opérateurs du spectacle et de l’événementiel.
  • Mettre un terme au modèle hospitalo-centré du système de soins et rendre la médecine de base plus durable et résiliente face à la pandémie, tout en refinançant également les hôpitaux et revalorisant l’ensemble des professions de soins.
  • Intégrer la prévention sanitaire durablement dans l’exercice de la médecine, en créant des incitants financiers significatifs et décentralisant les décisions de prévention aux niveaux des médecins formés à cette tâche

Dans A journal of the plague (« Journal de l’année de la peste ») paru en 1722, l’écrivain irlandais Daniel Defoe, plus connu comme l’auteur de Robinson Crusoé, décrivit la grande épidémie de peste à Londres en 1665, ayant fait 70 000 morts. Un épisode retient l’attention : ne sachant que faire, le maire de ce qui fut à l’époque déjà une très grande ville, décida de tuer tous les chiens et chats, les pensant porteurs de la maladie. Ce choix fit le bonheur des rats, n’ayant plus de prédateur, et qui, comme on le sait aujourd’hui, sont le réservoir de la peste, aidant ainsi à propager la maladie.

Ce qui fut il y a presque quatre siècles le fruit de l’ignorance ne saurait plus être accepté aujourd’hui, où les connaissances pour juguler le Covid-19 sont à notre disposition et que c’est effectivement le « faire trop peu » et « trop tard » qui est le problème de nos gouvernants. Il est encore possible de ne pas devoir à subir une année 2021 aussi terrifiante que l’année 2020. Trêve de fatalisme et place à l’espoir et à l’organisation sociale et solidaire.