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Dewael traque la solidarité

Aider les «illégaux», est-ce punissable ? Bien sûr, affirme Patrick Dewael, le ministre de l’Intérieur. Le séjour illégal est un délit, et il est in-tolérable que l’on s’oppose à des décisions du pouvoir politique légitime. Non, s’indigne-t-on du côté de nombreuses associations et de mandataires publics progressistes. L’assistance est un acte d’humanité élémentaire, et même les «illégaux» (c’est-à-dire les étrangers sans titre de séjour) ont un droit incompressible à la dignité humaine. Débat absurde. L’article 77 de la loi du 15 décembre 1980 qui pénalise l’aide à l’entrée et au séjour des «illégaux» exclut explicitement les actes qui sont posés «pour des raisons principalement humanitaires». Et le ministre n’a aucune difficulté à reconnaître que la jurisprudence actuelle interprète les raisons humanitaires d’une manière très large. Raison pour laquelle il y a peu d’inculpations du chef de cet article 77. De toute façon, ces inculpations ne relèvent pas de l’injonction du ministre de l’Intérieur, ce dont il a toujours convenu. Cette polémique ne fait mousser que du vent. D’autant plus que l’autorité publique s’accommode parfaitement de la présence d’«illégaux» sur le territoire. D’une part, il y a tous ces demandeurs d’asile déboutés qu’on relâche dans la nature avec un ordre de quitter le territoire dans les cinq jours, simplement parce qu’ils sont inexpulsables faute d’un accord de réadmission avec leur pays d’origine. D’autre part, la police de quartier s’abstient soigneusement de contrôler des «illégaux» qui sont parfaitement identifiés comme tels mais qui ne constituent aucune gêne pour le voisinage. Toute cette population en sursis (on parle de 100.000 personnes dans tout le pays) vit au cœur de nos villes. Elle y bénéficie non seulement de tout ce que procure des simples relations de voisinage (l’épicier, le coiffeur, le Brico…), mais aussi du soutien légal de services publics : aide médicale et aide sociale, droit à l’enseignement pour les enfants mineurs (et même majeurs dans certains cas), soutien juridique, par exemple au Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme ou dans d’autres centres financés sur fonds publics. Si l’autorité publique souhaite expulser un «illégal», ceux qui lui permettraient d’échapper à son sort savent qu’ils commettent un acte de rébellion. On peut comprendre que le ministre de l’Intérieur ne l’accepte pas. Mais toute l’aide humanitaire dont on parle n’a aucun effet sur la mise en œuvre des expulsions. On n’a pas encore vu les comités de voisins qui aident les occupants d’églises à se chauffer, à se nourrir et à faire face sur le plan juridique s’opposer physiquement à des tentatives d’expulsion. Par contre, cette aide évite à ses destinataires de devoir recourir, pour survivre et tant qu’ils sont là, aux véritables exploiteurs de la souffrance humaine. Ceux-là n’agissent pas à visage découvert.