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Le bon côté des choses, en trois leçons

Les dernières élections fédérales ont débouché sur une situation riche d’enseignements. Même si le gouvernement fédéral n’est pas
encore constitué, des antiennes et mots d’ordre résonnent déjà qui nous indiquent que le monde a bien changé et que la coalition des kamikazes suédois en sera le porte-drapeau.

En premier lieu
, il existerait des questions non communautaires en Belgique. Longtemps, on en fut convaincu, avant d’en douter, de plus en plus. Nous avions fini par hésiter face à l’insistance de certains : nous vivions dans deux démocraties distinctes et, de ce fait, toute orientation politique quelconque dépendait en premier lieu de l’identité linguistique de celui qui en était l’auteur avant que d’être une question d’idéologie. Seule la gestion à courte vue pouvait échapper à cette malédiction, cause peut-être du cantonnement de nos responsables politiques dans la reproduction du même.
Une pensée non binaire serait-elle possible ? De nouveaux territoires s’ouvriraient-ils devant nous ? Nos mandataires auraient-ils décidé de nous mener vers les lendemains qui chantent ? Toujours est-il que le socioéconomique n’est plus communautaire. L’on attend, d’un jour à l’autre, l’annonce de la refédéralisation des compétences socioéconomiques des Régions.

La deuxième leçon importante est mathématique. Pour le dire simplement : la majorité n’est pas ce qu’on croit, du moins si on prend en compte une dimension temporelle. Avant, quand vivaient côte-à-côte deux démocraties distinctes, il était scandaleux que soit constitué un gouvernement fédéral soutenu par un peu moins de la moitié d’un des deux groupes linguistiques.
C’était avant. Mais maintenant, en ces temps de concorde, d’union sacrée face à la crise, il suffit parfaitement d’un gros quart. Il faut à nouveau saluer la capacité de ceux-là mêmes qui protestaient hier à reconsidérer sereinement leurs positions.
Chacun en conclura que, finalement, les mathématiques sont bien moins exactes que ne l’affirmèrent nos professeurs et que la concorde nationale est une fort belle chose.

La troisième leçon fondamentale est tirée de l’annonce de nouvelles et drastiques restrictions budgétaires : nous bénéficions d’un microclimat socioéconomique. En effet, alors que, de tous côtés, l’on conclut à l’absurdité de la visée d’équilibre budgétaire en période de crise et que l’on rappelle qu’il faut dépenser en période de stagnation pour épargner en période d’embellie, le gouvernement fédéral en gestation – ainsi que le gouvernement flamand – nous annonce l’équilibre budgétaire pour demain.

Il y aura, certes, des économies à faire. Elles se réaliseront, à n’en pas douter, sur le dos des plus faibles, c’est de bonne guerre.
Mais elles nous ouvriront les portes d’un nouvel Eldorado. Car, sur nos terres fertiles, ce qui dépérit ailleurs fleurit, ce qui stérilise ordinairement fertilise, ce qui tue communément revigore. L’échec retentissant des politiques d’austérité au niveau européen, les désordres politiques consécutifs à l’appauvrissement des populations et la vanité du dogme de la rigueur budgétaire à tout prix ne menacent pas chez nous. Voilà qui est rassurant. Il faut croire que les kamikazes suédois rentrent toujours sains et saufs au bercail.

C’est intentionnellement que nous avons choisi trois leçons rassurantes car, en ces temps difficiles, nous avons avant tout besoin de sérénité, d’optimisme et de bonne volonté. En effet, ne dit-on pas que la viande de l’animal stressé par son arrivée à l’abattoir perd de sa tendresse ? Nous ne savons pas exactement à quelle sauce nous serons mangés, mais il serait dommage que le banquier dans l’assiette duquel nous finirons vive la terrible contrariété de briser son bridge sur nos abattis. Se faire bouffer est certes une douloureuse épreuve, voudrait-on qu’en plus, ce soit en vain ?