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Introduction

Lorsqu’on parle de «coopération au développement» et/ou d’aide «humanitaire» ou «d’urgence», une série d’images (de clichés?) nous viennent à l’esprit. Celle des «bons» coopérants supposés travailler nécessairement à des projets amenant réellement et durablement des évolutions positives pour les peuples du Sud. Si tu donnes un poisson…mais si tu apprends à pêcher…Le slogan est connu. Ajoutez une touche «tiers-mondiste» au besoin si les États du Sud concernés se sont établis suite à une guerre de libération ou à une résistance à des régimes tortionnaires, voire à de visées impérialistes du Nord. Les autres sont les «gentils» humanitaires, supposés armés de bonnes intentions mais à courte vue, et caricaturés sur le mode «sos boîtes de lait» de mes jeunes années. Puis on peut penser aux campagnes 11.11.11 et aux critiques de la gauche à leur sujet, illustrées de façon frappante par une affiche où un riche du Nord verse une obole aux pauvres du Sud et de l’autre main récupère ce qu’il a donné. Mais voilà, cette gauche a maintenant intégré le Centre national de coopération au développement (CNCD) ; alors quoi? Quelles sont les pratiques qui vivent au sein des ONG qui concrétisent diverses formes de solidarités envers le Sud? L’analyse manichéenne scindant les actions à court et long termes est-elle légitime, au-delà des querelles de chapelle et des discours auto-justificateurs? La réalité des États du Nord comme du Sud a évolué depuis les seventies, celle des ONG aussi, celle des structures économiques mondiales itou. Néanmoins, le temps du paternalisme du genre «Peace Corps» est-il vraiment révolu? Si les peuples du Sud développent leurs propres organisations, et c’est certainement un signe tangible d’une réelle émancipation que d’aucuns espéraient en d’autres temps, sans nécessairement en anticiper les formes concrètes, certains acteurs du Nord éprouvent toujours des difficultés à sortir de leur rôle de bienfaiteur. Dans un contexte où les shows médiatiques continuent à fleurir (dernier en date sans doute, celui de l’utilisation de taxes d’avion pour financer des projets), d’aucuns définissent les structures de coopération ou d’aide comme «le cartel des bonnes intentions» Voir Le Monde de l’économie du 7 mars 2006..; ils se situent il est vrai au sein du Fonds monétaire international, un organisme qui n’a jamais brillé par une intervention émancipatrice et solidaire. POLITIQUE a voulu tenter d’y voir un peu plus clair, sans a priori, sans excommunications, dans le souci permanent de débat et de rejet des «consensus mous» qui est le sien. Comme tout voyage plus ou moins lointain, celui-ci commence à une porte d’embarquement avec un plan de vol. C’est Dominique Weerts qui sert de guide en cataloguant d’abord les différents courants d’ONG que le monde du Développement a connu, puis en interpellant ces acteurs sur le fondement de leur mission, non sans encourager à ouvrir de nouvelles portes. De son siège, Claire Leloup dresse un panorama des actions menées sur le terrain en réprouvant une tendance générale qui ne promeut pas assez un changement social des pays du Sud. C’est à terre que Marie-Soleil Frère a choisi de bourlinguer. Elle a sillonné l’Afrique et ses structures médiatiques. Et appuie le constat précédent en retraçant l’évolution d’un milieu professionnel qui manque singulièrement d’autonomie d’action, bringuebalé entre les mains de bailleurs mus par leurs intérêts propres. Retour dans l’avion. Et entretien avec un observateur attentif de la coopération, et ancien grand voyageur, Philippe Laurent, qui nous raconte l’épopée de Médecins sans frontières-Belgique. Et qui nous donne aussi les clefs de sa réussite, dont beaucoup pourrait peut-être s’inspirer aujourd’hui. Quelques sièges plus loin, sautant d’un livre à un autre, Erik Rydberg démêle les liens existants entre le(s) mouvement(s) altermondialiste(s) et les ONG tiers-mondistes. Il questionne leurs bases théoriques, trop peu en phase avec leur ambition de bouleverser l’ordre du monde néolibéral. Nouvelle escale : dans des pays en guerre ou en situation de post-conflicts. Isabelle Kuntziger constate d’abord la perméabilité des frontières d’actions entre «aidants» humanitaires, forces armées et administrations civiles, qui hypothèquent au final l’autodétermination des peuples concernés. De son côté, Xavier Zeebroek décrypte les nouvelles stratégies de grands bailleurs de fonds du Développement axées sur une politique d’optimalisation des missions menées. Atterrissage final et retour en Belgique : avec Diane Autreveille qui revient sur la question de la défédéralisation de la Coopération, actuellement enterrée par l’ensemble du monde politique…ce qui ne signifie pas nécessairement qu’il fait consensus. Enfin, Claudine Drion conclut cette exploration par un regard féministe qui montre combien, malgré certains progrès, l’égalité n’est pas encore une idée acquise. Le Thème a été coordonné par Jean-Paul Gailly