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Flexisécurité

Flexisécurité : combinaison de flexibilité pour les employeurs (facilité de licenciement), de sécurité pour les salariés (montant élevé des indemnités de chômage) et de politiques actives de l’emploi, la flexisécurité est assimilée au modèle danois. À première vue, hors le mot érigé en modèle, rien de neuf dans la flexisécurité. N’est-ce pas la sécurité des salariés (indexation des salaires, sécurité sociale, négociation collective) qui avait permis, durant les « Trente glorieuses », la flexibilité de l’emploi nécessaire à l’incorporation de technologies nouvelles et à l’accroissement de la productivité ? Ce compromis avait été appelé « fordisme » ou « compromis social-démocrate », par les économistes régulationistes. Dans les années 1990 le mot flexisécurité fait son apparition au Danemark. Après la chute du communisme, la social-démocratie s’était ralliée au libéralisme et les libéraux avaient cru à la fin de l’histoire. En 2000, au Conseil européen de Lisbonne, la flexisécurité sera érigée en modèle danois préconisé pour l’Europe entière. Le Danemark remplace ainsi dans les esprits les « modèles » suédois, rhénan, japonais et américain célébrés auparavant, au moment précis où ce pays brade les acquis de la social-démocratie. Les abandons des sociaux-démocrates au gouvernement sont élevés au rang de modèle à l’usage des autres. Prémunir l’emploi des incertitudes du marché (sécurité) était précédemment la contrepartie de son adaptation aux contraintes industrielles (flexibilité). À présent, la flexisécurité soumet les deux termes de la relation d’emploi au marché. Il ne reste dès lors de la sécurité que le mot vidé de son contenu, tandis que le travail conduit à la précarité. Le ralliement des socialistes scandinaves au libéralisme aura eu, comme ailleurs, des effets délétères sur l’État social dont ils avaient été les artisans. C’est ainsi qu’au Danemark la promotion des vertus du marché habillé en flexisécurité aboutira à les chasser du pouvoir. Après la déception engendrée par les conservateurs, le retour au gouvernement des sociaux-démocrates, acquis à la flexisécurité incarnant les « mesures structurelles » promues désormais par l’UE, poursuivra la précarisation mise en œuvre par les politiques publiques. Le gouvernement social-démocrate accusé d’offrir des allégements fiscaux aux entreprises au détriment des allocations sociales et du service public voit en conséquence sa popularité s’effondrer. Selon les derniers sondages (mars 2013), le Parti du peuple danois (extrême droite xénophobe) qui se positionne, depuis sa création en 1995, sur la défense des retraités et des démunis devient avec 17,8% des intentions de vote premier parti, reléguant, à mi-mandat, la coalition de centre-gauche au deuxième rang avec 16,5% Le Monde, 15/3/2013. Tout comme le parti socialiste, la direction du puissant syndicat LO est également fragilisée. Des « syndicats jaunes » offrent des services aux adhérents avec une cotisation moindre et concurrencent les centrales traditionnelles. Le prix de l’abandon de l’État social payé par la social-démocratie, syndicat et parti confondus, risque d’être plus élevé que ne l’avaient prévu ses promoteurs. L’érection de la flexisécurité en modèle n’est rien d’autre que la célébration par la droite de la conversion de la social-démocratie au libéralisme. François Hollande s’est à son tour inscrit dans ce nouveau cours libéral du socialisme. Sous son impulsion, le patronat français et les syndicats dits réformistes (CFDT, CFTC et CFE-CGC) ont signé l’accord sur la flexibilité, devenu « loi sur la sécurisation de l’emploi » qui pérennise l’insécurité. Cet accord, rejeté par la CGT et FO, permet de licencier de façon plus rapide, plus facile et moins coûteuse. Pour la gauche gestionnaire, la flexisécurité est donc bien la certitude d’avoir des gouvernements impopulaires et des syndicats décrédibilisés dont les populistes ne feront qu’une bouchée le moment venu.