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Antisémistisme et médias

Début juillet, il avait eu l’affaire Marie L., cette jeune femme qui avait inventé de toutes pièces une agression antisémite dans le RER en France. Son récit non vérifié avait provoqué un emballement médiatique et politique sans précédent. Il y a quelques jours, c’est l’incendie d’un centre social juif à Paris qui reproduit un dérapage mediatico-politique, en train de devenir la règle. Du président de la république au maire de Paris en passant par un ministre israélien de passage, c’était la surenchère dans l’indignation et les appels à la fermeté avant même que l’enquête n’offre un signe sur le sens et la responsabilité de cet acte. Les policiers ont depuis placé un suspect en garde à vue : il s’agit d’un homme aidé par le Centre social appartenant lui-même à la communauté juive. Désormais tout principe de précaution a été abandonné en matière d’information, comme si cet emballement ne pouvait que se reproduire dans un système complexe où se mêlent les mécanismes du marché et de la concurrence, la confusion idéologique et le règne d’une nouvelle victimisation qui domine aujourd’hui les rapports sociaux et leur représentation médiatique. A Paris le président du consistoire a appelé la communauté juive et les politiques à un peu plus de raison, mettant en cause la «surmédiatisation» des actes antisémites et la précipitation des politiques qui craignent d’être accusés de ne pas en faire assez. Il faut lire aussi à ce sujet un remarquable texte d’Esther Benbassa, professeur d’histoire du judaïsme et publié dans Libération. Sous le titre «L’urgence de la prudence», Esther Benbassa nous livre une analyse aussi riche que rigoureuse de ces événements. Elle note en conclusion que sous le poids du conflit israélo-palestinien «les récentes manifestations de haine antijuive n’ont longtemps été évoquées que pour être imputés aux Arabo-musulmans». «Or, ajoute-elle, nos profanateurs ou nos simulateurs ne sont pas issus de ces milieux.» Et Esther Benbassa nous pose cette question essentielle: «Serons-nous capables, médias, politiques, intellectuels, leaders communautaires, simples citoyens de concevoir enfin et de nous imposer une éthique de la réaction qui ferait fi des pressions et des soupçons injustifiés? Pour sortir de la confusion et de l’hystérie, en veillant, sans cesser d’être ferme sur les principes, à la sobriété des images et à la retenue des propos, en ne sacrifiant pas l’analyse sur l’autel de l’émotion.»