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Jusque quand et dans quel but ?

Depuis la mise en place du gouvernement de coalition de la Vivaldi le 1er octobre 2020 – seulement deux ans ? – on ne cesse de relever les points de haute tension entre partenaires et les sauvetages d’urgence par le Premier ministre – oui, j’avoue que les cheveux blancs et traits marqués d’Alexander De Croo m’inspirent compassion.

Les crises politiques, sociales, économiques s’enchainent (et je ne parle même pas de l’essentiel de la crise du covid-19 qui a été géré par le dernier gouvernement Wilmès), la colère gronde à tous les étages et dans toutes les sphères, la concertation sociale est enlisée, la société civile semble proche du burn out collectif.

Tous les voyants sont au rouge, sans mauvais jeu de mots, et… rien. Ou si peu, l’équivalent de rien. On finit par considérer que ce gouvernement est, plusieurs choix possibles, insensible, déconnecté, inconséquent, perdu, incapable, dépassé, incohérent, sans cohésion. Vous rappelez-vous les quatre gouvernements de droite assumée (MR-CD&V-Open VLD, agrémenté de la N-VA dans la première version du gouvernement Michel) que nous avons expérimentés depuis 2014 ? Michel I, Michel II, Wilmès I, Wilmès II, six longues années à droite toute. N’étions-nous pas en droit de rêver mieux et plus dans un gouvernement PS-MR-Ecolo-CD&V-Open VLD-SP.A-Groen ? Quatre partis de gauche, deux francophones, deux flamands, du rouge et du vert. Pourquoi alors avons-nous la désagréable impression que ce gouvernement continue de barrer à droite, dans la lignée des précédents, et que PS, Ecolo, Vooruit et Groen semblent plus attachés à marquer leur territoire qu’à virer de bord ?

Et pourtant, les sujets susceptibles de marquer la politique belge du sceau de la gauche n’ont pas manqué, pour la plupart des sujets fondateurs pour ces partis. Qu’il s’agisse du réchauffement climatique qui s’accélère et dont les effets se rendent de plus en plus visibles depuis deux étés, du non-accueil des migrant·es et du refus de définir une politique d’asile juste et respectueuse des droits, de la crise énergétique qui pousse nos concitoyen·nes vers l’appauvrissement et remet en selle les centrales nucléaires belges, des soi-disant négociations sociales portant sur le blocage de la marge salariale qui prive les travailleurs et travailleuses de tout espoir d’un avenir moins sombre, autant de sujets explosifs où la gauche peine à se faire entendre. Où la gauche peine tout court.

L’argument du « sans moi, ce serait pire » a bon dos, tout comme les supposés épouvantails PTB, N-VA et extrême droite – quoique de natures différentes. À trop de compromis – qui s’approchent à certains égards de compromissions – PS et Ecolo prennent le risque considérable de se détacher de leurs valeurs fondamentales, de se couper de leurs premiers partisan·es – la fameuse « base » – et
de mettre ainsi en péril la démocratie. Car celles et ceux qui ne se sentent plus soutenu·es, relayé·es, défendu·es par leur parti de cœur perdent également toute confiance dans les institutions censées les représenter.

Poursuivre ou abandonner ? Nos engagements vrillés au corps ne nous aident pas toujours à voir clair, portés que nous sommes par notre volonté d’agir en faveur du collectif. Pour ma part, j’ai posé le choix de conscience, longuement mûri, de quitter la rédaction en chef de Politique. Ce fut une joie et   un honneur de passer ces trois dernières années en votre compagnie, chères lectrices et chers lecteurs. Longue vie à nos valeurs et à nos engagements collectifs.

(Image en vignette et dans l’article sous CC BY 2.0 ; photo d’Alexander De Croo prise par Raul Mee, en septembre 2017.)