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Désunion irrémédiable

«Eh bien voilà: à peine annoncée l’entrée en vigueur de la nouvelle procédure de divorce, mon mari me l’annonce: il veut divorcer. — Tu ne t’y attendais pas ? — Oh, je sens bien qu’on s’éloigne, qu’on fait de moins en moins de choses ensemble, qu’on ne se parle plus que pour se disputer… Pour le moment, son sujet favori, c’est de me reprocher d’être trop coulante avec les enfants… Ils doivent apprendre à travailler, me répète-t-il sans cesse, ou alors, on leur coupe l’argent de poche. Je fais des efforts pour être plus sévère, mais le seul résultat, c’est que je me mets les enfants à dos… — C’est quand même léger pour se séparer… — Il me reproche aussi de ne pas ramener assez d’argent, de compter sur lui pour toutes les grosses dépenses… Ou d’aller chez le médecin plus souvent que lui, ben oui, je n’ai pas la santé… Il dit même que si je n’étais pas à sa charge, il pourrait changer de voiture chaque année ! C’est n’importe quoi. Il oublie que quand nous étions jeunes, je gagnais ma vie bien mieux que lui. Et puis ma boîte a fermé, j’ai dû accepter un autre boulot, moins bien payé, plus tard j’ai aussi diminué mon temps de travail pour m’occuper des enfants, et voilà ! Aujourd’hui, c’est vrai qu’il est plus riche, mais si on se quitte, qu’est-ce que je deviendrai, moi, avec mon salaire à temps partiel et ma pension riquiqui… ? — Il fut un temps où c’est toi qui voulais la séparation, tu te sentais étouffer, tu n’avais aucune autonomie…. — Oui, bon, ça n’a jamais été le grand amour, mais quand même, ça allait… Mais lui prétend que dès le début, je ne faisais pas attention à lui, qu’il a dû s’adapter à mon langage, mes intérêts, mes parents, mes amis… que je méprisais sa culture, franchement, comment pourrais-je la mépriser ? Je ne la connais même pas. Et maintenant, j’ai l’impression qu’il se venge. Il réagit comme un parvenu, voilà ! Il dit que je ne fais aucun effort, que quand on est avec ses amis, je ne m’intéresse pas à leurs conversations… Une fois, après une dispute, il m’a même lancé qu’il doutait de mes capacités intellectuelles à comprendre leurs discussions. Mais c’est vrai que je m’ennuie avec leurs histoires de foot et de bagnoles ! Des fois j’ai l’impression que nous ne parlons pas la même langue… Et c’est encore pire depuis qu’il fréquente sa formation de N-VA… vous savez bien, ce truc de Nouvelle Vie Active… — Moi je dis que dans certains cas, il vaut mieux se séparer que s’accrocher, ça devient pathétique… Quand je t’écoute, je me demande ce qui vous retient encore ensemble… — Eh bien, comme tous les couples : les enfants et les dettes ! Bon, c’est vrai, on aurait fini par divorcer de toute façon, la désunion est sans doute irrémédiable… Mais il ne me laisse même pas le temps de réfléchir, de m’organiser. Avec la nouvelle procédure, il suffit d’un an de séparation pour que le divorce soit prononcé, même si l’autre partenaire n’est pas d’accord. Et il est parti de la maison le 10 juin… — Remarque, la nouvelle loi prévoit aussi qu’il te verse une pension alimentaire durant une période équivalente à celle de votre mariage. Depuis le temps que vous êtes mariés, tu as le temps de voir venir ! — Oui, mais quand même, c’est triste, après 177 ans de mariage!»