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Particratie à la belge (présentation)

Des outils démocratiques en bout de course ?

Née il y a plus de 20 ans, cette revue s’est voulue « politique » à une époque où la politique était déjà décriée. Notre ambition : la réhabiliter, car « si tu ne t’occupes pas de politique, la politique s’occupe de toi ». Mais une politique différente, rénovée, et surtout à l’écoute des multiples demandes qui émanent de la société.

Des demandes souvent contradictoires. Faut-il améliorer « le système » par le recours à de nouvelles techniques – référendums, tirage au sort… –,
faut-il le moraliser en empêchant les élus·es de faire carrière et de se servir plutôt que de servir ? Faut-il que le personnel politique soit plus expert
ou, au contraire, qu’il soit composé de personnes « ordinaires » que d’autres plus expertes éclaireraient ? Et ces autres, qui les choisirait ?

Toutes ces suggestions tournent autour d’un sujet incontournable : les partis politiques. Car, à moins de s’en remettre à la dictature des scientifiques ou des algorithmes, on ne voit pas comment on pourrait se passer de regroupements intermédiaires entre « le citoyen » – cette abstraction introuvable – et l’exercice du pouvoir, comment on pourrait éviter de structurer le débat démocratique autour d’un nombre limité d’orientations alternatives portées par des groupes de citoyen·nes qui souhaitent élaborer ensemble des propositions pour la conduite des affaires publiques.

Bref, après avoir retourné la question dans tous les sens, on ne sort pas de ce constat : un régime démocratique ne peut se passer des partis.

Et pourtant, sous leur forme actuelle, ceux-ci ont fait leur temps. D’assemblées vivantes qu’ils furent le plus souvent au moment de leur création, ils se sont transformés en oligarchies quasi dynastiques où la base se racrapote et dont les assemblées publiques se réduisent généralement à des raouts
publicitaires et plébiscitaires. Pendant ce temps, la parole prolifère sans garde-fous dans la nouvelle agora numérique, ce qui donne des idées à quelques ambitieux ou ambitieuses qui rêvent de la capter. Des pays voisins en font la démonstration.

Mais pas la Belgique. Pour le meilleur ou le pire, la « particratie à la belge » semble immuable. Jusqu’à quand

1. Un système politique particulier

D’entrée de jeu, Caroline Van Wynsberghe inscrit sa réflexion dans la continuité des interrogations déjà anciennes sur « la crise de la démocratie ». Pour sa part, Vincent de Coorebyter approfondit la « théorie des clivages » qui fonde durablement la structuration politique.
À ses yeux, l’affirmation de deux nouveaux clivages – économie/environnement et cosmopolitisme/identité – vient complexifier l’offre politique. Ce qui risque de faire craquer un système politique belge proche de la saturation et qui, comme le montrent Jean-Benoît Pilet et Petra Meier, s’est organisé pour bloquer les nouvelles émergences.
Bref, ce n’est pas en Belgique qu’un phénomène du genre Macron pourrait surgir, phénomène décrypté par Thierry Bertin et Joanne Clotuche. Ni non plus que des nouveaux partis pourraient aisément faire leur trou, comme Caroline Sägesser l’a expérimenté avec le parti bilingue ProBruxsel.

2. Les hommes de l’ombre

Derrière la façade des partis, y a-t-il des think tanks qui les alimentent ? Politique a fait la tournée des popotes en rencontrant les directeurs (tous masculins) de leurs centres d’études : Antoine De Borman (Cepess, CDH), Corentin de Salle (Centre Jean Gol, MR), Gilles Doutrelepont (Institut
Émile Vandervelde, PS), David Pestieau (service d’études du PTB) et les duettistes Christophe Derenne (Étopia) et Michel Genet (Ecolo)[1.Un sixième entretien avait été réalisé avec Christophe Verbist, directeur du Centre Jacques Georgin (Défi). Il n’a pas encore pu être reproduit pour des raisons techniques Nous nous en excusons auprès de lui et de nos lecteurs et lectrices.]. De la synthèse élaborée par John Pitseys, on retiendra les activités assez convenues de la plupart de ces centres indexées sur l’agenda des responsables du parti.

3. Introspections

Les « effets de systèmes » ne justifient pas tout et n’effacent pas la responsabilité des acteurs. Ainsi, Émilie Van Haute et Émilien Paulis interrogent la place dévolue aux adhérents des partis, qui semble de plus en plus congrue. Anne-Emmanuelle Bourgaux met le doigt sur ce paradoxe : sans doute « les partis politiques sont nécessaires à la démocratie », mais, en même temps, « la démocratie est nécessaire aux partis », alors que ça ne semble pas être leur première préoccupation. Ainsi, Thibault Gaudin montre, en parcourant l’histoire politique belge depuis 1830, à quel point les partis politiques ont « confisqué » les élections en privant les électeurs et les électrices de leurs possibilités d’expression. Enfin, en clôture et illustration de ce dossier, Dirk Van Overbeke nous convie à un voyage dans la commune bruxelloise de Jette.