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Conclusion : Roulez, jeunesse !

« Lorsque les pères s’habituent à laisser faire les enfants, lorsque les fils ne tiennent plus compte de leur parole, lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter, lorsque finalement les jeunes méprisent les lois parce qu’ils ne reconnaissent plus au-dessus d’eux l’autorité de rien ni de personne, alors c’est là en toute beauté et toute jeunesse le début de la tyrannie. »

En travaillant sur ce dossier, nous sommes retombé·es sur cette citation extraite de La République de Platon, preuve s’il en est que les jeunes terrorisent depuis des siècles ! À rebours des discours qui les concernent et qui se construisent à leur place, ce dossier a essayé de leur donner un maximum la parole et de se mettre à leur écoute. Une majorité de jeunes s’y expriment, et quand nous avons interrogé des expert·es, nous les avons choisi·es pour leur travail au plus près des jeunes, telle la chercheuse Heidi Mercenier qui a organisé des focus groups apportant les nuances sur ce qu’il convient d’appeler la désillusion des jeunes face à la politique. Les jeunes ont des rapports complexes et divers avec la politique qui ne sont pas toujours correctement appréhendés par les autres générations. Ils et elles sont parfois renvoyé·es à leur manque d’expérience et de connaissance à ce sujet. Pourtant, même si certain·es en connaissent moins bien les arcanes, les jeunes – en particulier celles et ceux issu·es de familles vivant dans des conditions socio-économiques défavorisées – appuient leur rapport à la politique sur leurs expériences des politiques publiques au quotidien.

Nous l’avons appris dans ce dossier : regarder les jeunes générations droit dans les yeux et leur donner la parole, c’est entendre leurs colères incendiaires, leurs joies débordantes et leurs peurs mobilisatrices face aux enjeux énormes qui pèsent sur leurs épaules et auxquels les jeunes font désormais face très tôt dans leur vie : rien que la seule crise climatique met en danger la survie de l’humanité elle-même. Comment encore parler du « temps insouciant de la jeunesse » dans ces conditions ? Face à cette menace pour leur avenir, ils et elles réinventent de nouvelles manières de faire collectif qui ne laisseraient personne derrière. Ils et elles questionnent les manières précédentes de lutter, c’est peut-être ce qui dérange tellement dans leurs mobilisations : elles renvoient à des limites, à des biais, à celles et ceux que la société – aussi dans sa composante militante – n’avait pas considéré·es. « Leurs réactions mettent en évidence la dimension de résistance à un ordre politique, social et policier qui laisse peu de place aux groupes vulnérables ou aux besoins moins reconnus », écrit Muriel Sacco dans nos pages.

Enfin, ce dossier nous aura montré nos propres limites en tant que revue. Sur notre manière de fonctionner avec souvent un manque de lien avec le terrain, à qui nous donnons encore trop peu la parole. Pour entendre les jeunes, il n’a pas été possible de faire autrement que de nous lier avec les associations de terrain, un travail que nous poursuivrons dans les prochains mois. Autre gageure pour Politique : le renouvellement et le rajeunissement de son lectorat. Nous espérons que notre évolution vers plus d’accessibilité dans nos pages nous permettra de toucher un public différent. Pour mieux parler de l’avenir avec celles et ceux qui, dès à présent, construisent d’autres futurs.