Retour aux articles →

Encore et toujours plus d’inégalités

En septembre 2021, la publication des données rassemblées par l’Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique (Iweps) a objectivé une douloureuse réalité. Scrutant seize années d’évolution socioéconomique – de 2004 à 2020 –, l’indice de situation sociale de la Wallonie (ISS) dévoile combien la richesse produite est loin de profiter à la situation socioéconomique des Wallonnes et Wallons.

Cet article a paru dans le hors-série n°31 de Politique (mars 2022).

L’ISS est un des indicateurs complémentaires au produit intérieur brut (PIB) développés par l’Iweps pour rendre compte du versant caché des indicateurs socioéconomiques classiques. Parmi les indicateurs complémentaires au produit intérieur brut (PIB) développés par l’Iweps, l’indice de situation sociale (ISS) pour rendre compte du versant caché des indicateurs socioéconomiques classiques[1. « Indice de situation sociale (ISS) de la Wallonie » (https://icpib.iweps.be) et « Indice de situation sociale de la Wallonie (ISS-8e exercice). Focus sur les impacts de la crise de la Covid-19 sur
les conditions de vie et les inégalités sociales en Wallonie », Rapport de recherche n°45, septembre
2021 (https://www.iweps.be).]. Huitième édition de l’indice, le rapport 2021 dresse le bilan du développement social wallon en comparaison avec l’évolution de son PIB par habitant. Il est le pendant de la mesure du « progrès économique », éclairant la situation sociale des Wallonnes et Wallons.

L’ISS est un indice global qui synthétise un ensemble d’indicateurs clés présentant deux dimensions d’analyse : les conditions de vie et la qualité de vie de la population régionale d’une part, et les déséquilibres socioéconomiques wallons, de l’autre. Ce croisement de données permet d’appréhender le niveau de bien-être et les écarts de qualité de vie au sein d’une population. Il s’intéresse tout particulièrement à l’évolution de ces groupes d’indicateurs dans le temps, et c’est ce qui rend sa lecture édifiante.

Le temps n’est pas un allié

Premier enseignement : la situation sociale en Wallonie s’est améliorée entre 2004 et 2019. Victoire ? Loin de là. Cette amélioration est proportionnellement moins forte que l’évolution du PIB par habitant. Ce dernier a, dans un premier temps, augmenté entre 2004 et 2008 alors que, parallèlement, la situation sociale se détériorait. La crise financière de 2008 – qui fut aussi économique et sociale, ne l’oublions pas – a mis fin à la progression du PIB et amplifié la dégradation de la situation sociale wallonne. La relance économique qui a suivi a temporairement amélioré tant la richesse économique produite (mesurée par le PIB) que la situation sociale (mesurée par l’ISS) wallonnes. Mais depuis 2016, l’ISS n’a cessé de baisser, alors que le PIB a continué sa progression.

Deuxième enseignement : les déséquilibres socioéconomiques ont, quant à eux, connu une augmentation continue depuis 2004, qui s’est d’ailleurs accélérée ces deux dernières années. Cela signifie que les inégalités entre différents groupes de la société wallonne ont empiré, dans l’accès à l’emploi ou au logement par exemple, et ce alors même que la richesse économique augmente.

Troisième enseignement, tiré des estimations pour 2020 : les premiers effets de la crise du covid-19 annoncent un renversement de tendance inquiétant. Certes, la situation sociale s’est améliorée, soutenue par les mesures gouvernementales durant la crise, alors que le PIB a chuté en raison de la contraction de l’activité économique. Toutefois, ce croisement des courbes cache une réalité alarmante. Non seulement, ces mesures de soutien n’ont absolument pas corrigé les déséquilibres socioéconomiques existants (en hausse continue depuis 2004), mais en plus, ces derniers continuent de s’aggraver.

L’Iweps conclut qu’en Wallonie, « la crise actuelle [NDLR : sanitaire] “se superpose” à une dégradation des déséquilibres socioéconomiques et des inégalités sociales préexistants »[2. Op. cit., p.69.], au détriment des populations les plus précaires. Il est temps d’en faire la priorité, il est temps de réinvestir les politiques de redistribution. Parce qu’en pleine crise énergétique, l’ISS – et la situation réelle qu’il met en lumière – s’apprête à dévisser.

(Image de la vignette et dans l’article sous CC BY-SA 2.0 ; photo prise à Namur et intitulée « the way to go« , par Alexandre Dulaunoy en décembre 2017.)