Il est des pratiques qui sont à ce point quotidiennes et dans les mœurs qu’on n’ose même pas imaginer qu’elles sont irréductiblement contraires à des valeurs considérées comme universelles et partagées. Comment penser que la circoncision est une mutilation sexuelle ? Que le tabou du porc n’a strictement rien à voir avec l’hygiène ? Ou que l’interdiction de la consommation de drogues est la seule interdiction légale ne respectant pas le droit du citoyen à disposer de son corps, dans le domaine privé en tous cas. Pas tout à fait : l’obligation du port de la ceinture de sécurité partage ce privilège. Et j’invite le lecteur à trouver d’autres exemples. Disons-le autrement : vous avez le droit de mourir en vous élançant d’un avion avec un bout de chiffon sur le dos qui vous fasse ressembler à Batman et, parfois, vous permet de planer un peu, de vous éclater à domicile avec n’importe quel adulte consentant, de n’importe quel sexe, dans n’importe quelle position et n’importe quel orifice. On peut se suicider avec aide ou tout seul ou perdre quelques millions de neurones en montant sur l’Everest sans oxygène ou en plongeant en apnée dans les profondeurs lointaines du grand bleu. Ou vous trouer la peau, la tatouer, en modifier la texture et changer, grâce au couteau du chirurgien, les courbes de votre corps. Mais pas de prendre du cannabis ou de la cocaïne ou du Rohypnol sans ordonnance. La question est donc : qu’est-ce qui vaut ce statut si particulier aux substances ? Il est deux moyens, et seulement deux, d’arriver à un état modifié de conscience : la drogue et la transe. La chimie et le mouvement rythmé. Pourquoi seule la transe est-elle tolérée ?