Retour aux articles →

Construire des politiques socio-écologiques pour l’après-corona

Beternacorona
Beternacorona
Ce texte est un appel à débat pour une politique socio-écologique après la crise du coronavirus signé par onze médias et groupes de réflexion flamands[1.Aktief, Apache, DeWereldMorgen, De Gids op Maatschappelijk Gebied, Furia, Kifkif, Lava, Minerva, MO*, Oikos, Sampol.] qui ont lancé, en temps de confinement, l’idée de réfléchir ensemble, de manière approfondie et prospective, à la manière dont ce pays complexe, cette Union européenne chancelante et ce monde divisé peuvent devenir meilleurs après la crise du coronavirus. Par meilleur, il faut entendre plus social et plus écologique. Ce que cela signifie et comment y parvenir : ce sera l’objet d’un débat animé qui doit traverser les frontières communautaires et régionales.

La crise du coronavirus change tout. Ce qui était impensable hier semble aller aujourd’hui de soi. En tant que société, nous redécouvrons ce qui est essentiel : la solidarité et la santé. En tant que personnes, ce qui nous est cher nous manque : les rencontres et le fait d’être ensemble. La crise remet les priorités dans le bon ordre : l’économie est là pour les gens, et non l’inverse. Cela semble acquis, mais ce n’est pas suffisant.

Avec la crise du coronavirus, des mesures sans précédent sont prises pour maintenir l’économie à flot, sauvegarder les emplois, garantir un revenu aux personnes. Ce sont des objectifs légitimes. Mais l’injection de fonds la plus importante depuis des décennies doit aussi répondre aux grands défis sociétaux que cette pandémie a mis en évidence : la crise climatique et l’effondrement de la biodiversité, les inégalités croissantes, les mauvaises conditions de travail et la sécurité de l’emploi et des revenus, la protection sociale sous pression, ainsi que la tâche de construire une société inclusive avec une super-diversité[2.Le concept de « super-diversité », très utilisé en Flandre, indique qu’il y a de la diversité au sein de la diversité et que celle-ci ne se réduit pas à de grands groupes homogènes. (NDT)]. Investir massivement dès maintenant dans des emplois verts, des infrastructures durables, les soins et l’éducation, ainsi que dans la lutte contre la pauvreté et l’exclusion, nous aidera à sortir plus forts de cette crise.

La pandémie met en évidence un système défaillant

Cette crise met en évidence les faiblesses structurelles du système économique actuel. La production et les chaînes d’approvisionnement mondiales sont incapables de répondre à une demande exceptionnelle. Elles continuent à faire appel à des emplois « flexibles », dans le Nord comme dans le Sud. Les économies réalisées dans le domaine des soins de santé ont pour conséquence le triplement du budget que les ménages doivent y consacrer. Les personnes en situation de pauvreté sont encore plus dans le besoin. Mis à l’écart, l’étranger reste invisible. Sans la sécurité sociale, sans les nouvelles initiatives citoyennes de solidarité, la misère provoquée par la pandémie serait encore plus grande.

>>> Notre numéro spécial “COVID19 Tout repenser” (160 pages, juillet 2020)

Selon le Groupe international d’experts sur le climat (Giec), au rythme actuel d’émissions de gaz à effet de serre dans le monde, il ne reste plus que dix ans avant que le budget carbone ne soit épuisé pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré. Il s’agit d’une date limite pour la mise en œuvre d’un plan d’avenir de grande envergure, en fonction de quoi des choix clairs devront être faits. Chaque euro investi d’argent public doit être utilisé dans cette perspective.

La crise du crédit de 2008 a déjà montré que le système actuel n’est plus en mesure de garantir la prospérité, le bien-être, la santé et la liberté de la majeure partie de la population mondiale. Les marges financières qui sont actuellement dégagées ne peuvent encore nous enfermer pour dix ans dans une industrie et une économie dominée par le capital financier ou alimentées par les combustibles fossiles. Des politiques tournées vers l’avenir doivent être mises en œuvre pour permettre et accélérer une transition juste.

Attendre, c’est perdre

S’en remettre à plus tard pour élaborer un tel plan est un moyen très sûr pour que rien ne change. Maintenant que l’impuissance de l’ancien système est devenue manifeste, il est urgent de créer une économie pour tous les êtres humains, dans les limites de la planète. Le moment est également venu de donner un nouvel élan à la démocratie, en impliquant toutes les forces vives de la société civile. Les #tousensemble de la crise du coronavirus doivent se traduire en accords sociaux et dans les structures économiques.

Après tout, les crises majeures sont souvent le signe avant-coureur de changements sociaux majeurs. Après la Première Guerre mondiale, grâce au mouvement social, il y a eu la journée de huit heures et le suffrage universel masculin. La Grande Dépression des années 1930 a apporté le New Deal aux États-Unis et, juste avant la fin de la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement, les employeurs et les syndicats de notre pays ont conclu le Pacte social. Cela a jeté les bases du modèle social d’après-guerre et du suffrage véritablement universel.

C’est clair : en 2020, il faut un nouveau type d’accord, un Green New Deal ou un pacte social-écologique, où les citoyens et les gouvernements, les travailleurs, les entrepreneurs et les indépendants, les associations et les citoyens volontaires peuvent se serrer les coudes. Cela pourrait également créer une dynamique qui fera à nouveau avancer le pays. Cela ne signifie pas qu’il n’y aurait plus de divergences d’opinion ou de visions différentes de l’avenir, mais plutôt que nous reconnaîtrions à nouveau l’importance d’un terrain d’entente suffisant et que nous placerions l’intérêt général au premier plan.

Appel à la recherche, au débat et au dialogue

Que faut-il pour organiser notre société de manière à ce que les personnes, la société et la nature soient respectées, que chacun ait les mêmes droits et les mêmes possibilités de construire une existence digne  ? Nous ne proposons pas de plan, mais nous lançons un appel aux universitaires, aux services d’études des associations et des partis, aux groupes de réflexion, aux organisations et aux citoyens. Ils doivent alimenter le débat avec des propositions chiffrées et bien pensées, avec des idées pour le court terme et des visions pour le long terme, avec des propositions praticables et des changements indispensables – qu’évidemment les gardiens du statu quo essaieront de rejeter comme utopiques.

Voici sept domaines qui, selon nous, devraient être abordés dans le débat.

1. Un gouvernement fort sera nécessaire pour garantir une économie durable. Le gouvernement doit-il prendre lui-même des initiatives économiques  ? De quelle manière le gouvernement consultera-t-il les différents secteurs économiques et les mouvements de citoyens afin de tracer une voie durable pour l’avenir  ? Comment pouvons-nous garantir que la sécurité sociale, la fourniture de services universels et la politique de relance écologique puissent être suffisamment et équitablement financées  ?

2. Une société civile dynamique fait partie de l’indispensable patrimoine culturel en Flandre et en Belgique. Quel rôle cette société civile peut-elle jouer dans le développement de nouveaux modèles économiques et dans le renouvellement de la participation politique  ? Quelles initiatives le gouvernement devrait-il prendre pour soutenir ces initiatives de base  ? Comment une concertation sociale forte peut-elle contribuer à une société meilleure  ?

3. L’économie a besoin d’une nouvelle boussole. Quelles sont les formes d’entreprise les plus susceptibles de stimuler la création de valeur ajoutée sociale et écologique  ? Comment faire en sorte que le nombre croissant de salariés à statut précaire bénéficie à nouveau d’une meilleure protection sociale  ? Quels sont les investissements nécessaires pour une transition juste de l’économie  ?

4. Les inégalités nuisent à la cohésion sociale, sapent les structures sociales et empêchent une politique climatique efficace. Comment réduire les inégalités de revenus et de richesses  ? Comment renforcer la sécurité sociale pour tous  ? Comment assurer l’égalité pour les personnes et les groupes qui sont exclus en raison de leur origine, de leur religion, de leur genre, de leur orientation sexuelle, de la couleur de leur peau  ? Comment renforcer la participation politique et sociale des personnes à faible capital culturel et financier  ?

5. Un avenir meilleur est une question de liens, et pas seulement de biens. Comment combiner de façon optimale le travail rémunéré, la vie de famille, le développement personnel et l’engagement dans son cadre de vie  ?

6. Une mondialisation juste, plus de coopération. Comment les accords commerciaux internationaux peuvent-ils être conclus en mettant en avant la dimension sociale-écologique  ? Que faut-il pour transformer les inégalités historiques entre pays et régions en une coopération libre et égalitaire ? Comment passer d’un marché mondial à une économie résiliente  ? Et comment travailler à un accord climatique applicable à l’échelle mondiale  ?

7. Les emplois et les investissements verts doivent être aujourd’hui une priorité. Quelles initiatives méritent ces investissements et comment garantir l’intégration sociale et culturelle de ces mesures  ?

Les contributions au débat que nous appelons de nos vœux utilisent le hashtag #BeterNaCorona. Cela rendra possibles leur fertilisation croisée et leur approfondissement.

> Lire le texte original en néerlandais. Traduction : Henri Goldman.