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“Images documentaires” : un regard politique

En dirigeant cette revue pendant vingt ans, j’ai appris qu’une ligne éditoriale ne se décrète pas à l’avance. C’est en regardant en arrière, en relisant les anciens sommaires, qu’on peut – peut-être  voir se tracer une ligne directrice et découvrir une certaine cohérence » : c’est par ces mots simples et justes que Catherine Blangonnet-Auer, directrice de la rédaction de la revue Images Documentaires ouvre le numéro qui célèbre les 20 ans de la publication[1.iDoc- Images Documentaires n° 75/76 – Décembre 2012 – .www. Imagesdocumentaires.fr->www.Imagesdocumentaires.fr.]. Rassurez-vous, Catherine, il y a une belle cohérence dans cette œuvre collective et tenace et vous en rappelez vous-même le sens exprimé par un regard extérieur, celui de Bernard Benoliel qui, en 2000, à l’occasion de la publication de votre numéro intitulé « Paroles ouvrières » écrivait dans Cinémathèque : « Voilà une revue trimestrielle qui, sans tambour ni trompette (…) vise rien moins qu’à parcourir le champ de toutes les productions documentaires avec les moyens, les ambitions et la pertinence – aujourd’hui bien délaissée – d’un regard politique ». Car c’est bien ce « regard politique » qui fonde le travail d’Images Documentaires : d’une manière ou d’une autre, les cinéastes, les critiques et/ou les théoriciens qui se retrouvent pour évoquer vos vingt ans l’expriment chacun avec leurs mots et leur approche de l’image pensée. Le cinéaste Jean Breschand nous dit comment le documentaire s’est développé comme un champ du cinéma qui a la vertu de construire notre relation à la réalité, comment il passe « conjointement par une déconstruction des fausses évidences, de toute conception ontologisante des activités humaines ou de l’historicité des événements et par l’ouverture sur un questionnement des modalités mêmes de la représentation audiovisuelle. C’est ce qui permet de dire que pour un documentariste la réalité est plus l’objet d’une énigme que d’une information ». La dualité est constitutive de la démarche documentaire : entre « actualité et inactualité » (Jean Breshand), « visible et invisible » (François Caillat), « présence/absence des corps » (Jean Louis Comolli). Une dualité toujours traversée par le triangle filmeur/filmé/ spectateur dans une terre d’engagement réciproque. Thierry Garrel, ancien responsable de l‘unité documentaire d’Arte et infatigable veilleur de sa planète évoque l’évolution du documentaire au cours de ces vingt ans passés : « Un chemin parcouru vers l’autonomie esthétique dans ses langages, en même temps qu’une centralité dans la société d’aujourd’hui » et ajoute que « dans un monde globalisé, scénarisé et contrôlé par le marché, les documentaires, en dépit de la frilosité récurrente des télévisions le plus souvent friandes de la répétition du déjà vu, font entendre des voix claires et indépendantes. On peut d’ores et déjà sentir se constituer une véritable planète documentaire réunissant créateurs et spectateurs, une planète solidaire, habitable où chacun aspire à sa mesure à devenir un protagoniste mieux éclairé et plus engagé ». Un regard politique, disent-ils… Que ce « montage » de la revue Images Documentaires vous donne l’envie d’explorer cette planète ou de la creuser un peu plus !