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A quoi sert Didier Reynders ?

Pour ceux qui l’ignoreraient, Didier Reynders est ministre des Affaires étrangères de l’État belge. C’est que seules quelques lignes de son action filtrent dans l’interview qui s’étale sur deux pleines pages du Soir du week-end dernier (24-25 février).
A propos de la Syrie, il se défend de ne pas être inactif : il est allé à Moscou rencontrer son homologue russe, à Sofia voir ses collègues européens, il a rencontré « la Turquie » (qui ? on ne sait pas trop), à New York, il a vu la représentante américaine du Conseil de sécurité, bref il a fait une « pression maximale » pour un cessez-le-feu. On salue le résultat de ce bras de fer. Tout cela en quinze jours, précise-t-il.

Et pourtant, il semble concentrer l’essentiel de son énergie sur la scène intérieure. Les élections approchent, communales d’abord, régionales ensuite, et il est temps de se positionner.
Sur la Ville de Bruxelles où son parti est au pouvoir avec les succès que l’on sait (le piétonnier, le stade national, le samu-social), il n’a qu’un mot à la bouche : la gouvernance qui passe par l’ouverture de « tous les placards », même avec le nouveau bourgmestre Philippe Close.
S’agissant de bonne gouvernance, le RER qui est une compétence de l’État fédéral, n’en-est-il pas un magnifique exemple ? On l’attend pour 2093 si les échéances sont respectées. Ou alors serait-ce envoyer la police au domicile de ces gens admirables qui accueillent chez eux les migrants fuyant la guerre ou la misère, suppléant ainsi à l’incurie de l’État fédéral ?

Mais c’est à la tête de la Région bruxelloise que Didier Reynders voit se dessiner son destin, une Région où son parti est « exclu depuis quinze ans ».
Pour ce faire, le voilà donner de grands coups de pied dans la fourmilière : mettre fin à « la mainmise du PS », sans exclure pour autant une alliance avec lui, restons prudent, et envisager un gouvernement avec la N-VA, ce dont il se serait entretenu lors d’un déjeuner avec Bart De Wever.
Il annonce même qu’en cas de victoire, le soir des élections, il « organisera les négociations ».
Bref tout est place pour un atterrissage régional en douceur de l’homme politique providentiel qui n’aura pas quitté en vain Liège pour Uccle, patrie de la bonne gouvernance.

Didier Reynders s’ennuie-t-il à son poste de ministre des Affaires étrangères, est-il fatigué de passer son temps dans des avions pour participer à des réunions internationales où sa voix compte si peu face à celles des grandes nations qui dominent le monde ? En a-t-il assez des humiliations subies par l’enfant réduit au silence par les adultes lorsqu’ils parlent à table ? Est-il blasé d’accompagner le Roi et la Reine dans des visites lointaines où aux banquets interminables succèdent les obligations du protocole ?
C’est vrai qu’on ne voudrait pas être à sa place et on comprend son envie de se recaser ailleurs.

Mais pourquoi diable s’accrocher à ce point au pouvoir comme à une sorte d’addiction ? Est-ce qu’un jour on cessera d’entendre la voix de Didier Reynders s’inviter dans notre salon par le biais de la radio ou de la télévision pour nous entretenir de la bonne gouvernance ?
J’ai l’impression que, déjà dans le ventre de ma mère, j’entendais la voix de Didier Reynders (comme celle d’Elio Di Rupo ou de Laurette Onkelinx). Quand j’en parle à mon psy, il m’objecte que cela lui semble impossible puisque Didier Reynders a quelques années de moins que moi. Je ne peux lui donner tort mais j’avoue que cette voix me hante depuis la nuit des temps. Et je crains que ce ne soit pas fini.

Durer le plus longtemps possible, surseoir à sa propre disparition, telle est la préoccupation centrale de l’homme politique qui ne vaut pas que pour les dictatures car le pouvoir n’existe pas sans la peur de le perdre. Didier Reynders en est un vibrant exemple. Nous le rappeler jour après jour, c’est, en définitive, à cela qu’il sert.