Avril 2013 : le Bureau du Plan sort une étude sur la faisabilité du passage de la Belgique à un système énergétique « 100% renouvelable ». Conclusion des auteurs : la transition est techniquement possible et peut même être réalisée « sans changer le paradigme économique actuel ». Elle coûtera cher (300 à 400 milliards d’investissements) mais aura de nombreux effets positifs. En plus d’améliorer la balance des paiements, elle permettra la création nette de 20 000 à 60 000 emplois d’ici 2030 (selon les scénarios). Mars 2014 : l’étude du Bureau du Plan a fait son chemin dans les associations environnementales et les syndicats, qui se côtoient au sein de la « Coalition climat ». Celle-ci décide une campagne « Jobs4Climate ». Objectif : étude du Bureau du Plan à l’appui, convaincre les politiques d’investir dans la rénovation énergétique des bâtiments, les énergies renouvelables, les transports en commun et un réseau électrique intelligent. Cela améliorera la qualité de l’air, réduira la dépendance aux combustibles importés et… créera 60 000 emplois tout permettant de « lutter plus efficacement contre le changement climatique ».. Au risque d’apparaître comme un pisse-vinaigre, je voudrais attirer l’attention sur quelques « non-dits » de cet apparent « win-win-win » emploi-climat-compétitivité. Sur le plan environnemental, la transition façon Bureau du Plan ne respecte pas les contraintes de la stabilisation du climat. Certes, la Belgique ne brûlerait plus de combustibles fossiles au-delà de 2050. Elle n’émettrait donc plus de CO2. Mais c’est tout de suite que les émissions doivent diminuer radicalement, pas après 2050 ![1.La réduction des émissions doit commencer au plus tard en 2015 pour atteindre 25 à 40% en 2020 et 80 à 95% en 2050 (Giec, AR4).]. Or, le Plan intègre seulement l’objectif européen de 20% de réduction des émissions en 2020 (totalement insuffisant), n’exclut pas les achats de « droits de polluer » et ne comptabilise pas les « émissions grises » (dues à la biomasse, aux autres marchandises et au courant électrique importés, produits ou transportés à l’aide d’énergie fossile). Sur le plan social, le prix à payer serait une forte augmentation des prix de l’énergie, un transfert des « charges du travail » vers la fiscalité indirecte et une hausse sans précédent de la flexibilité du travail. C’est écrit noir sur blanc : pour que le stockage de l’énergie ne coûte pas trop cher, les entreprises grosses consommatrices de courant devraient travailler l’été (quand il y a plus de soleil) et fermer l’hiver. Plus de cent mille travailleurs et travailleuses sont concerné-e-s. Faut-il dès lors se pâmer devant les 20 000 à 60 000 emplois créés d’ici… 2030 ? Le Plan nous dit que la Belgique peut feindre de devenir « 100% renouvelables » en 40 ans « sans changer le paradigme économique actuel » et son corollaire, la croissance à tout prix. Merci pour le renseignement. Mais notre problème est d’enrayer la catastrophe climatique dans la justice sociale. Et, pour cela, il n’y a d’autre solution que de sortir du productivisme capitalisme.