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Fin de crise, retour à la concertation

11 mai 2021 : un nouveau Comité de concertation décide de poursuivre les mesures de déconfinement en prévoyant l’ouverture de l’Horeca.

Ce texte de la “chronique politologique” a paru dans notre n°116 (juin 2021).

Ce comité de concertation marque un tournant dans la gestion de la pandémie depuis qu’Alexander De Croo et Frank Vandenbroucke ont repris la main en octobre dernier. Les mesures décidées sont bien entendu notables, mais c’est la manière dont elles ont été prises qui attire l’attention. Le fait que le ministre fédéral de la Santé n’assiste pas à la conférence de presse qui a suivi est probablement révélateur de ce changement.

Pour la première fois depuis l’automne, les politiques ont clairement repris la main sur le processus de décision, renvoyant les experts à leur simple rôle de conseiller. Les décisions du 11 mai sont bien le produit d’arbitrages politiques et non plus dans la droite ligne des rapports scientifiques qui semblaient jusqu’alors nourrir la concertation, quitte à ce que le Codeco passe pour une chambre d’entérinement des recommandations du Gems (groupe d’experts chargés de conseiller le gouvernement sur les questions sanitaires).

Ces sept derniers mois, le gouvernement fédéral, ou plutôt le tandem De Croo-Vandenbroucke, a pris sans conteste le leadership de la gestion de la crise du covid-19. On a pu s’interroger sur la raison d’être des comités de concertation qui, bien qu’impliquant également les entités fédérées, paraissaient taillés sur mesure pour leur faire avaliser des décisions préparées sans elles.
Maintenant, nous nous retrouvons en terrain connu, celui de la concertation et du compromis à la belge. Finalement, un déconfinement, ce n’est jamais qu’une sortie de crise. En Belgique, pendant une crise, qu’elle soit politique ou communautaire ou maintenant sanitaire, on retient son souffle, on désigne un leader (qu’on appelle informateur, formateur, démineur…) et on le laisse jouer le chef d’orchestre, appliquant sa propre méthodologie avec plus ou moins de succès. Alexander De Croo a joué la partition qu’il avait répétée avec Paul Magnette fin septembre et qui leur avait permis de former un gouvernement en un temps éclair. Dans le cas présent, son approche est scientifique et par là, d’une certaine manière, indiscutable. Il n’avait certes pas choisi la stratégie zéro covid, mais chaque mesure pouvait trouver sa justification dans les travaux du Gems.

Une fois l’accès de fièvre passé, les atavismes reprennent le dessus. Bien sûr, les jours précédant les Codeco, les responsables des partis ou certains ministres s’exprimaient dans la presse et formulaient différents souhaits, mais tous semblaient se ranger derrière le Premier ministre et son ministre de la Santé lors de la conférence de presse. Désormais libérés des obligations de prudence et de collégialité imposées par la crise, les responsables politiques ont le champ libre. Ils pourront dès lors marchander des mesures de nature différentes, accommodant probablement plusieurs groupes d’intérêts (l’horeca, les festivals…). Cette liberté (de ton) retrouvée devrait durer aussi longtemps que ce répit dans la crise sanitaire le permet. Dès les signes avant-coureurs d’une quatrième vague, Frank Vandenbroucke endossera à nouveau son costume de professeur et Alexander De Croo celui de vulgarisateur. Leur duo s’évertuera alors une nouvelle fois à aplatir la courbe des contaminations.