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155 000, le nombre de chômeurs et chômeuses de longue durée

Le chiffre : 155 000
Le chiffre : 155 000

155 000 : c’est le nombre de chômeurs et de chômeuses de plus de deux ans que comptait la Belgique en 2022. Un problème ? Certainement. C’est un chiffre qui fait réagir, mais pas nécessairement dans le sens attendu de la part d’un leader socialiste…

Le 1er mai 2023, Conner Rousseau, président des socialistes flamands (Vooruit), a déclaré en effet que « la véritable inégalité dans notre pays, c’est l’inégalité entre ceux qui participent et ceux qui ne veulent pas travailler ». Buiten, les inégalités de classe. Adios, les inégalités d’héritage. Finies, les inégalités de genre. Conner s’adresse à vous : Camarade belge, au travail, et surtout : arrêtez de glander.

À partir de cette analyse fine de la réalité, le jeune padawan du socialisme flamand plaide donc tout simplement pour une perte du droit aux allocations de chômage après deux ans sans emploi, sauf à accepter un « emploi de base » (jardins, clubs sportifs…). Passons sur le mépris total du personnel qui exerce déjà ce type de métier. Qui serait concerné·e par la mesure ? 155 000 chômeurs et chômeuses, comme on l’a dit, sur les 292 500 que compte notre pays. La Flandre ? Elle table sur un tissu productif en meilleur état, avec plus de jobs disponibles. Pour une population plus importante que la Wallonie et Bruxelles réunies, seulement 17% du chômage total est flamand et de longue durée.

Au contraire, la Wallonie et Bruxelles prennent à leur compte respectivement 23% et 14%. Premier constat : Conner rejoint donc Georges-Louis (si si, l’autoproclamé représentant de la fantasmée « droite camping-car »), mais il le fait à moindre frais. Il sait parfaitement que sa mesure touchera surtout la population francophone, pas son électorat.

Y a-t-il un deuxième constat?

Oui : le milieu politique croit trop souvent qu’il suffit d’enlever des droits aux citoyen·nes pour que le monde se porte mieux. Nos politiques publiques de redistribution (chômage, soins de santé, pension…) vivent constamment sous la pression suivante : il faut faire rentrer de l’argent dans les caisses ou éviter d’en faire sortir trop pour viser l’équilibre. Et en la matière, les politiques de chômage sont toujours considérées par le monde politique comme un jeu gagnant. L’idée est simple : restreindre les droits d’un côté (équivalant à moins de dépenses) pour que par magie les personnes trouvent du travail (et donc augmenter les recettes). En 2001, on dépensait 5,7 milliards en chômage. En 2019, tout pareil. Victoire ? Oui, mais à la Pyrrhus.

La première fausse réussite est connue des personnes exclues de leurs droits et toujours sans emploi : rendez-vous au CPAS, dont la part des dépenses sur la protection sociale est en augmentation entre 2001 et 2019. La seconde fausse victoire est connue des travailleurs·euses qui ont actuellement un emploi. Le nombre de malades et invalides dans le monde du travail a explosé. Il est important qu’un maximum de gens travaillent pour contribuer aux institutions qui fondent la solidarité, à l’heure où les demandes et les besoins sont nombreux.

Mais peut-être est-ce tout aussi important qu’elles puissent le faire sans risquer de tomber dans la précarité ou les souffrances du monde du travail. On ne supprimera donc pas les 155 000 chômeurs et chômeuses en rayant leurs noms des listes de chômage. Il y a fort à parier qu’ils et elles réapparaîtront dans d’autres colonnes, celles des malades et des exclu·es. À moins d’écrire un programme politique pragmatique et enthousiasmant, n’abandonnant ni la contribution de chacun·e, ni les réalités vécues du monde du travail et des situations sociales.