Près de 30 ans après avoir lancé le concept du RER en tant qu’instrument de mobilité dans et autour de Bruxelles, il est inquiétant de devoir constater qu’on n’en est pas très loin. Il faut d’abord se rappeler que si cette idée a été développée, c’est en réalité  partiellement à cause de la réduction drastique des services omnibus du plan IC-IR de 1982 et peut être aussi de l’abandon complet par les vicinaux du vaste réseau ferré reliant le Brabant à Bruxelles.

Les discussions autour du RER ont été complexes et tendues  et ce n’est que le 4 avril 2003, après de longues négociations entre  4 opérateurs de transport (SNCB, Stib, Tec et De Lijn) et leurs autorités de tutelle, qu’une convention a été approuvée.

Quelles sont les différentes facettes de cette convention ?

L’exploitation de la ligne 26 ( Hal-Delta-Mérode-Haren-Vilvorde) en semaine avec 3 trains par heure est un succès : la fréquentation des gares a été multipliée par 3, 5 ou même 10 selon les gares entre 1990 et 2009.

Quant aux travaux d’infrastructure, même s’ils ont pris beaucoup de retard, ils avancent : mise à 4 voies des lignes 161 et 124 et ouveture de gares (Vivier d’Oie, Arcades, Germoir…) ; un tronçon de la ligne 124 doit encore obtenir son permis d’urbanisme suite à un recours au Conseil d’Etat. Les travaux sur la ligne 161 (Ottignies) ont repris après un arrêt de chantier de plusieurs années par manque de budget.

Du matériel roulant a été livré. Il se fait que les Desiro ML de Siemens ne sont pas des véhicules spécifiques au RER ( ils circulent pour les autres services) et auraient par exemple du comporter plus de portes afin de réduire les temps d’embarquement-débarquement.

Autre élément important de cette convention, le comité de pilotage réunissant les 4 ministres, leurs administrations et les 4 sociétés de transport a quelques difficultés à se réunir et en tout cas, il ne parvient pas à se mettre d’accord sur le schéma d’exploitation : combien de lignes, quelle fréquence, quelles gares … ? Or pour Bruxelles , ce dernier point est essentiel : depuis le début , la Région demande que le RER constitue une nouvelle offre de mobilité intra-bruxelloise en plus de son rôle en faveur de la navette. Et pour cela, aux 31 gares existantes Bruxelles demande d’en ajouter une petite dizaine : Erasme, Moensberg, Exposition, Cage aux Ours, Rogier, Saint Josse , Petite Île ou Cureghem, Ceria, Wielemans, De Trooz, Lycée Français.

À titre d’exemple, la possibilité technique de réaliser une halte «Cage aux Ours» située entre la chaussé de Haecht et le Place Verboeckhoven a été démontrée, ce qui n’empêche  pas l’exploitation de la SNCB de la refuser pour des questions de capacité de la ligne. Or dans les études visant à identifier les gares ayant le plus de potentiel de fréquentation, la Cage aux Ours arrive en tête !

Dernier élément de la convention de 2003 : les fameuses mesures d’accompagnement. Ici encore Bruxelles y a intérêt parce qu’il a été démontré que le RER allait accélérer le mouvement actuel d’exode urbain vers Flandre et Wallonie (plus de 10.000 personnes par an).  Les mesures à prendre par chacune des 3 Régions demandent un certain courage politique. Elles concernent des actions sur le coût du déplacement, la politique de stationnement et en particulier sa limitation dans les quartiers de bureaux et enfin et surtout la réduction de la capacité routière simultanément à l’augmentation de la capacité ferroviaire. Sur ce dernier point, on est forcé de constater que c’est  la direction opposée qui est prise avec l’élargissement du Ring 0 décidé par la Flandre. A part, cela les mesures d’accompagnement semblent aux abonnés absents.

Bruxelles attend du RER une réduction de la pression automobile

La conclusion de tout cela est que le dossier du RER reste très complexe et surtout que les parties en présence ont des intérêts divergents, voire opposés.
Ce qui compte pour la Flandre et la Wallonie c’est d’améliorer l’accès au bassin d’emploi bruxellois pour leurs navetteurs, et sans doute aussi de profiter du RER pour étendre sur leur territoire la zone métropolitaine. Bruxelles attend du RER une réduction de la pression automobile et une nouvelle offre interne de mobilité qui, par les arrêts engendrés, réduit l’attractivité du RER pour les navetteurs flamands et wallons, d’où conflit. Bruxelles demande aussi que les mesures visant à maîtriser l’exode de population vers la périphérie soient effectives, ce qui n’est sans doute pas une priorité pour les 2 autres Régions, bien au contraire quand on se réfère aux mécanisme de financement des Régions. Enfin, ce qui divise encore c’est la prise en charge des frais d’exploitation de cette offre nouvelle. Les trains S (et L) répondent déjà partiellement au service RER ; ce qui doit donc être comptabilisé c’est l’offre supplémentaire, soit environ le double de trains-km actuellement prestés. Les estimations varient, mais il s’agit de plusieurs dizaines de millions d’euros chaque année pour l’ensemble des lignes. Où les trouver ?

Dans ces conditions, pourquoi ne pas réfléchir à un scénario courant en France par exemple ? La Région prend son RER en main, à commencer par les parties qui l’intéressent au premier chef : le service urbain, appelé aussi Réseau express bruxellois ou REB. Il est fort à parier que les deux autres Régions concernées par un accès à Bruxelles rejoindront le mouvement. Une société publique quadripartite gérerait ce réseau. Il serait logique que les budgets alloués au service S soient transférés aux Régions qui intègreraient ce service dans leur offre RER. Le reste du financement reviendrait au Fédéral.

La Région bruxelloise devrait avoir l’audace de lancer sans tarder une étude sérieuse de ce scénario pour en évaluer la faisabilité et qu’elle développe une expertise interne et surtout une vision issue d’un large débat public. Un beau débat en perspective et une manifestation de l’ambition de prendre réellement la mobilité en main!