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Énergies renouvelables : quelles priorités ?

Les sources d’énergie renouvelables disponibles sur notre territoire (soleil, eau, vent, biomasse, cours d’eau, chaleur naturelle) permettent une production d’énergie qui dépasse largement les besoins de notre société. Cependant, leur exploitation à grande échelle requiert de l’espace là où la ressource est disponible. De ce point de vue, la Belgique est tributaire d’une densité de population importante et surtout d’un habitat fortement dispersé qui accentue les besoins en déplacement et qui occupe l’espace au détriment d’autres usages tels que l’agriculture ou des exploitations énergétiques. Une «bonne» gestion de l’aménagement du territoire est donc un paramètre-clé. D’une part, il s’agit de minimiser les besoins énergétiques qu’il engendrera pour les habitants (par exemple en favorisant les noyaux d’habitats plus denses, reliés par des transports en commun). D’autre part, il doit permettre une plus large exploitation des ressources locales en favorisant la production d’énergie décentralisée. Par exemple, investir dans des réseaux de chaleur stimule l’exploitation locale de la biomasse. Ou encore mieux adapter les réseaux électriques aux productions décentralisées augmente les possibilités de productions d’électricité verte.

Quels potentiels?

Malgré notre climat réputé maussade, le soleil nous fournit chaque année une énergie primaire brute de l’ordre de 1 000 GWh/km2. Cette énergie sous forme de lumière peut être convertie en chaleur (chauffe- eau solaires : 390 GWhth GWh est une unité d’énergie qui équivaut à 1 million de KWh (kilowattheure) ou 86 tep (tonne équivalent de pétrole). Quand il s’accompagne de «th», il s’agit d’une énergie sous la forme de chaleur (thermique). Quand GWh s’accompagne de «e», il s’agit d’une énergie sous la forme d’électricité.).. ou en électricité (modules photovoltaïques : 100 GWhe). Pour donner une idée concrète, l’installation de modules photovoltaïques sur 5 % de notre territoire (sur les toitures d’immeubles, d’entreprises, de maisons individuelles) permettrait de produire deux fois la consommation électrique actuelle de la Belgique ! Les vents qui soufflent sur nos campagnes dégagées et sommets de collines représentent une capacité de production électrique de 9 à 25 GWh/km2 par an. Le potentiel éolien au large de la côte (offshore) s’élève quant à lui de 17 à 39 GWh/km2. L’enjeu consiste à intégrer les parcs éoliens dans nos paysages et à tirer parti de cette puissante ressource en leur offrant de meilleures conditions de raccordement au réseau électrique et de mettre en œuvre les mécanismes de tolérance relatif à l’équilibre du réseau. La biomasse (énergie solaire transformée et stockée par photosynthèse dans les végétaux) met également à notre disposition une énergie primaire brute annuelle de 6 GWh/km2. Nos ressources (produits et sous-produits agricoles ou forestiers) peuvent être valorisées par des équipements de cogénération associée à des réseaux de chaleur. Cette combinaison pourrait couvrir une grande partie de nos besoins annuels en chaleur (3 à 4,8 GWth/km2) et en électricité (0,6 à 1,8 GWhe/km2). De nombreuses réalisations dans des noyaux d’habitats ruraux et urbains démontrent concrètement la faisabilité et l’intérêt de ce type de projets. La filière hydroélectrique, exploitée de longue date sur nos fleuves et rivières, peut augmenter – dans une moindre mesure – sa capacité de production et sa productivité, grâce notamment aux nouveaux développements technologiques tels que les nouvelles centrales flottantes développées par une PME liégeoise. Mentionnons également les possibilités qu’offriront demain nos ressources en courants marins, vagues et en géothermie. Elles méritent d’être étudiées pour en connaître les possibilités d’exploitation et, en ce qui concerne la géothermie profonde, leur capacité de renouvellement. Et enfin, à l’avenir les importations en énergies renouvelables pourraient s’accroître via les biocarburants, le bois ou l’électricité verte. Il est essentiel que les règles d’importation soient correctement définies pour ne pas pénaliser les activités locales, ni autoriser des exploitations «sauvages» hors de nos frontières.

Des choix politiques

Le Conseil européen s’est fixé, le 8 mars 2007, un objectif contraignant de 20 % d’énergies renouvelables dans la consommation énergétique totale de l’Union européenne en 2020. Les États membres se concertent actuellement pour définir leurs contributions respectives à cet objectif européen. Il revient donc au politique d’accompagner ce développement, compte tenu de nos potentiels, du territoire disponible, de la maturité des technologies et de la présence d’un secteur professionnel très actif. En Belgique, le secteur des énergies renouvelables – représenté par Edora, Apere et ODEVlaanderen – estime que les producteurs belges peuvent atteindre un premier objectif global de 25 % d’énergies renouvelables d’ici 2020 si le nouveau gouvernement fédéral met parallèlement en œuvre une politique volontariste en matière de maîtrise de la demande énergétique Lire notre Memorandum fédéral pour les énergies renouvelables, téléchargeable à partir des sites web des trois associations : www.edora.be, www.apere.org et www.ode.be. Une politique moins volontaire (business as usual) limiterait cet objectif à 15%. Dans un mémorandum commun pour la législature fédérale 2007-2011, le secteur des énergies renouvelables proposent 20 mesures basées sur l’expérience concrète de leurs membres. Plus ancien, mais toujours pertinent, le mémorandum régional 2004-2009 pour les énergies renouvelables Memorandum pour les énergies renouvelables 2004-2009, Apere, Belsolar, Edora, Valbiom. Téléchargeable sur www.apere.org propose un plan d’actions pour 8% d’énergies renouvelables en 2009 en Région wallonne. Le plan d’actions vise à accroître progressivement le taux des énergies renouvelables dans le bilan énergétique belge en permettant le développement de chacune des filières. Il s’agit de le rendre possible (soutien réglementaire, formation des professionnels, stimulation de la Recherche et Développement), de le rendre viable (soutien financier, investissement dans l’infrastructure tels que les réseaux électriques et les réseaux de chaleur) et de l’accompagner et de le faciliter (sensibilisation et information, actions symboliques ayant valeur d’exemple et objectifs accompagnés d’indicateurs de suivis statistiques). Les gouvernements régionaux, compétents en matière d’énergies renouvelables, disposent de plusieurs outils pour atteindre les objectifs annoncés. Par exemple, le mécanisme de marché des certificats verts a permis jusqu’à ce jour un réel essor de la production d’électricité verte en Région wallonne, mais la CWaPE Commission wallonne pour l’énergie, régulateur du marché de l’énergie en Région wallone (www.cwape.be).. constate aujourd’hui un risque de déséquilibre du marché des certificats verts qui serait dommageable à ce développement. Le secteur du renouvelable a interpellé le ministre compétent afin que les quotas soient dès à présent révisés à la hausse, comme le prévoit l’accord du gouvernement wallon de mars 2007, de manière à garantir la stabilité des investissements programmés dans le secteur. Le gouvernement fédéral dispose quant à lui de plusieurs compétences stratégiques pour le développement du secteur – telle que la fiscalité. Citons à titre d’exemple l’idée de créer un «tax-shelter environnemental » en faveur des investissements dans les énergies renouvelables, sur le modèle du mécanisme fiscal au profit du secteur de l’audiovisuel. De nombreuses autres mesures concrètes ont été proposées aux principaux partis politiques du pays via les mémorandums. Tout dépend désormais d’une volonté politique de les mettre en œuvre.