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Démocratie schaerbeekoise : esquisse d’un bilan

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Quel regard porter sur ces trente années de vigilance de Démocratie schaerbeekoise (DS) ? Quel fut son apport et ses limites sur le terrain communal et dans la pratique militante et participative plus généralement ?
Cet article a paru initialement dans notre n°116 (juin 2021).
Ce mouvement de citoyen·nes voulait d’abord transformer le climat profondément délétère de l’époque. Une fois acquises les démissions de Roger Nols en mai 1989 et des échevins de sa tendance, on put passer à une autre étape : faire en sorte que la démocratie participative contrôle et stimule en permanence la démocratie représentative. Un pouvoir surveillé est moins tenté par les dérives de toutes sortes.

Quelques éléments positifs

  • La production et la transmission d’une information critique, substantielle, indépendante de tous les pouvoirs, sur la vie politique locale. À cet égard, le trimestriel du mouvement a pleinement rempli son rôle.
  • L’approfondissement d’éléments, parfois très complexes, de la gestion communale, au cours des assemblées trimestrielles. Exemple : l’analyse du budget de la commune et du CPAS.
  • L’offre d’un espace démocratique disponible à des actions citoyennes locales ; ce qui a permis à DS de relayer et d’appuyer des initiatives d’autres organisations. Exemples : l’action contre le commissaire de police, Johan Demol, « Extrême droite, non merci ! », le problème de la distribution de tracts sans autorisation…
  • La sollicitation et la mobilisation, au moins temporaire, d’experts dans les divers secteurs de l’action politique.
  • La mise en lumière de certaines questions politiquement délicates et souvent taboues, telles que l’avenir de la piscine communale (Neptunium), la gestion opaque des associations paracommunales, les discussions bâclées au conseil de police, la création toujours retardée d’un poste d’ombudsman. Le travail permanent des membres de DS a ici vraiment porté ses fruits et a sans doute libéré la parole de simples citoyen·nes, par le biais notamment des interpellations de plus en plus nombreuses aux séances du conseil communal. Comme l’illustre la page de couverture de son périodique, DS a été « la mouche du coche » du pouvoir en place.
  • Démocratie schaerbeekoise, comme sas et tremplin pour certain·es de ses membres vers d’autres engagements politiques. Ainsi, une personne active de DS siégea plus tard comme échevine pendant 12 ans.

Des échecs ou des objectifs non atteints

  • La difficulté récurrente de DS à élargir sa base militante, à la renouveler, la rajeunir et à l’ouvrir aux diversités. Comme d’autres organisations sociales, DS a été confrontée aux types d’engagement spécifiques, selon les différentes classes d’âge. Le mouvement aurait pu connaître un nouveau départ avec une équipe plus jeune et aux modes d’action renouvelés. Ce ne fut guère possible, malgré une tentative qui dura près d’un an.
  • Le déménagement vers d’autres communes de personnes qui étaient très impliquées dans le mouvement.
  • Le nombre constant de membres cotisants au cours des trente ans d’existence, une première génération d’engagé·es cédant progressivement la place à d’autres. Il est clair que l’on a échoué à fidéliser la majorité des militant·es actifs/ves dans la longue durée, à part quelques exceptions. Ce constat s’explique sans doute par le fait que l’engagement citoyen est usant à long terme et qu’il offre peu de gratification psychologique : pas de mandat, ni de responsabilité officielle ou médiatisée, aucun avantage particulier… Et la nature même du positionnement politique distancié et non partisan avait pour effet de ne pas pouvoir développer des projets concrets comme le peuvent les militant·es de partis au pouvoir.
  • La faiblesse de la promotion et de la médiatisation de DS. Son action, probablement unique à Bruxelles (en Belgique ?), était peu ou mal connue. Ce dernier facteur est aussi la conséquence du choix de ne pas avoir « institutionnalisé » le mouvement. DS était une simple association de fait.

Transformations

Cette longue aventure citoyenne a été portée par des centaines de militant·es bénévoles, sans l’aide de permanent·es salarié·es et de subsides publics ou privés. Elle a certainement transformé les comportements et les pratiques de quelques mandataires publics de Schaerbeek. C’est là l’essentiel, qui n’est pas vraiment mesurable ! Les membres de DS partageaient la conviction que la démocratie est un bien trop précieux et fragile pour la laisser entre les seules mains des experts et des professionnels de l’action politique. Cette conviction est plus que jamais d’actualité en 2021.

(Image de la vignette et dans l’article sous copyright CC BY-NC-SA 2.0 ; photo de la Maison communale de Schaerbeek prise par John and Melanie Kotsopoulos le 23 septembre 2007.)