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Ecolo : la défaite de l’impensé

Une fois n’est pas coutume, c’est peut-être à Freud, plutôt qu’à d’éminents politologues qu’il faut faire appel pour tenter de comprendre la défaite électorale d’Écolo ce 25 mai 2014 et redonner à l’écologie politique la place qui lui revient dans les débats contemporains. Notre hypothèse est en effet que le principal facteur explicatif de la défaite de 2014, ce sont les déroutes de 2003 ou de 2004, ou plutôt la peur de les revivre.

Or, on le sait, l’inconscient, fût-il collectif, ignore la négation : qui souhaite obsessionnellement ne pas ressembler à son père finira par lui ressembler à force d’accorder une importance excessive à cette peur.
C’est exactement ce qui est arrivé à Écolo au cours de ces cinq dernières années. Les grandes décisions stratégiques y ont été prises les yeux en arrière, paralysés par la crainte de la répétition et hantés par une lecture instrumentalisante de l’histoire du parti. La version qui en était servie focalisait l’explication de la double défaite de 2003 et 2004 sur les convergences de gauche, la particip’opposition (et donc, en filigrane le trop grand poids du débat interne et le manque de lisibilité et de prévisibilité qui en découlent).

Cette lecture univoque de l’histoire et la névrose de répétition qui l’alimentent ont surdéterminé la plupart des décisions stratégiques qui ont été prises au cours des cinq dernières années – ainsi que la manière de les prendre (au sein d’instances internes non élues et composées ad hoc). La position d’Écolo sur le traité budgétaire européen, inspirée à parts égales par Houdini et Talleyrand – contre au fédéral, pour dans les régions en arguant d’avancées très peu substantielles dans la transposition – illustre parfaitement notre hypothèse : la peur de répéter la démission d’Isabelle Durant en 2004 («sur un dossier auquel personne ne comprend rien»), une décision prise en petit comité qu’il a suffi d’imposer à un Conseil de fédération (le «parlement interne» du parti) de plus en plus croupion en rejouant de manière grotesque la comédie des «réalos» et des «fundis», ce Roméo et Juliette sans amour ni rebondissement.

Il ne s’agit bien évidemment pas de donner à la position sur le traité un poids électoral direct qu’elle n’a pas eu, mais de montrer comment, et avec quel background cognitif, se sont décidés les positionnements essentiels de ces dernières années. Le constat est d’autant plus regrettable que l’ensemble des instances et des militants du parti faisaient au même moment la démonstration de leur maturité politique en réussissant de très belle manière un processus de débat interne débouchant sur la rédaction d’un nouveau Manifeste. Rédigé de manière véritablement collective et suscitant des débats politiques aiguisés, il attestait une envie profonde de (re)discuter d’idéologie et la capacité de le faire de manière constructive.

Dans l’organisation de la campagne, c’est toutefois la peur de déplaire et l’incapacité à se positionner autrement que par triangulation qui ont repris le dessus. S’il est connu qu’on ne gagne pas des campagnes sur un bilan, il serait utile à Écolo d’apprendre qu’on ne les gagne pas non plus sur la peur de son ombre passée.