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Afghanistan : une guerre pour rien ?

© U.S. Navy
14 avril 2021 : le président Joe Biden confirme le retrait des troupes américaines d’Afghanistan d’ici le 20ème anniversaire des attentats du 11 septembre.

Ce texte de la « chronique américaine » a paru dans le n°116 de Politique (juin 2021).

Si les décisions du président Joseph Biden en matière de santé publique, de vaccination et de lutte contre la pandémie représentent une rupture avec son prédécesseur, dans d’autres domaines, il n’y a pas ou peu de changement dans la continuité, notamment par rapport à la guerre en Afghanistan qui approche de son 20e anniversaire ! Un conflit qui commence avec George Walker Bush (2001-2009) pour lutter contre le terrorisme : le pays est à l’époque dirigé par les Talibans qui abritent sur leur territoire plusieurs bases du groupe Al-Qaïda, responsable des attentats du 11 septembre 2001. La guerre n’a jamais cessé et entre petites victoires, pertes et prises de territoires, exécutions extra-judiciaires (avec des drones) et promesses de retrait des troupes américaines sous Barack Obama, on a progressivement vu apparaître dans les milieux diplomatiques le dangereux oxymore « Talibans modérés ».

Un taliban modéré… c’est quelqu’un avec qui on peut collaborer d’après certains stratèges, mais c’est sans doute aussi quelqu’un qui lapide dans le strict respect des droits humains, qui impose la burqa dans une perspective de pluralisme vestimentaire, qui ferme les portes des universités aux femmes, et qui valide les attaques à l’acide lorsque son auteur est pétri d’honneur… La question était très sérieuse entre 2009 et janvier 2017 parce que l’idée même qu’un taliban puisse être modéré aux yeux de l’administration Obama rappelait une fois de plus à quel point les interventions en Irak et en Afghanistan ne sont pas animées par la conquête des droits de l’Homme mais par d’autres enjeux, au-delà des étiquettes politiques partisanes et des programmes. La question reste délicate aujourd’hui car elle fait écho au discrédit qui accompagne les hauts responsables politiques lorsqu’ils justifient leurs décisions au nom des valeurs démocratiques, une partition que n’a d’ailleurs pas jouée Donald Trump, celui-ci préférant rappeler cyniquement que les relations internationales et l’argent ne connaissent pas les droits fondamentaux.

Lorsque les troupes américaines quitteront l’Afghanistan d’ici le 11 septembre 2021 (décision prise par Trump et maintenue par Biden), la guerre américaine aura duré près de deux décennies et se sera étendue sur quatre présidences. C’est la plus longue guerre de l’histoire des États-Unis qui aura coûté près de 1 000 milliards de dollars (c’est plus que le plan de relance européen pour lutter économiquement contre les conséquences de la pandémie). Elle a tué plus de 2 000 soldats américains et, selon plusieurs décomptes, des centaines de milliers d’Afghans.

Tout oppose les Talibans au gouvernement actuel soutenu par les Occidentaux, les deux parties ne s’entendent ni sur un quelconque processus politique, ni sur le genre de pays qu’ils veulent promouvoir ! Demain, soulagés par l’arrêt brutal des opérations spéciales de l’armée US, les Talibans reprendront le contrôle du pays face à un gouvernement affaibli qui va s’effondrer, et avec qui ils ne seront même plus contraints de négocier. Ce sera le grand retour des lynchages publics, des mains coupées, des lapidations et autres barbaries, en attendant les Russes et les Chinois qui vont s’engager à leur tour contre le futur/ancien régime des Talibans.

(Image de la vignette et dans l’article sous CC-BY 2.0 ; soldat américain patrouillant en Afghanistan en 2011, prise par un photographe anonyme de l’US Army.)