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La Saint-Valentin des écologistes

La critique de l’empreinte écologique est presque aussi vieille que le concept. Elle est surtout très pertinente, pour ne pas dire imparable. En effet, de par sa formule de calcul, le message diffusé par l’empreinte est le suivant : qu’on consomme moins au Nord et qu’on fasse moins d’enfants au Sud, et une planète nous suffira. Le projecteur est braqué sur les comportements personnels, indépendamment de toute détermination sociale. Quand on sait que la transition démographique est un processus trop lent pour répondre à l’urgence environnementale et que la superficie forestière nécessaire à l’absorption du CO2 émis par la combustion des combustibles explique plus des deux tiers de l’empreinte (80% dans les pays « développés »), on prend la mesure du biais. Dans les délais qui nous sont impartis, les changements de comportement ne sauraient suffire à bannir l’usage du pétrole, du charbon et du gaz naturel : la transition exige des mesures structurelles, des décisions politiques. Qui va payer pour la « bulle du carbone » (80% au moins des réserves fossiles connues doivent ne jamais être exploitées) et pour les installations fossiles à démanteler avant amortissement ? Les multinationales de l’énergie, leurs actionnaires, les banques qui financent leurs investissements ? Ou les 99% ? D’une part, le concept d’empreinte détourne de ces questions et le fait si clairement qu’on peut se demander si ce n’est pas pour cela qu’il a été conçu. D’autre part, sa critique scientifique est si robuste qu’on est en droit aussi de se demander si ce n’est pas délibérément que les grands médias n’en tiennent aucun compte. Consacrer le JT une fois par an au dépassement de l’empreinte, ou rappeler tous les jours que les émissions de gaz à effet de serre continuent d’augmenter ? Le choix semble vite fait. Le jour du dépassement global, c’est un peu la Saint-Valentin des écologistes : 24 heures par an sous le signe de l’amour, tandis qu’indifférence et destruction continuent de dominer le monde.