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Chronique d’une taxe annoncée

Lors de l’élaboration du budget 2009, le gouvernement fédéral a voulu instaurer une taxe sur les billets d’avions, ainsi qu’il en existe déjà chez nos voisins, aux Pays-Bas ou en France, pour un gain escompté de 133 millions d’euros. Si cette proposition avait reçu le soutien enthousiaste d’associations de riverains de l’aéroport de Zaventem, elle s’est, sans surprise, attiré les foudres des dirigeants de l’aéroport et des aéroports régionaux. Mais c’est l’opposition déterminée des gouvernements régionaux, et particulièrement du gouvernement wallon, qui aura eu raison de cette proposition ; si la Flandre montrait quelque inquiétude pour la croissance de l’aéroport de Zaventem, dont elle a fait le cheval de bataille de son développement économique, la Wallonie a véritablement tremblé – et plié – devant la menace de Ryanair de quitter Charleroi pour des horizons fiscalement plus avantageux. Il est cependant permis de douter de la réalité de la menace, tant les conditions mises pour accueillir la compagnie irlandaise à Charleroi lui sont favorables. Il est aussi permis de douter qu’une taxe aussi légère aurait entraîné une baisse sensible du nombre de voyageurs : les surtaxes aux billets régulièrement imposées par les compagnies ces dernières années pour faire face à la hausse des prix du kérosène n’ont eu que très peu d’influence sur le volume de vente de ces billets. Reste que, pour le gouvernement wallon, il y aurait eu de l’incohérence à soutenir la proposition d’une taxe sur les billets d’avions alors que tant d’argent public a été investi, dans une vision à très court terme, pour développer l’aéroport de Gosselies. C’est l’occasion de rappeler une fois encore que cet argent a été investi dans une activité économique fragile, qui génère relativement peu d’emplois et est extrêmement dommageable pour l’environnement : ce n’est pas le transport aérien qui soutiendra la croissance économique wallonne… En attendant, un billet d’avion est, grâce au soutien des pouvoirs publics, moins cher qu’un billet de train alors que par passager transporté il consomme 25 fois plus de carburant ! Ce qui choque dans cette saga de la taxe annoncée puis annulée c’est l’utilisation de l’argument selon lequel les ménages à petits revenus, qui seraient les clients principaux des vols low cost, se verraient privés de vacances ! Cela rappelle les propos (faussement) attribués à la reine Marie-Antoinette : «S’ils n’ont pas de pain, qu’ils mangent de la brioche», devant le peuple venu réclamer du pain… Les factures d’énergie deviennent impayables, se loger décemment impose de sabrer dans d’autres postes budgétaires aussi essentiels que l’alimentation ou les soins de santé, mais l’essentiel est sauf : Ryanair peut continuer à proposer à tous, y compris à ceux qui n’ont pas les moyens de prendre des vacances, que ce soit en avion ou en caravane, des billets d’avion pas chers… L’échec de l’instauration d’une taxe sur les billets d’avion ne doit pas faire oublier que, tôt ou tard, il conviendra d’instaurer une taxe sur le kérosène. Dans le contexte actuel, il devient de plus en plus difficile d’expliquer que le kérosène échappe à toute taxation, alors que le mazout de chauffage, lui, reste frappé d’une TVA de 21 %…