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Donald Trump s’en va, ses idées et ses électeurs restent

20 janvier 2021 : Joe Biden devient le 46e président des États-Unis, après 4 années qui ont affaibli les deux grands partis politiques du pays.

Ce texte de la “chronique américaine” a paru dans notre n°115 (avril 2021).

Si on écarte l’hypothèse selon laquelle Donald Trump aurait gagné les élections sans la pandémie – avec un bilan économique remarquable avant cette crise et un taux de chômage le plus bas depuis près d’un demi-siècle –, on ne peut que saluer la victoire de Joe Biden ! C’était sans doute le seul capable d’entrer en compétition avec un président qui, en seulement quatre ans, avait changé la façon de faire de la politique à Washington, et surtout profondément transformé le Parti républicain.

Les institutions ont résisté, mais pour combien de temps encore ? Un second mandat aurait probablement brisé des résistances épuisées par les excès et les abus de pouvoir permis par une lecture large de la Constitution et de ce qu’elle raconte sur les pouvoirs de l’occupant de la Maison blanche. Dans quelques années, on remarquera l’indépendance de l’armée qui a catégoriquement ignoré les demandes du président à plusieurs reprises, en s’accrochant à une longue jurisprudence en la matière. On retiendra l’autonomie des états fédérés et des gouverneurs, tous bien décidés à mettre des limites au pouvoir de l’exécutif fédéral, même dans les états dirigés par des élus républicains. On se souviendra aussi de la grande liberté des juges, à la fois à l’intérieur des systèmes judiciaires fédérés mais aussi dans le chef des juges fédéraux qui ont cassé de nombreux décrets présidentiels. Le système de poids et de contre-poids entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire d’une part, et l’équilibre des forces entre les états fédérés et le pouvoir fédéral d’autre part, ont à nouveau fait leurs preuves.

Les institutions ont résisté, mais il en va tout autrement des deux grands partis politiques américains. Le Parti démocrate n’a pas eu le temps d’intégrer les fortes divisions qui ont éclaté au grand jour lors de la primaire démocrate de 2016 qui opposait le camp de Hillary Clinton – l’aile droite et aristocrate du parti – et celui de Bernie Sanders – militant socialiste assumé, bien décidé à repositionner le parti à gauche de l’échiquier politique.

Rien n’a été réglé et, de ce point de vue, les militants les plus progressistes n’ont rien à attendre ni à espérer du nouveau président. Joe Biden, c’est Hillary Clinton mais avec cinquante ans de carrière politique, pas vraiment du sang neuf…

Le Parti républicain n’est pas dans un meilleur état mais les raisons diffèrent. L’aile conservatrice traditionnelle est de plus en plus minoritaire et invisible dans les médias. Le reste se divise entre, d’une part, la droite radicale qui a tenté de manipuler Donald Trump pour obtenir des baisses d’impôts, de la législation souple au niveau de l’environnement et des juges conservateurs à la Cour suprême. Et, d’autre part, l’extrême droite complotiste qui ira jusqu’à nier les résultats électoraux et dont les supporters finiront par envahir tragiquement le Capitole. Si cet épisode marquera peut-être une rupture entre Donald Trump et le Parti républicain, il pourrait aussi constituer le point de départ pour lancer un mouvement politique, voire un nouveau parti politique en concurrence directe avec ce dernier, malgré les démentis récents de l’ancien président.

Donald Trump est un entrepreneur, il a capitalisé sur le béton à Manhattan, sur ses hôtels et autres casinos, plus tard sur les spectateurs du show de téléréalité The Apprentice[1.Série américaine longtemps produite et présentée par Donald Trump avant son mandat présidentiel.], puis sur les électeurs du Parti républicain, et demain sur 75 millions de personnes qui ont voté pour lui le mardi 3 novembre 2020. 12 millions de plus qu’en 2016…

(Image de la vignette et dans l’article sous CC-BY-SA 2.0 ; photographie de Joe Biden prise en août 2019 par Gage Skidmore.)