Sondages infirmés. Le MR, qui se posait en pivot de l’alternative, s’érode en Wallonie et à Bruxelles. Le CDH se maintient, le PS recule mais ne s’effondre pas et Écolo triomphe. L’extrême droite disparaît du paysage et si le centre de gravité se déplace bien en Wallonie et à Bruxelles, c’est vers la gauche. Scénarios confirmés. Exit la Violette (MR-PS) récusée de part et d’autre. Le MR retombe de haut et joue sans conviction sa seule carte : convaincre Écolo et le CDH de le rejoindre dans une coalition « namuroise ». Reste l’Olivier (PS-Écolo-CDH). Sur cet Olivier, le parti socialiste a tout misé en radicalisant son profil gauche. Mais cet Olivier ne ressemblera plus demain ce qu’il pouvait être hier, c’est-à-dire un tronc socialiste avec deux branches rapportées, la verte et l’orange. Entre ses trois composantes, les scores se sont resserrés et les socialistes, même s’ils restent en tête, devront avoir la modestie de leur défaite. Si un Olivier devait se mettre en place, les socialistes devraient sérieusement en rabattre au niveau des compétences, des zones d’influences et des budgets à gérer. Plus encore : ils devraient accepter une remise en ordre de l’administration wallonne que beaucoup soupçonnent – souvent à bon droit – d’être un relais du PS afin que son impartialité ne puisse être contestée. La modestie est donc de rigueur, et certains cris de victoire sont à la limite de l’indécence. La crainte d’un «bain de sang social» a pu mobiliser in extremis des électeurs hésitants. Mais la bonne tenue de certaines listes socialistes signifie aussi que des barons locaux qui incarnent le « vieux PS » restent en place. C’est assurément un paradoxe. Car au bout de dix ans, il faut bien convenir que le pari d’Elio Di Rupo de rénover son parti sans quitter le pouvoir a échoué. Les «affaires» se sont succédé jusqu’à la veille du scrutin. À part l’une ou l’autre exception, la confection des listes socialistes n’a pas rompu avec les vieilles habitudes : prime systématique aux sortants, habituels marchandages entre communes. La défaite du PS, qui n’est pas humiliante comme il aurait pu le craindre, semble ressouder le parti et renvoyer à plus tard quelques règlements de compte internes qui n’auraient pas été inutiles. On attend Elio Di Rupo pour porter malgré tout le fer où c’est nécessaire, comme il vient de le promettre une fois de plus. Ce sera maintenant ou jamais. La campagne des écologistes fut à l’inverse de celle du PS. Échaudés par l’expérience, les Verts ont raboté tout ce qui dépassait afin de ne heurter aucun segment de l’électorat. Le flou le plus total a été maintenu jusqu’au bout sur une éventuelle coalition préférentielle, y compris à Bruxelles où, pourtant, on ne faisait naguère pas mystère de l’envie de prolonger l’Olivier sortant. Leitmotiv : c’est le programme qui comptera. Prudence compréhensible pour laisser le jeu ouvert, et pourtant langue de bois. Le programme d’une possible coalition peut toujours se déduire des programmes des partis qui la composent. Et là, il n’y a jamais eu photo. On ne repère qu’un seul point de convergence majeur entre bleus et verts : la critique impitoyable des méthodes socialistes de gouvernance, qui ferait du renvoi du PS dans l’opposition une mesure de salut public. Nous ne sous-estimons pas cette question. Mais pas au point d’inverser les priorités. À l’heure d’une crise majeure du capitalisme combinée avec une crise environnementale sans précédent, l’action politique progressiste doit principalement s’attacher à mettre en œuvre le développement durable dans son acception complète, c’est-à-dire à «répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs, en portant une attention particulière aux besoins essentiels des plus démunis» La formulation est de Gro Harlem Brundtland, ancienne Premier ministre social-démocrate de Norvège, qui formalisa le concept du développement durable dans un célèbre rapport daté de 1987. Nous insistons sur ce dernier volet, car c’est bien là que le clivage gauche-droite, évacué par la porte, revient par la fenêtre. Il implique, notamment, une certaine conception des services publics et de la fiscalité. Seul un Olivier peut s’orienter dans ce sens, en phase avec l’important tissu associatif présent en Wallonie et à Bruxelles. Évidemment, au vu des circonstances, cet Olivier devra donner des garanties sérieuses de rupture avec les vieilles pratiques. C’est possible, surtout si le «casting» proposé par les socialistes donne un maximum de garantie en la matière. Donc un Olivier, mais en version 2. Pour Écolo, il s’agira de confirmer sa profession de foi qu’il est bien «ancré dans les valeurs de la gauche». Pour le PS, il s’agira de faire preuve de modestie, en respectant loyalement les nouveaux rapports de force issus de l’élection. L’Olivier n’est pas la garantie de lendemains qui chantent, surtout en régime de crise. Mais à tous égards, c’est la meilleure formule disponible pour la Wallonie et Bruxelles, deux régions qui, un peu isolées dans le concert européen qui évolue en sens inverse de façon inquiétante, persistent à se refuser à la droite et aux populistes.