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Europe : les peurs et les défis

« Peur de l’avenir, peur de l’ailleurs ont nourri un votre protestataire à la fois social et national » : ainsi un politologue français résumait-il la victoire écrasante du « non » au referendum sur le traité européen. La situation de la France était certes particulière avec un « non » marqué à gauche et une exaspération politique manifestée par de nombreux mouvements sociaux et des verdicts électoraux restés sans effet depuis 2002. Il n’empêche que peurs et protestation peuvent être partagés, avec nuances et spécificités, par d’autres peuples, comme les Hollandais viennent de le signifier. En France, la campagne avait déjà souligné la confusion des arguments politiques et la perméabilité des camps idéologiques mais dimanche soir sur les plateaux de télévision des sourires partagés et des grimaces communes témoignaient avec encore plus de force de la complexité mais aussi de l’incongruité de rapprochements contre-nature. Cela dit, seul le résultat compte, et tous les chiffres le confirment : la fracture sociale et générationnelle, notamment, l’emporte sur toute autre considération. Si le mot a encore un sens, c’est bien ici : la victoire du « non » est le résultat d’un vote de classe, même si la confusion du social et du national est lourde d’ambiguïtés. C’est en tous cas la leçon que doivent retenir tous ceux qui entendent incarner la représentation populaire. Il ne s’agit plus aujourd’hui de refaire la campagne référendaire, ni de disséquer les motivations spécifiques des électeurs français ou hollandais mais de réfléchir aux possibilités d’une Europe plus citoyenne, plus solidaire, plus sociale, comme le demandait d’ailleurs la gauche du « oui », comme la gauche du « non ». Le défi pour la gauche, en France particulièrement mais plus largement en Europe, est d’éviter des déchirements encore plus profonds qui l’exclurait pour longtemps du pouvoir au niveau national mais qui empêcherait aussi toute évolution vers une Europe moins libérale. La gauche de gouvernement doit entendre la protestation, la gauche radicale ne peut se limiter à la seule incantation. Cette réconciliation est la condition d’une autre Europe.