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La géopolitique des vaccins passe par la Commission européenne

11 mars 2021 : la commission européenne autorise un quatrième vaccin contre le coronavirus sur le sol européen.

Ce texte de la “chronique européenne” a paru dans notre n°115 (avril 2021).

La vaccination contre le Covid-19 est un enjeu planétaire car elle permettra de sortir de la sinistrose sanitaire, sociale et économique. À situation exceptionnelle, moyens exceptionnels puisque les laboratoires du monde entier se sont mobilisés. Dans ce contexte inédit, les Européens ont opté pour une approche centralisée visant à garantir leur approvisionnement. Une stratégie de bon sens, certes, mais elle expose une fois de plus les limites de l’Union européenne et les contraintes inhérentes à l’action de la Commission européenne.

La Commission a d’abord dû accorder les 26 violons avant de passer commande des vaccins, contrairement aux États agissant seuls. Les États-Unis, Israël, voire le Royaume-Uni en ont profité pour lui griller la politesse auprès des groupes pharmaceutiques : premier arrivé, premier servi. L’acteur principal de la coordination entre États membres et la validation des accords de répartition intraeuropéens, préalables indispensables à la prise de décision européenne en la matière, se retrouve critiqué pour son respect des traités.

Si les contraintes s’arrêtaient là… La procédure d’autorisation des vaccins dans l’Union est par ailleurs soumise au feu vert de l’Agence européenne des médicaments dont les précieux sésames sont délivrés au compte-goutte sur l’autel de la sécurité.

Une prudence compréhensible évidemment, mais le processus est de nouveau bien long au regard de l’urgence sanitaire, et c’est contre la Commission européenne encore que les États se retournent. Sa présidente, Ursula von der Leyen, a promis d’appuyer sur l’accélérateur.

À ce jour, quatre autorisations ont été délivrées (BioNTech-Pfizer, Moderna, AstraZeneca et Johnson & Johnson) pour six contrats conclus anticipativement (Sanofi-GSK et CureVac). Les laboratoires américains tiennent la corde, en s’appuyant même sur l’excellence européenne puisque Pfizer s’est associé à la start-up allemande spécialisée dans l’ARN messager pour produire son vaccin. Un comble alors que les laboratoires européens sont, eux, à la traîne dans cette course il est vrai ardue : Sanofi aidera finalement Pfizer à produire son vaccin et l’Institut Pasteur renonce définitivement.

La liste des entraves à une vaccination rapide dans l’Union comprend aussi plusieurs retards de production et un bras de fer avec le Royaume-Uni à propos du vaccin qu’AstraZeneca a développé avec l’université d’Oxford. Le groupe anglo-suédois a non seulement réduit le volume de production à destination de l’Union mais il a continué à honorer, en parallèle, ses autres contrats, notamment celui avec le Royaume-Uni.

Désormais, Ursula von der Leyen menace d’utiliser « tous les instruments » à sa disposition pour que les vaccins commandés par l’Union européenne soient livrés, y compris le blocage des exportations des doses produites en Europe. Quel autre choix a-t-elle alors que les livraisons erratiques de doses passent mal auprès des citoyens européens, impatients de prendre la seule porte de sortie défendue par les épidémiologistes et les responsables politiques, à savoir la vaccination ?

La crédibilité de l’Union européenne auprès de ses citoyens est engagée. Sa crédibilité sur la scène internationale ne l’est pas moins.

La géopolitique des vaccins n’est décidément pas un placebo.