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« Ce sont les entreprises qui créent l’emploi »

« CE SONT LES ENTREPRISES QUI CRÉENT L’EMPLOI » : Cet énoncé, sans cesse répété, a comme corollaire, « on ne crée pas l’emploi par décret ». Au cœur du néolibéralisme, ces deux assertions justifient la nécessité de « faire confiance aux entreprises », de les exonérer des cotisations sociales et d’alléger la fiscalité qui est supposée peser sur elles. Il suffirait pourtant d’observer ce qui se passe autour de soi ou d’examiner les statistiques pour se rendre compte de la fausseté de ces deux assertions : les entreprises détruisent l’emploi qui, précisément, est créé par décret. En Belgique, au cours des dernières années, le secteur qui a connu l’augmentation d’emploi la plus élevée est celui des titres-services qui compte quelques 150 000 emplois équivalents temps plein. Par contre, l’emploi industriel privé ne fait que rétrécir à coup de délocalisations, restructurations, dégraissages et assainissements. C’est pourtant par décret que les emplois et les entreprises de titres-services ont été créés alors que le secteur privé supprime massivement des emplois qualifiés, affectés à des productions utiles et mobilisant l’ingéniosité, le savoir-faire et, faut-il ajouter, les projets de vie des travailleurs. Les entreprises recourent aussi massivement au travail intérimaire et précarisent leur propre main-d’œuvre. Les emplois créés en compensation par les politiques publiques, souvent à temps partiel ou temporaires, sont aussi dans beaucoup de cas de moindre qualité. Si bien que l’emploi , en raison même des politiques publiques, ne diminue pas mais augmente alors que la qualité des emplois se détériore. Dans un article récent, Frédéric Lordon[1.« Les entreprises ne créent pas l’emploi », Le Monde diplomatique, mars 2014.] explique que les entreprises et les entrepreneurs ne créent pas d’emploi mais se font concurrence pour capter des parts de marché, c’est-à-dire des fractions de la demande. Les entreprises tentent de capter les commandes et de les convertir en emploi . Or, écrit Lordon, l’évolution de la demande est liée à la conjoncture et celle-ci dépend en grande partie des mesures et des politiques macro-économiques des pouvoirs publics. C’est pourquoi, en matière de création d’emplois, on se tourne d’ailleurs vers les pouvoirs publics et non vers les entreprises . Celles-ci sont sollicitées pour ne pas délocaliser, limiter les restructurations, respecter des durées de préavis et élaborer des plans sociaux. À présent, suite à tant d’années de restriction salariale et de stagnation du pouvoir d’achat, nous sommes menacés par la déflation. L’heure n’est donc pas à « faire confiance aux entreprises » et à prôner « la pause des salaires », mais à doper la conjoncture en relançant l’activité et le pouvoir d’achat.